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La responsabilité professionnelle du notaire, par Rachad Kobeissi, Avocat
Parution : jeudi 12 février 2009
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Par un arrêt rendu en date du 27 novembre 2008, la Cour de Cassation a voulu retracer l’étendue du champ de la mise en œuvre de la responsabilité professionnelle du notaire au moment de la conclusion de l’acte authentique.

En effet, au terme d’une promesse unilatérale de vente reçue le 29 mai 1999 par M. X. notaire, les époux Y. se sont engagés à vendre aux époux A. un appartement situé à Paris. L’acte stipulait un terme expirant au 29 juillet 1999.

Par la suite, les époux A ont levé l’option et se sont déclarés prêts à signer l’acte de vente à la date du 29 juillet 1999 mais la signature a été reportée à plusieurs reprises du fait des époux Y.

Ayant estimé qu’ils ont subi un préjudice imputable au comportement des vendeurs, les époux A ont obtenu du juge de l’exécution une ordonnance en date du 11 janvier 2000 les autorisant à prendre une inscription d’hypothèque provisoire sur l’immeuble faisant l’objet de la promesse de vente. En vertu de cette autorisation ce dernier ont fait procéder à l’inscription de l’hypothèque provisoire deux jours avant la signature de l’acte de vente lequel a été effectivement réalisé par le parties le 15 janvier 2000.

Le jour de la signature de la vente, les époux Y. étaient représentés par leur notaire M. B alors que les époux A étaient présents en personne. Toutefois, ils n’ont pas révélé à M. B. l’existence de l’inscription hypothécaire provisoire que postérieurement à la signature de la vente. Ils ont, alors, exigé de M. B. auquel le prix de vente avait été remis par son confrère M. X. le blocage des fonds garantis par cette hypothèque.

Le notaire M. B. a refusé la demande des époux A. et a remis à ses clients les époux Y. le prix de vente.

Par la suite, les époux A. ont engagé une action en responsabilité professionnelle de M. B. afin de lui demander la réparation du préjudice subi par eux.

La Cour d’Appel de Paris a fait droit à la demande des époux A et à considéré que le notaire M. B. a commis une faute d’imprudence en distribuant les fonds aux époux Y.

La Cour de Cassation a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris en considérant qu’ : « en statuant ainsi, alors que M. B, professionnel du droit, se devait de prendre en considération la circonstance que l’hypothèque provisoire est inscrite par les époux A, sur un bien dont ils étaient devenus propriétaires était nécessairement dépourvus de toute efficacité, de sorte qu’en l’absence de toute autre sûreté, il n’avait pas à consigner, au préjudice des époux Y. ».

Cet arrêt de la Cour de Cassation à une importance primordiale étant donné qu’il subordonne la mise en œuvre de la responsabilité professionnelle du notaire à la réunion de plusieurs conditions :

- Tout d’abord, la responsabilité du notaire doit être fondée sur l’existence d’une faute constatée. La cour de cassation a voulu en d’autres termes imposer aux juges du fond, l’étude de la conduite du notaire en l’examinant par comparaison à celle qu’aurait dû avoir un notaire compétent, prudent et attentif.

- Ensuite, la responsabilité du notaire ne peut pas être mise en œuvre que lorsque sa pratique professionnelle a conduit à une situation préjudiciable aux personnes parties à l’acte authentique. Toutefois, la Cour de Cassation rappelle que cette situation préjudiciable doit être liée directement à l’efficacité de l’acte établi par ce dernier.

Par ailleurs, il semble que la Cour de Cassation a voulu exiger de la part des juges du fond une appréciation globale des faits et de ne pas s’arrêter sur le simple constat de la faute notariale. Ainsi, la Cour de Cassation reproche, d’une façon implicite, à la Cour d’Appel le fait de ne pas avoir pris en compte la faute des époux A, laquelle présente deux aspects : d’une part, le fait de ne pas révéler au notaire M. B. l’existence de l’hypothèque provisoire au moment de la conclusion de l’acte définitive de vente. D’autre part, le fait de ne pas rendre définitive l’inscription provisoire la privant ainsi de son efficacité.

Cet arrêt est venu reprendre aussi d’autres arrêts de la Cour de Cassation ayant pour objet d’inciter les juges de la Cour d’Appel à rechercher le partage de la responsabilité entre le notaire et les parties à l’acte authentique.

Rachad KOBEISSI

Avocat à la Cour

Docteur en droit privé

avocat.kobeissi chez gmail.com