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De l’exécution de la saisie contrefaçon, par Alexis Guillemin, Avocat
Parution : mercredi 23 septembre 2009
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La solution n’est pas nouvelle mais mérite d’être soulignée.

Par deux arrêts rendus à quelques mois d’écart (2 avril 2009 n°pourvoi Y 08-10.656 et 7 juillet 2009 n°pourvoi F 08-18.598) la première chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation rappellent en effet que la procédure de saisie contrefaçon reste une procédure exceptionnelle dont la mise en œuvre doit être strictement conforme à sa finalité : un moyen de preuve de la contrefaçon par la saisie d’objets présumés contrefaisants.

Rappelons que la saisie-contrefaçon permet à toute personne justifiant d’un droit de propriété intellectuelle (droit d’auteur, marque, brevet, dessin et modèle, logiciel) d’obtenir, de manière non contradictoire, l’autorisation du Président du Tribunal de Grande Instance compétent de s’introduire chez le présumé contrefacteur afin de recueillir toutes sortes de preuve nécessaires à la caractérisation et à l’étendue de la contrefaçon.

L’exécution de cette mesure extrêmement contraignante s’effectue aux risques et périls du requérant et tant le législateur que les tribunaux ont régulièrement veillé à strictement encadrer sa mise en œuvre.

La ligne directrice adoptée a toujours été de contrebalancer le poids inquisiteur de cette mesure en contrôlant notamment le respect scrupuleux par l’huissier instrumentaire des prescriptions de l’ordonnance autorisant la saisie et en obligeant le saisissant de valider ces opérations par l’engagement d’une procédure au fond dans des délais impératifs.

Au sein des deux arrêts rapportés, les faits s’avèrent très similaires : lors des opérations de saisie contrefaçon, aucun des modèles présumés contrefaisants n’étaient présents chez les personnes saisies, ni d’ailleurs la moindre information sur ces mêmes articles.

Nonobstant cette situation, les huissiers ont fait preuve d’une particulière diligence en montrant aux personnes présentes sur les lieux de la saisie les exemplaires litigieux ayant servi à l’obtention de l’ordonnance de saisie contrefaçon et en leur demandant leurs explications sur l’origine et la commercialisation de ces articles.

Estimant que les huissiers avaient manifestement outrepassé les termes de l’ordonnance autorisant les opérations de saisie, les présumés contrefacteurs ont sollicité la nullité des opérations de saisie.

Les 7 novembre 2007 et 28 mai 2008, la 4ème chambre A de la Cour d’appel de Paris a successivement rejeté ces exceptions de nullité au motif notamment que "l’huissier instrumentaire était expressément habilité à effectuer toutes recherches et constations utiles afin de découvrir l’origine et l’étendue de la contrefaçon invoquée".

Par deux attendus identiques, la première chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation feront finalement droit aux personnes saisies, jugeant que :

"en l’absence de découverte préalable sur les lieux de la saisie d’objets argués de contrefaçon, l’huissier instrumentaire ne pouvait, sans y avoir été expressément et précisément autorisé, produire aux personnes présentes ceux des objets visés par l’ordonnance afin de recueillir leurs déclarations spontanées quant aux actes argués de contrefaçon, de sorte qu’en procédant comme il a fait, l’huissier instrumentaire a excédé les limites de sa mission"

En définitive, seule la présence d’objets litigieux ou de toute autre preuve matérielle (tels que catalogues, factures, documents promotionnels…) est de nature à justifier le droit de procéder à l’audition spontanée des personnes se trouvant sur les lieux de la saisie.

Cette prise de position était pourtant déjà celle de la 4ème chambre de la Cour d’appel de Paris depuis quelques années (CA Paris 7 octobre 1998 PIBD n°667-III-16).

Cette solution est sage en ce qu’elle rappelle que la saisie contrefaçon a pour finalité la constatation de faits présumés contrefaisants et non l’obtention forcée de déclarations, voire d’aveux de la part du saisi.

Elle doit donc à l’avenir demeurer et gageons que les Cours d’appel de renvoi s’y attèlent.

Alexis Guillemin

Avocat à la Cour

Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle

Denton Wilde Sapte LLP

alexis.guillemin chez dentonwildesapte.com