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Action en déchéance : de l’importance quantitative de l’usage d’une marque vinicole, par Philippe Rodhain, CPI
Parution : mercredi 4 mars 2009
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Quel seuil quantitatif doit être retenu pour déterminer si une marque vinicole est exploitée ou non ?

Telle était la question posée à la Cour de cassation dans le cadre d’un pourvoi contestant l’importance accordée au faible volume de bouteilles de vin commercialisées sous une marque vinicole.

Il était reproché en substance à la cour d’appel d’avoir considéré suffisante, pour s’opposer à la déchéance de la marque, la vente annuelle d’environ mille bouteilles, alors que la société titulaire de cette marque commercialisait plus de 120.000 bouteilles par an sous une autre dénomination.

Selon l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, l’action en déchéance sanctionne tout propriétaire de marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Pour ne pas condamner les marques ayant une faible diffusion, la loi n’exige pas un niveau minimum d’exploitation, ainsi que l’a précisé la Cour de Justice des Communautés européennes dans une décision préjudicielle, en relevant que « l’appréciation se fera au cas par cas en fonction de la taille de l’entreprise, des caractéristiques du produit et de la structure du marché » (CJCE, 11 mars 2003, aff. C-40-01, Ansul - voir aussi CJCE, 11 mai 2006, aff. C-416-04, Vitafruit).

Dans la présente espèce, la Cour de cassation a fait sienne l’analyse des juges du fond, en considérant que « l’arrêt ne se borne pas à retenir que le titulaire justifiait de l’usage de la marque pour une quantité annuelle de plus de mille bouteilles d’un vin vieilli en futs de chêne, mais relève en outre la production de catalogues se rapportant à plusieurs années, de tarifs et de nombreuses factures(…) qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel ,(…) a pu retenir qu’un tel usage était sérieux ».

L’étendue de l’exploitation d’une marque doit être donc appréciée qualitativement, et non quantitativement. L’usage sérieux, à défaut d’être important, doit être réel et non sporadique (Cour d’appel de Paris, 12 janv. 2005).

Cour de cassation, ch. com., 21 octobre 2008, pourvoi A/2007/16749

Par Philippe Rodhain

Conseil en propriété industrielle

Chargé d’enseignement du Master II Droit de la Vigne et du Vin - Bordeaux IV

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