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Heures supplémentaires effectuées avec l’accord tacite de l’employeur, par Nadine Regnier Rouet, Avocat
Parution : mercredi 20 octobre 2010
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Voici un rappel à l’ordre de la Cour de cassation aux employeurs par une décision du 2 juin 2010 qui précise quelles situations de fait peuvent laisser présumer qu’un employeur a donné son « accord tacite » au salarié pour effectuer des heures supplémentaires…
L’enjeu financier ? Le paiement de ces heures à tarif majoré, éventuellement assorti d’amendes.

Rappelons la règle en matière de paiement des heures supplémentaires : seules les heures supplémentaires accomplies à la demande de l’employeur ou avec son accord implicite doivent donner lieu à rémunération.

Il avait déjà été jugé que lorsque le salarié accomplit régulièrement pendant une longue période de temps des heures supplémentaires « au vu et au su de l’employeur qui ne s’y est pas opposé », le salarié a droit au paiement de celles-ci (décisions de la Cour de cassation de 1974 et 1998).

Dans la décision du 2 juin 2010 n°08-40628), la Cour examine les faits et constate qu’il existe dans l’entreprise un système de pointage par lequel l’employeur a été informé par les fiches de pointage qu’un salarié a effectué un grand nombre d’heures supplémentaires. Or, l’employeur ne s’est pas opposé à l’accomplissement de ces heures.

La Cour déduit de cette attitude de silence de l’employeur qu’il a tacitement autorisé le salarié à accomplir ces heures supplémentaires et elle le condamne donc à les payer au salarié, ainsi que le repos compensateur correspondant.

Une illustration de l’adage « qui ne dit mot consent ».

Mon conseil RH :

Pour toutes les entreprises munies d’un système de pointage ou de badgeage qui permet de connaître précisément les heures d’entrée et de sortie du personnel, il est impératif de relever ces données et de les examiner à intervalles réguliers et fréquents pour détecter au plus tôt les dépassements non autorisés au préalable.

Il faut alors convoquer le salarié et revoir avec lui les raisons de ces dépassements pour prendre les mesures qui s’imposent : si la situation permet d’interdire les heures supplémentaires sur ce poste de travail -c’est-à-dire que la charge de travail ne justifie pas l’accomplissement de ces heures -, il faut clairement notifier par écrit au salarié l’interdiction d’effectuer des dépassements d’horaire.

Et pour les entreprises qui n’ont ni pointage ni badgeage, ne vous réjouissez pas trop vite ! Il vous incombe d’être encore plus vigilants si vous demandez à vos salariés d’établir eux-mêmes leurs fiches de temps passé.

Un examen minutieux et régulier de ces fiches de temps passé sera impératif pour traquer les dépassements d’horaires non sollicités par vous et les faire cesser - toujours avec une notification écrite de vos instructions - faute de quoi les juges pourront en déduire que vous avez donné implicitement votre accord pour l’exercice des heures supplémentaires (décision de la Cour de cassation du 19 janvier 1999, n° 96-45628).

Un dernier détail : la réglementation des heures supplémentaires s’impose à tous les employeurs et à tous les salariés car elle est d’ordre public. Impossible de convenir avec votre salarié de ne pas l’appliquer.

Seuls les cadres dirigeants en sont exclus. Les cadres, contrairement à une idée répandue, sont soumis à ces règles sauf s’ils ont accepté une convention de forfait annuel en heures ou en jours.

Nadine REGNIER ROUET

Avocat à la Cour spécialisé en droit social

Site : www.n2r-avocats.com