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Mobilité géographique : quelle marge de manoeuvre pour le salarié ? Par Julie F., juriste
Parution : jeudi 26 février 2009
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Votre employeur vous a proposé un changement de votre lieu de travail et vous ne savez pas quelles conséquences peut avoir votre refus sur votre relation de travail ?

La première étape consiste à déterminer si votre contrat de travail dispose ou non d’une clause de mobilité. A partir de la, deux hypothèses :

En présence d’une clause de mobilité géographique

Le fait que l’employeur décide de faire exécuter cette clause de mobilité ne constituera alors pas une modification du contrat mais un simple changement des conditions de travail que le salarié ne saurait refuser sans être fautif.

Encore faut-il que la clause soit valide.
Pour cela plusieurs conditions :

1/ Elle doit fixer un secteur géographique précis (tel que la mention de la France métropolitaine par exemple).

2/ Elle ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale du salarié quant au libre choix de son domicile.
Cette notion a été rappelée récemment par la cour de cassation le 14 octobre 2008. L’employeur ne peut en aucun cas imposer au salarié un changement de résidence.

3/ La portée de la clause ne peut être étendue unilatéralement par l’employeur.

Toute stipulation qui accorderait à l’employeur le droit de modifier seul le secteur géographique fixé par la clause est interdite.

Exemple dans un autre arrêt du 14 octobre 2008 : une clause prévoyait l’extension de la zone de mobilité d’une salariée lors de chaque implantation d’un établissement sur un territoire. Elle a été invalidée par la cour de cassation, considérant que cela privait la salariée de la possibilité de connaître avec précision l’étendue de la mobilité au jour de l’engagement.

4/ Elle ne doit pas entrainer la modification d’un élément du contrat de travail.

Un troisième arrêt de la même date a énoncé qu’une clause entrainant modification du contrat ne pouvait être imposée par l’employeur au salarié.

Exemple : on ne peut imposer une mobilité entraînant une diminution de la partie variable de la rémunération contractuelle ou un passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour et inversement.
Dans ces hypothèses, l’accord du salarié est toujours requis.

5/ La mise en œuvre de la clause ne doit pas être abusive.

L’abus sera constitué soit parce que la mobilité a été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise, soit parce qu’elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

Exemple : après avoir été absente pendant prés de 4 ans en raisons de congé de maternité et parentaux, une salariée avait demandé à retrouver son ancien poste. Quatre mois après sa demande son employeur l’a informé qu’elle serait affectée dans une autre ville. Son refus entraîne alors son licenciement pour faute.
Le licenciement a été considéré comme sans cause réelle et sérieuse en raison de la mise en œuvre abusive de la clause. En effet, les juges ont admis le manque de diligence de l’employeur qui a proposé le poste trop tardivement compte tenu de la situation familiale de la salariée. De cette manière, l’employeur a contraint la salariée à refuser la mise en œuvre de la clause de mobilité.

6/ Elle ne doit pas porter atteinte à la vie personnelle et familiale sauf si c’est justifié et proportionné.

Sur l’utilisation d’une telle clause à des fins disciplinaires : les juges admettent cette pratique mais à la condition que la procédure disciplinaire soit respectée et que cette sanction soit proportionnée à la faute commise.

En l’absence de clause de mobilité

1/ Le changement de lieu de travail doit être apprécié de façon objective.

Les juges refusent en effet toute démarché subjective. Pour déterminer s’il y a modification du contrat ou non, on ne va pas prendre en considération le temps individuel de déplacement de chaque salarié. Ce qu’il faut apprécier c’est le déplacement entre l’ancien et le nouveau lieu de travail.

2/ Les juges doivent rechercher si le changement de lieu s’opère à l’intérieur d’un même secteur géographique ou non.

Dés lors que la mutation se fait au sein du même secteur géographique, l’employeur peut l’imposer.

Un secteur géographique est un espace au sein duquel un employeur peut raisonnablement imposer un minimum de mobilité. L’objectivation est poussée loin par la cour de cassation car elle prend le soin dans chaque arrêt de contrôler si la mutation a lieu dans un même secteur géographique.

Exemple : a été considéré que quand la mutation est faite au sein de la région parisienne c’est une mutation au sein du même secteur géographique. Raison : zone de transports routiers développés.

Mais dans un arrêt du 15 juin 2004, la cour de cassation a considéré que la mutation d’une salariée passant du 9ème arrondissement de Paris à Roissy constituait une modification du contrat de travail compte tenu de la desserte en moyens de transports. Alors même que les 2 lieux de travail se trouvaient dans une même zone géographique (région parisienne).

Les juges se fondent donc bien souvent sur la desserte en moyens de transports de chacun des lieux de travail.

Le salarié ne peut refuser la mobilité qui s’effectue dans un même secteur géographique. A défaut, il se verrait reprocher une inexécution du contrat de travail constitutive d’une faute disciplinaire.

Depuis 2006, ce n’est plus considéré par les juges comme une faute grave.

En résumé :

Exemples de changement de lieu de travail constituant un simple changement des conditions de travail en l’absence de clause de mobilité :

- la mutation dans un même secteur géographique

- le déplacement occasionnel ou temporaire quand la mobilité est inhérente aux fonctions du salarié

Constitue en revanche une modification du contrat :

- la mutation hors secteur géographique

- le fait d’imposer au salarié le travail à domicile

Attention : la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur informative sauf si une clause claire et précise mentionne expressément que le salarié exécutera son travail exclusivement sur ce lieu.

Article à consulter également sur http://www.portaildudroitsocial.com