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Le conseil constitutionnel déclare non conformes à la constitution les peines complémentaires applicables en cas de fraude fiscale. Par Nicolas Marguerat, Avocat
Parution : jeudi 16 décembre 2010
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Qui n’a pas eu l’œil attiré par les publications judiciaires dans la presse quotidienne concernant les contribuables condamnés pour fraude fiscale ?

Ce temps est désormais révolu depuis le 12 décembre 2010 !

En effet, le quatrième alinéa de l’article 1741 du Code Général des Impôts qui prévoyait notamment cette mesure de publicité a été abrogé après avoir été déclaré non conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel.

Ledit article disposait que :

« Le tribunal ordonnera dans tous les cas la publication intégrale ou par extraits des jugements dans le Journal Officiel de la République française ainsi que dans les journaux désignés par lui et leur affichage intégral ou par extraits pendant trois mois sur les panneaux réservés à l’affichage des publications officielles de la commune où les contribuables ont leur domicile ainsi que sur la porte extérieure de l’immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables. Les frais de la publication et de l’affichage dont il s’agit sont intégralement à la charge du condamné. »

Cet article prévoyait donc en cas de condamnation pour fraude fiscale, à titre de peine complémentaire, une mesure d’affichage et de publication du jugement de condamnation qui était obligatoire et que le juge ne pouvait pas tempérer.

Plusieurs contribuables avaient contesté ces dispositions devant le Conseil par trois questions prioritaires de constitutionalité qui lui avaient été transmises par la Cour de Cassation les 28 septembre, 30 septembre et 08 octobre 2010.

Les contribuables arguaient que ces dispositions portaient atteinte aux principes de nécessité et d’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui prévoit que :

« La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

Par la décision 2010-72-75-82 QPC du 10 décembre 2010, le Conseil a fait droit aux demandes et arguments présentés par les contribuables.

Après avoir rappelé que le principe d’individualisation des peines implique que la peine de publication et d’affichage du jugement ne peut être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce, le Conseil a estimé que la peine obligatoire de publication et d’affichage du jugement de condamnation pour fraude fiscale vise à renforcer la répression de ce délit en assurant à cette condamnation la plus large publicité.

Dès lors, le Conseil a décidé que le quatrième alinéa de l’article 1741 du Code Général des Impôts était contraire à la Constitution puisque, en prononçant une condamnation pour le délit de fraude fiscale, le juge :

-  devait obligatoirement ordonner la publication du jugement de condamnation au Journal Officiel,

-  devait également obligatoirement ordonner l’affichage du jugement,

-  ne pouvait faire varier la durée de cet affichage qui était fixée à trois mois par ledit article,

-  ne pouvait davantage modifier les modalités de cet affichage prévu, d’une part, sur les panneaux réservés à l’affichage des publications officielles de la commune où les contribuables ont leur domicile et, d’autre part, sur la porte extérieure de l’immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables.

Le Conseil a donc estimé que l’automaticité de ces différentes mesures, sans possibilité pour le juge de les tempérer, ne permettait pas d’assurer le respect des exigences qui découlent du principe d’individualisation des peines quand bien même le juge pouvait décider que la publication et l’affichage seront faits de façon intégrale ou par extraits.

Désormais, l’opprobre ne sera plus jeté sur le contribuable condamné pour fraude fiscale !

Nicolas Marguerat

Avocat

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