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La loyauté dans les relations de travail, par Jean-Paul Ravalec.
Parution : samedi 13 avril 2002
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Avril 2002.

La loyauté se manifeste dès le début des relations que peuvent avoir un futur employeur et un candidat à un emploi.
Sur ce thème, j’ai choisi de traiter de l’offre d’emploi, du CV, des méthodes de recrutement, des informations échangées lors de l’entretien d’embauche, de la promesse d’embauche et de la période d’essai.

1. La loyauté se manifeste dès l’offre d’emploi et la présentation du CV

1.1- L’offre d’emploi doit être transparente

La loyauté dans les offres d’emploi consiste pour l’employeur à ne pas faire figurer dans une offre d’emploi :
- " Des allégations fausses ou susceptibles d’induire en erreur ", notamment les informations concernant la nature et la description du poste, la rémunération ou le lieu de travail (article L 311-4 du Code du travail)
- La mention d’une limite d’âge supérieure pour le poste proposé (L 311-4 du Code du travail)
- Des conditions discriminatoires fondées notamment sur le sexe, l’origine, l’appartenance à une religion, un syndicat ou un parti politique (article L 122-45 du Code du travail)

1.2 - Le CV doit contenir des informations exactes

Le CV est un élément primordial lors d’un entretien. C’est, en partie, sur les informations qu’il contient que l’employeur décidera ou non d’embaucher une personne plutôt qu’une autre.

Le salarié doit faire preuve de loyauté lorsqu’il fait et transmet son CV. Ici la loyauté s’entend d’un CV exempt d’informations inexactes (pas de mensonges concernant sa formation ou ses expériences professionnelles).
Selon l’article L 121-6 du Code du travail, le candidat à une embauche est tenu de répondre de bonne foi aux demandes d’informations de l’employeur.

Mais pour la Cour de cassation, l’employeur a aussi un rôle à jouer :
o L’employeur doit faire preuve de diligence et procéder à un minimum de vérifications (Cass, Soc, 30 mai 1991)
o Le fait pour l’employeur d’invoquer une falsification du CV ne suffit pas pour entra”ner un licenciement pour cause réelle et sérieuse ou pour faire annuler le contrat de travail (Cass, Soc, 30 mars 1999)
o Il faut prouver l’incompétence ou l’insuffisance professionnelle du salarié pour pouvoir le licencier (Cass, Soc, 30 mars 1999)
o Il faut que le mensonge du salarié constitue un dol pour pouvoir annuler le contrat de travail (Cass, Soc, 17 octobre 1995).
La Cour de cassation admet restrictivement la qualification de dol pour éviter de prononcer la nullité de contrats de travail.

2. La loyauté lors d’un entretien d’embauche

2.1- Des méthodes de recrutement transparentes et pertinentes

Très souvent l’employeur utilise des méthodes de recrutement pour embaucher un candidat. Les méthodes et techniques d’aide au recrutement doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie. (article L 121-7 du Code du travail)

L’employeur doit informer expressément le candidat à un emploi des méthodes et techniques d’aide au recrutement qui seront utilisées à son égard. Il doit aussi porter à la connaissance du comité d’entreprise si celui-ci existe, les techniques d’évaluations. (L 432-2 du Code du travail) Les résultats obtenus doivent rester confidentiels sauf à l’égard du candidat. (article L 121-7 du Code du travail)

L’employeur ne peut collecter des informations concernant personnellement un candidat à un emploi par un dispositif qui n’aura pas été porté préalablement à sa connaissance. (article L 121-8 du Code du travail)

Il existe une diversité de méthodes : les questionnaires d’embauche, les tests graphologiques et astrologique, ...
 
 2.2- Les informations sur le salarié

A coté de ces tests, et au cours de l’entretien d’embauche, l’employeur demande souvent de multiples informations sur le salarié. Ces informations ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier la capacité du salarié à occuper l’emploi proposé et doivent présenter un lien direct et nécessaire avec cet emploi.

Le candidat est tenu de fournir de bonne foi ces informations (article L121-6 du code du travail). Toutefois, il n’est pas obligé de répondre à des questions qui n’ont aucun lien direct avec le poste proposé (renseignements sur l’appartenance syndicale, religieuse, ...)
Si ces réponses sont fournies lors d’un questionnaire écrit, l’employeur ne pourra pas sanctionner le salarié pour les réponses incomplètes ou inexactes données. Ce n’est pas un motif de licenciement valable.
 
 2.3- Les informations sur la société

L’employeur devrait systématiquement communiquer à la personne qu’il embauche les brochure de présentation de l’entreprise, la convention collective à laquelle l’entreprise est soumise, le règlement intérieur, le nom des représentants du personnel et du comité d’entreprise s’ils sont présents dans l’entreprise, l’adresse de l’inspection du travail et de la médecine du travail.
Le salarié ne doit pas hésiter à demander à ce que lui soit communiquées toutes ces informations.
L’employeur doit communiquer tous ces documents de bonne foi.

3. La loyauté dans l’engagement des parties

3.1- La promesse d’embauche : un véritable engagement

Il est important de faire la différence entre une promesse d’embauche et des pourparlers : On parle de promesse d’embauche lorsque l’employeur propose au candidat qu’il a choisi, de l’employer de façon ferme et précise. Les conditions de rémunération et la date limite pour la prise de fonction ayant été arrêtées. A ce titre, la cour d’appel de Pau le 17 mai 1995 (SAE Santa Flor c/ Bardet) a précisé qu’une lettre indiquant le montant du salaire, les horaires de travail, la durée hebdomadaire de travail, la durée de la période d’essai et qui précise qu’une réponse doit être données dans les huit jours constitue une promesse d’embauche.

L’employeur peut très bien conditionner la promesse d’embauche à certains événements (réussite d’un examen, accord du chef de service...)

Une fois la promesse d’embauche constituée, l’employeur ne peut se délier sauf à prévoir une clause de rétractation. S’il rompt néanmoins la promesse d’embauche, il s’expose au versement d’une indemnité compensatrice de préavis et à une condamnation à des dommages et intérêts pour rupture abusive.
Lorsque le salarié l’a accepté, il y a conclusion d’un contrat de travail et toute rupture de celui-ci, à l’initiative de l’employeur, constitue alors un licenciement. (Cass, Soc, 2 février 1999, Duffas c/ SOGEA)

L’employeur ne peut donc pas faire n’importe quoi lorsqu’il s’engage envers un candidat.

3.2- La période d’essai : un désengagement possible mais non fautif

 3.2.1- La durée de la période d’essai

- la période d’essai précède l’engagement définitif d’un salarié, elle n’est pas obligatoire et relève de la négociation entre les parties au contrat.
- Pour un CDI, la durée de la période d’essai est fixée par les parties sous réserve du respect des conventions collectives ou de la loi. Si les parties n’ont rien prévu, la fixation doit prendre en compte la nature des responsabilités que le salarié sera amené à exercer.
- Pour un CDD, la durée de la période d’essai est fixée en fonction de la durée du contrat. Par exemple, elle sera d’un mois maximum pour un CDD de plus de 6 mois.
- le renouvellement d’une période d’essai doit être expressément prévu par les parties au contrat, il ne peut être implicite (Cass, Soc, 30 janvier 1996)

3.2.2- La rupture de la période d’essai

La période d’essai peut en principe être rompue à tout moment par l’employeur ou le salarié sans indemnité ni préavis, cependant, la notification de la rupture par l’employeur doit intervenir pendant l’essai, sinon la rupture sera requalifiée en licenciement (Cass, Soc, 27 mars 1996)
La rupture de la période d’essai n’obéit à aucun formalisme (article L 122-4 alinéa 2 du Code du travail) donc sa notification peut-être verbale. (Cass, Soc, 25 juin 1989) Cependant, il faudra vérifier s’il existe des dispositions particulières à ce sujet dans la convention collective ou le contrat de travail. Il est tout de même conseillé d’effectuer la notification de la rupture par lettre recommandée avec accusé de réception en cas de contentieux futur.
La rupture peut néanmoins entra”ner un droit à des dommages et intérêts si elle est prononcée abusivement et pour un motif illicite (volonté de nuire, décision nullement motivée par des raisons professionnelles...)
La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi jugé dans un arrêt en date du 5 mars 1987 que " si en principe chaque partie au contrat de travail est libre de le rompre, sans donner de motif, au cours de la période d’essai, il n’en résulte pas que cette rupture ne puisse être fautive "

Le futur employeur et le candidat à un emploi doivent donc veiller à respecter le principe de bonne foi qui régit autant les relations de travail contractuelles que précontractuelles.

Pour aller plus loin :

§ Ouvrages :

- Dictionnaire permanent- Social- Editions législatives
- Lamy Social- Droit du travail- Lamy
- Mémo social- Travail et emploi- Liaisons sociales
- Revue Droit ouvrier- Confédération générale du travail
- Revue Droit social

§ Sites Internet :

- http://www.avocats-conseil.com  : Fiches et documentations en droit social
- http://www.cadremploi.fr/conseil_droit1.jhtml?code=11052850 : : promesse d’embauche
- http://www.legisocial.com/  : réglementations- textes- jurisprudences sociales
- http://www.pratique.fr/vieprat/emploi/embauche/daf3104.htm : période d’essai
- http://fr.talentcampus.com/magazine/droit_du_travail/article4.html : :
promesse d’embauche, essai professionnel
- http://www.dossierfamilial.com/article1/CV/CV.php3 : valorisation du CV
- http://www.cadresonline.com/fr/coaching/droit/proemb/  : promesse d’embauche (non respect, valeur juridique).

Auteur :
Fiche rédigée par le Cabinet d’avocats RAVALEC.
27, rue de Fleurus - 75006 Paris
jpravalec chez aol.com
Rédaction du village