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Comment se règle une succession : levons le voile... Par Jean-Philippe Jacquot, Notaire.
Parution : mardi 30 janvier 2024
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En matière de succession, tout commence en somme par la mort… Le Code civil soulève bien que la succession d’une personne s’ouvre par son décès [1].
C’est ainsi tout naturellement que par ses connaissances juridiques, son expertise patrimoniale, ainsi que les missions qui lui ont été confiées par la loi, le notaire règle les successions.
Dans cette situation douloureuse pour les familles, nous allons baliser les principales étapes que doivent franchir les héritiers (et ayants-droit) afin de pouvoir mener le règlement de la succession du défunt à son terme.

1- L’acte de notoriété comme moyen d’identifier les héritiers.

L’acte de notoriété permet de constater et d’attester la dévolution successorale, c’est-à dire d’identifier les héritiers présomptifs du défunt.

Il est obligatoirement dressé par un notaire à la demande d’un ou plusieurs ayants-droit [2].

C’est par conséquent un acte authentique, faisant foi de sa date (date certaine) et faisant foi jusqu’à preuve contraire (force probante). Ainsi, les ayants-droit bénéficient d’une forte présomption (on dira dans l’acte qu’ils sont héritiers présomptifs (habiles à se dire et porter seuls héritiers, formule traditionnelle du notariat).

Les héritiers devront ainsi produire l’acte de décès ainsi que tous les actes de l’état civil, le livret de famille, et tout justificatif pouvant établir un lien de filiation.

Tous les éventuels testaments ou éventuelle donation entre époux (disposition à cause de mort) devront être produits.

Les ayant-droit (héritiers/légataires) devront affirmer et certifier qu’ils ont vocation à recueillir la succession ou une quote-part de celle-ci.

Également toute autre personne pourrait comparaitre à l’acte pour confirmer la dévolution successorale (appelée témoin instrumentaire).

Après la signature des ayants-droit et par la notaire, l’acte sera conservé à l’étude pendant 75 ans, puis il sera reversé aux archives départementales. On dit que l’acte est déposé au rang des minutes du notaire.

Au titre des formalités de cet acte, il sera demandé à la mairie du lieu de décès d’inscrire en marge de l’acte de décès l’existence de l’acte de notoriété.

2- L’attestation de propriété immobilière : titrer les héritiers.

Après la signature de l’acte de notoriété, et en présence de biens, et droits immobiliers, il y a lieu de les transmettre aux ayants-droit (aux héritiers, conjoint survivant successible et aux éventuels légataires).

Ainsi, le notaire devra dresser un acte d’attestation de propriété immobilière visant à désigner les nouveaux propriétaires du ou des biens immobiliers [3].

C’est dans cet acte au plus tard, que les ayants-droit devront prendre position pour accepter la succession [4].

En résumé, cet acte modifiera le nom du propriétaire au fichier immobilier tenu par le Service de la Publicité Foncière (anciennement dénommé Conservation des Hypothèques).

A cet instant même, les ayants-droit seront reconnus comme propriétaires : ils seront titrés.

3- Le certificat de cession ou le certificat de mutation.

Pareillement, il va falloir confirmer la transmission au profit des ayants-droit pour les véhicules automobiles, ainsi que des actions et parts de société.

Pour cela, le notaire devra rédiger ces certificats, qui seront nécessaires à l’accomplissement des formalités (site internet de la Préfecture, par exemple pour les véhicules automobiles).

4- L’inventaire successoral.

Le procès-verbal d’inventaire est un acte qui va être rédigé par le notaire [5].

L’inventaire est conseillé afin de parvenir facilement au partage. Il va également être intéressant afin d’échapper au forfait mobilier légal de 5% sur l’actif brut de succession (souvent présence d’un actif immobilier ou d’entreprise important).

Il est réalisé principalement sur les meubles meublants et les objets mobiliers. Il va ainsi être dressé par le notaire, tout en étant accompagné par un commissaire de justice qui effectuera l’évaluation des biens : la prisée.

Précisions, chemin faisant, que les commissaires-priseurs judiciaires forment dorénavant une seule et même profession avec celle d’huissier de justice [6].

L’inventaire peut être demandé par le conjoint survivant, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou encore par toute personne qui prétend avoir une vocation successorale ; aucun besoin de l’accord unanime pour y recourir.

Ainsi, le notaire se rendra au domicile du défunt en présence des héritiers afin d’inventorier tous les biens du défunt.

Le commissaire de justice dressera un rapport que le notaire utilisera pour dresser son procès-verbal d’inventaire.

5- La déclaration de succession.

En application des dispositions du Code général des impôts [7], les héritiers, légataires ou donataires, leurs tuteurs ou curateurs, sont tenus de souscrire une déclaration détaillée et de la signer.

Cependant cette déclaration ne sera pas imposée :

Parfois, une déclaration de succession dite partielle est nécessaire en présence de contrat d’assurance-vie.

Ce formulaire fiscal, complexe au demeurant est rédigé et envoyé par le notaire, qui va procéder aux comptes, reprises, récompenses, liquidation de l’éventuelle communauté, puis liquidation de la succession, selon les règles du droit civil et du droit fiscal.

Cette déclaration de succession va envisager et ainsi comprendre l’intégralité des biens meubles (meubles, objets, mais aussi les fonds de commerce, parts de société, les comptes bancaires, actions, obligations et autres avoirs) et immeubles qui ont appartenu au défunt. Un rappel fiscal des donations antérieures devra y figurer.

Tous les biens meubles et immeubles à travers le monde sont à comprendre dans la déclaration de succession [8].

Concernant la résidence principale du défunt et de son conjoint ou de ses enfants mineurs ou majeurs soumis à un régime de protection, ou encore incapables de travailler dans des conditions normales de rentabilité, il est pratiqué une réfaction (véritable décote) de 20% sur la valeur du bien immobilier au jour du décès.

En outre, et pour ne parler que du passif, par principe, seules les dettes existantes au jour du décès peuvent être prises en compte. Elles doivent impérativement être justifiées par un écrit (ou un acte), par exemple une attestation établie par le créancier, ou des présomptions graves, précises et concordantes.

A titre de tolérance fiscale, il est admis de pouvoir prendre en considération un forfait pour frais funéraires de 1 500 euros sans facture ; la déduction au réel étant interdite.

Concernant le délai pour déposer la déclaration de succession, celui-ci est de 6 mois à compter du décès lorsqu’il a eu lieu en France métropolitaine. L’administration fiscale porte ce délai à 12 mois dans les autres cas.

En cas de retard dans le versement des droits de succession, un intérêt de 40% sera dû par mois de retard postérieurement au décès. De plus, une majoration de 10% au-delà du sixième mois de retard sera exigée.

Le calcul des éventuels droits de succession à payer doit être réalisé dans la déclaration. Le notaire procédera au calcul, en tenant compte des abattements pour chacun des héritiers ou légataires.

Par exemple, un enfant (héritier en ligne directe) va bénéficier d’un abattement de 100 000 euros.

Cela implique parfois à imposer aux héritiers n’ayant pas les liquidités suffisantes à vendre un ou plusieurs biens immobiliers dépendant de la succession. A cette situation, le notaire devra conseiller le paiement des droits de succession de manière fractionnée ou différée.

Le paiement fractionné (autorisé lorsque la succession est composée d’au moins 50% de biens non liquides) est un étalement en mensualités égales des droits sur cinq ans à compter de leur exigibilité.

Le paiement différé quant à lui, est la situation dans laquelle les héritiers vont recueillir la nue-propriété d’un bien. Dans ce cas, le paiement des droits est différé jusqu’à l’expiration d’un délai de 6 mois suivant le décès de l’usufruitier (le conjoint survivant, dans la plupart des cas).

La demande d’étalement doit être faite dans la déclaration de succession et contenir des offres de garantie suffisantes, garanties portant sur des immeubles ou sous forme de cautionnement ; un taux d’intérêt y sera appliqué par l’administration fiscale.

Pratiquement, nous ne pouvons qu’encourager à régler une succession le plus tôt possible après le décès afin d’anticiper sur les sujets à venir.

Jean-Philippe Jacquot Notaire associé à Villemomble (93) Réseau Les Artisans Notaires: Villemomble (93) / Croissy-sur-Seine (78)

[1Art. 720 du Code civil.

[2Article 730-1 Code civil.

[3Art. 4 du décret 55-22 du 4 janvier 1955 réformant la publicité foncière.

[4Art. 29 du décret 55-22 du 4 janvier 1955.

[5Art. 789 du Code civil et 1328 et s. du Code de procédure civile.

[6Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice.

[7Art. 800 I du Code général des impôts.

[8Art.750 ter du CGI.

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