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La déclaration de créance et son importance. Par Joan Dray, Avocat
Parution : mercredi 19 janvier 2011
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De nombreuses personnes, tels que les bailleurs, sont confrontées au redressement ou à la liquidation judiciaire de leur clients (locataires, fournisseurs etc..) et disposent à leur encontre d’un droit de créance. Après avoir découvert l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur, il convient de réagir vite et de sauvegarder ses droits.

Le tribunal qui ouvre ou prononce une procédure collective par un jugement d’ouverture désigne les organes de la procédure. Les créanciers devront alors déclarer leur créance au mandataire qui aura été désigné pour recevoir les déclarations de créances, il s’agira du mandataire judiciaire en cas de redressement ou de sauvegarde et du liquidateur en cas de liquidation judiciaire. Il est donc nécessaire de connaître les modalités de la déclaration de créance.

I/ les modalités de la déclaration de créance

 Contenu de la déclaration

Il est aujourd’hui acquis que la déclaration de créance s’analyse en une véritable demande en justice tendant au paiement d’une somme d’argent (Cas. com., 15 oct. 1991, n° 90-11.657 : Juris-Data n° 1991-002535 ). En outre, comme toute demande en justice, la déclaration de créance a un effet interruptif de prescription jusqu’à la clôture de la procédure collective. L’article L622-24 du code du commerce dispose que :

« À partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire. Les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s’il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l’égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement. La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. »[..]

Quel que soit la nature de la créance civile ou commerciale, le créancier doit établir la déclaration de créances à l’exception des salariés qui sont expressément dispensés de la déclaration.

 Le contenu de la créance

L’article L622-25 du code du commerce dispose que :

« La déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie. Lorsqu’il s’agit de créances en monnaie étrangère, la conversion en euros a lieu selon le cours du change à la date du jugement d’ouverture. Sauf si elle résulte d’un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. Le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l’expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire. Le refus de visa est motivé. »

Le créancier doit donc indiquer dans sa déclaration :

- Le montant de sa créance antérieure au jugement d’ouverture.

Si le créancier ne peut cependant pas faire de déclaration à titre provisionnel ou sous réserve, il lui appartient de déclarer sa créance en temps utile et pour un montant évalué (CA 3ème Ch, 30 nov20010 jurisdate 2001-166088).
Pour justifier de l’existence et du montant de la créance, le créancier devra annexer les éléments qui peuvent la justifier (facture, contrat, bon de commande etc..).

Le créancier doit également déclarer les privilèges ou la sureté dont la créance est éventuellement assorties (caution, privilège , hypothèque etc..).

L’auteur de la déclaration

Selon l’article L622-24 du code du commerce, la déclaration de créance peut être faite par le créancier, le préposé ou tout mandataire de son choix.
Lorsque la déclaration des créances d’une personne morale est faite par l’un de ses préposés, celui-ci doit être titulaire d’une délégation (ou d’une subdélégation) de pouvoirs régulière.

Il va de soi que ce préposé puisse être correctement identifié afin de vérifier l’existence de la délégation de pouvoir et la régularité de la déclaration de créances.

Cela étant, si le délégataire ne signe pas ou si sa signature demeure illisible, la société pourra toujours rapporter la preuve de l’acte de délégation.
Selon la loi, le mandataire doit dans les 15 jours du jugement d’ouverture demander aux créanciers connus de déclarer leurs créances.

 Délai de déclaration

La déclaration de créance doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODDAC (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales).

Depuis la loi du 26 juillet 2005, le législateur a atténué les sanctions attachées au défaut de déclaration.

Désormais, à défaut de déclaration dans les délais, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes pendant la durée de la sauvegarde ou du redressement, ce qui signifie concrètement que sa créance est inopposable à la procédure collective.

Cependant, le créancier pourra toujours poursuivre la caution notamment de son locataire lequel ne pourra invoquer une déclaration tardive ou une omission pour pouvoir prétendre se décharger de ses engagements.

II/ le relevé de forclusion

Force est de constater que les créanciers n’ont pas toujours le temps de vérifier auprès du BODDAC les procédures ouvertes à l’encontre de leur débiteur et accordent généralement leur confiance.

Le créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai est forclos.
Aussi, pour le cas où il n’aurait pas pris la précaution d’agir dans les délais, le législateur a institué le relevé de forclusion.

L’article L. 622-26 du Code de commerce dispose : "à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande".

Il demeure que lorsque le créancier n’a pas été averti, il peut agir, après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, en réparation du préjudice lié à l’extinction de la créance contre le débiteur qui a omis de le mentionner sur la liste certifiée des créanciers (Cass. com. 17-11-2009 n° 08-11.198 : BRDA 1/10 inf. 11 ), à charge pour lui d’établir que ce dernier a commis une fraude en dissimulant intentionnellement sa dette.

 L’importance de la déclaration sur le sort des procédures en cours

Dès l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’un débiteur, les instances en cours au fond sont interrompues jusqu’à que le créancier poursuivant ait déclaré sa créance.

Une fois la déclaration de créance faite, l’instance pourra reprendre mais elle sera limitée puisqu’elle aura seulement vocation à faire d’une part, constater et de seconde part, à faire fixer le montant de la créance.

Le créancier devra donc impérativement faire cette diligence et déclarer cette créance car son omission emportera de manière inéluctable l’inopposabilité de sa créance.

En omettant cette déclaration, il ne pourra reprendre le bénéfice de l’instance qu’il a entreprise, ce qui n’est pas sans conséquence d’un ordre financier.

Dans un arrêt du 8 juin 2009, la Cour de Cassation a affirmé qu’à défaut de déclaration de créances, le créancier ne peut plus reprendre l’instance même si sa créance n’est pas éteinte.( Sarl Centrale de Référencement de Conseil et d’Information Hospitalière Privée et Publique c/ Samzun ès qual.).


Maître Joan DRAY

Avocat

joanadray chez gmail.com