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Qui est responsable en cas d’annonce frauduleuse ? Par Claudia Weber et Brian Robion, Avocats.
Parution : jeudi 4 avril 2024
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Une plateforme en ligne peut-elle voir sa responsabilité engagée par des utilisateurs qui ont subi un préjudice à cause d’une annonce frauduleuse ?
C’est la question sur laquelle s’est penchée la Cour d’appel d’Amiens le 23 janvier 2024.

Rappel sur le régime de la responsabilité des hébergeurs.

Qu’est-ce qu’un hébergeur au sens de la LCEN ?

L’article 6, I, 2° de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) définit les hébergeurs comme

« les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».

Ces intermédiaires techniques n’exercent pas de rôle actif sur le contenu fourni par les destinataires du service d’hébergement et bénéficient donc d’un régime de responsabilité aménagée.

Quel est le régime de responsabilité applicable aux hébergeurs ?

L’hébergeur ne joue qu’un rôle passif dans la publication des contenus par les destinataires du service. Aussi, il ne peut voir sa responsabilité engagée que sous les deux conditions cumulatives suivantes :

La connaissance de l’existence d’un contenu manifestement illicite est réputée acquise par l’hébergeur lorsque les conditions de l’article 6, I, 5° de la LCEN sont remplies, à savoir :

« Lorsqu’il lui est notifié les éléments suivants :

  • si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénom, adresse électronique
  • si le notifiant est une personne morale : sa forme sociale, sa dénomination sociale, son adresse électronique ; si le notifiant est une autorité administrative : sa dénomination et son adresse électronique […]
  • la description du contenu litigieux, sa localisation précise et, le cas échéant, la ou les adresses électroniques auxquelles il est rendu accessible […]
  • les motifs légaux pour lesquels le contenu litigieux devrait être retiré ou rendu inaccessible […]
  • la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté ; cette condition n’est pas exigée pour la notification de certaines infractions listées par la LCEN ».

L’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 23 janvier 2024.

Que s’est-il passé ?

La décision de la Cour d’appel d’Amiens.

La cour d’appel rappelle d’abord le texte de l’article 6, I, 7° de la LCEN, selon lequel les hébergeurs ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. La cour d’appel relève ensuite que la défenderesse avait connaissance

« de deux précédentes fraudes, la même année 2020, portant sur le même bien, de l’identité du propriétaire réel et de deux plaintes circonstanciées émanant du conseil du propriétaire du bien lui demandant de bloquer une telle annonce pour l’avenir ».

En conséquence, la cour d’appel relève que la défenderesse, indépendamment de toute obligation générale de surveiller les informations transmises ou stockées, disposait d’informations concrètes (adresse du bien, descriptif de l’annonce, prix de la location) lui permettant d’agir promptement pour retirer l’annonce « dès sa mise en ligne ».

En conséquence, la cour d’appel juge que la défenderesse a commis une faute en ne retirant pas proactivement l’annonce.

Par ailleurs, la cour d’appel relève que :

En conséquence, la cour d’appel juge que le comportement des demandeurs relève de la négligence fautive.

Ladite négligence ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du préjudice, la cour juge que « Il n’est donc pas établi de relation de cause à effet entre l’absence de suppression de l’offre par l’hébergeur et le préjudice invoqué ».

Ce qu’il faut retenir.

Claudia Weber, avocat associé et Brian Robion, Avocat collaborateur Barreau de Paris Itlaw Avocats - www.itlaw.fr