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Besoins de trésorerie : Refinancer l’entreprise grâce aux actifs immobiliers
Parution : jeudi 4 mars 2010
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Lorsque la trésorerie de l’entreprise est tendue, et que les tableaux de bord laissent entrevoir l’impossibilité à court ou moyen terme de la maintenir de façon suffisante, il est nécessaire de trouver de nouvelles sources de financement.

Indépendamment de la solution consistant à restructurer le « haut de bilan » et augmenter les capitaux propres (augmentation de capital) ou à solliciter un apport temporaire de fonds auprès des associés (apport en compte-courant complémentaire), il est envisagé bien souvent de refinancer l’entreprise grâce aux actifs sociaux ou aux actifs existants dans l’environnement du chef d’entreprise. Cela suppose de réaliser ou de donner en garantie ces actifs.

Le prêt garanti par des actifs immobiliers

Il s’agit là de la solution la plus simple. Un partenaire financier consent son concours en contrepartie d’une garantie prenant la forme d’une hypothèque sur un bien immobilier inscrit au bilan. Cette hypothèque est prise pour toute la durée du concours financier, majorée d’un an.

Lorsque le bien donné en garantie appartient à la société, l’hypothèque ne fait pas perdre à l’entreprise un droit particulier. Rappelons qu’un créancier a sur le patrimoine de son débiteur « un droit de remboursement général » grâce à l’ensemble des éléments d’actif composant le patrimoine de ce dernier. Cette hypothèque ne rend donc pas plus important le risque de saisie immobilière. En fait, l’hypothèque offre simplement au banquier un avantage supplémentaire, celui d’être remboursé de façon préférentielle en cas de vente (amiable ou forcée) de l’immeuble.

Dans ce cadre, le chef d’entreprise devra prendre garde à ne pas désavantager un autre partenaire financier, s’il s’y est engagé. Il s’agit ici de ne pas contrevenir à ce que l’on appelle la « clause pari passu », clause d’usage dans les contrats de crédit. Cette clause oblige l’entreprise à faire bénéficier un prêteur de toutes les garanties supplémentaires qu’elle serait amenée à consentir lors de crédit futurs.

Dans d’autres cas, le prêt consenti à l’entreprise sera garanti par un bien immobilier appartenant à titre personnel au dirigeant, ou à une SCI familiale. On pense ici à l’immobilier d’exploitation détenu par une société de ce type avec les membres de la famille proche. Dans ce cas, la prise de la garantie nécessitera le consentement unanime de tous les associés de la société et l’affectation hypothécaire devra être conforme à l’intérêt et à l’objet social.

Cependant, le refinancement par un concours bancaire a pour inconvénient de faire inscrire au bilan un passif supplémentaire ce qui peut, dans certains cas, poser difficulté. Cela amène à envisager une autre solution consistant à réaliser les actifs immobiliers.

La vente des actifs immobiliers

Dans la mesure où on l’envisage non pas comme une stratégie de gestion de l’entreprise mais comme une technique de refinancement, on pense à la « revente à soi-même » de l’immeuble, soit à titre personnel, soit au profit d’une société familiale (généralement une SCI) en vue de louer consécutivement l’immeuble à l’entreprise.

Cette solution consistant à vendre les biens immobiliers de l’exploitation peut parfois présenter un avantage au-delà d’assurer un afflux de liquidités. Elle peut en effet permettre, dans une optique à long terme, de soustraire l’immeuble aux risques de l’entreprise ou de faciliter une transmission.

Cependant, il faut prendre garde à un certain nombre de chausse-trappes, tant civils que fiscaux pouvant contrarier les prévisions du chef d’entreprise.
La question fondamentale, de laquelle découlent toutes les problématiques, est celle de l’évaluation du bien vendu. Il s’agira en effet pour le chef d’entreprise d’arbitrer personnellement, avec le conseil d’experts, le « juste prix » auquel l’immeuble peut être vendu.

En effet, trop faible ou sous valorisé, le prix de vente est fatalement préjudiciable à l’entreprise qui pourrait normalement espérer un prix plus important pour cet actif. Cela pourrait ainsi être reproché au chef d’entreprise dans le cadre d’un abus de biens sociaux, lorsque la vente a lieu au profit d’une société dans laquelle il est intéressé personnellement. Une opération lésionnaire pourrait également lui être reprochée en cas de procédure collective pour justifier une extension de la procédure à son patrimoine personnel en vue du comblement du passif.

Ensuite, une fois la vente réalisée, l’immeuble sera donné en location à l’entreprise commerciale ou industrielle. On retrouvera la problématique inverse avec la question de la fixation du loyer. S’il est trop élevé par rapport au marché locatif, il pourra constituer une source de réprobations à l’égard du chef d’entreprise.

Il faut également prendre garde à l’ensemble des conséquences fiscales liées à la vente, tant chez le vendeur, que chez l’acheteur.

Chez le vendeur tout d’abord. La vente peut tout naturellement donner lieu à un bénéfice exceptionnel. Cela est effectivement le cas lorsque le prix dépasse les amortissements pratiqués et éventuellement les plus-values latentes réalisées sur l’immeuble. Il faut donc en calculer le coût fiscal, et voir dans quelle mesure ce bénéfice peut s’imputer sur les éventuels déficits antérieurement réalisés par la société.

On doit également noter, quand l’immeuble a été acquis sous un régime de TVA immobilière, ou lorsqu’il a fait l’objet d’une construction il y a moins de 20 ans, que la vente peut donner lieu à un reversement de TVA au profit de l’administration fiscale qu’il faut anticiper.

De son côté, l’acquéreur doit prendre en compte les frais liés à l’acquisition, constitués essentiellement des taxes et droits d’enregistrement dus au Trésor et collectés par le notaire.

Il doit aussi envisager la fiscalité qui s’appliquera aux revenus locatifs futurs tirés de l’immeuble.

Les incidences seront en effet différentes suivant qu’il opte ou non (s’il en a le choix) pour l’impôt sur les sociétés (IS). N’oublions pas que les SCI constituées pour la circonstance peuvent assujettir leurs revenus à l’IS ou à l’impôt sur le revenu (IR – revenus fonciers). A nouveau, cette importante question mérite que l’on y prête une réelle réflexion.

Rappelons enfin à titre de simple information qu’une vente peut non seulement avoir pour objet l’immeuble détenu par l’entreprise, mais également, sous certaines réserves, le contrat de crédit-bail immobilier conclu au profit de l’entreprise, et dont la valeur augmente en principe au fil du temps.

Le lease-back

C’est un autre mode de cession avec mise à disposition corrélative. Le principe est simple. Il consiste pour l’entreprise à vendre l’immeuble au profit d’un établissement bancaire crédit-bailleur qui consent immédiatement après un contrat de crédit-bail immobilier sur ce même bien.

L’immeuble est ainsi, pendant la durée du contrat de crédit-bail, la propriété du crédit-bailleur, qui le laisse à la disposition du crédit-preneur (l’entreprise) en contrepartie du paiement de redevances.

L’entreprise se réserve ainsi la faculté d’acquérir à nouveau, mais à terme, l’immeuble d’exploitation, moyennant un prix tenant compte en partie des sommes versées pendant le crédit-bail.

Le tout premier avantage réside dans la fiscalité attachée à l’opération, favorisée par les Pouvoirs Publics. Les frais de cession au crédit-bailleur, supportés par l’entreprise, sont inférieurs à ceux d’une vente classique. Par ailleurs, la plus-value dégagée par la vente bénéficie d’un régime de faveur lorsque la cession est consentie à une société de crédit-bail cotée en bourse (1) .

Le second avantage spécifique au crédit-bail, s’apprécie pendant la durée du contrat. Il consiste à « suramortir » la valeur de l’immeuble sur la seule durée du crédit-bail (la quasi-totalité des redevances peuvent être passées en charges, y compris les quotes-parts afférentes au prix de rachat à terme de l’immeuble). En effet, la durée du crédit-bail est généralement inférieure à la durée d’amortissement normale du bien (2) .

Ce second avantage n’est que temporaire, puisqu’il est effacé au moment de la levée d’option par la réintégration de ce « suramortissement » dans les résultats comptables et donc fiscaux.

Le lease-back atteint ses limites lorsqu’on compare son coût avec celui d’un crédit amortissable classique : le crédit-bail offre plus de souplesse sur le plan de la trésorerie pendant la durée du concours financier et peut être plus facilement accordé par l’organisme financier, mais s’avère plus cher au final qu’un prêt classique.

A nouveau un calcul financier comparatif s’impose avant de prendre une décision.

L’autre inconvénient particulièrement important du crédit-bail consiste à laisser la propriété de l’immeuble au crédit-bailleur pendant toute la durée du crédit-bail. Cela signifie donc qu’en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise, le contrat est rompu, l’actif immobilier reste appartenir au crédit-bailleur et l’ensemble des redevances versées sont perdues.

CE QU’IL FAUT RETENIR :
- Le refinancement de l’entreprise au moyen des actifs immobiliers nécessite de les valoriser à leur juste prix,
- La cession des actifs emporte des conséquences fiscales qu’il faut calculer et anticiper avec le conseil d’experts (notaire, expert-comptable),
- L’opération peut s’insérer dans une stratégie patrimoniale de moyen ou long terme qu’il est possible d’optimiser.

Notes :
(1) Cet avantage a d’ailleurs été prorogé jusqu’au 31 décembre 2011 par la loi de finances rectificative n°2009-1674 du 30 décembre 2009.
(2) En particulier depuis l’application des normes IFRS/IAS emportant l’obligation d’amortir l’immeuble par composants, en fonction de la valeur prévisionnelle de sortie de bilan.

Article paru dans la Gazette Nord-Pas-de-Calais (www.gazettenpdc.fr) le 29 janvier 2010.

{Par Vincent PILARCZYK ([->vincent.pilarczyk@notaires.fr]) et Hubert MROZ ([->h.mroz@notaires-roubaix.fr]), membres de l’INES Nord Pas de Calais (Institut Notarial de l’Entreprise et des Sociétés).}