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L’essentiel de la réglementation sociale du transport routier de marchandises - personnel roulant. Par Frédéric Matcharadzé, Avocat.
Parution : jeudi 27 janvier 2011
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Le transport routier de marchandises est un secteur d’activité spécifique, qui échappe, sur de nombreux points, au droit du travail « classique », applicable aux autres salariés.

1. Le transport routier de marchandises est un secteur d’activité spécifique, qui échappe, sur de nombreux points, au droit du travail « classique », applicable aux autres salariés.

Les textes qui régissent ce secteur reflètent d’ailleurs, peut-être davantage que dans d’autres domaines, la volonté politique de leurs rédacteurs. Ainsi le décret du 26 janvier 1983, qui forme l’ossature de la réglementation applicable, a été élaboré dès l’arrivée au pouvoir du Parti socialiste ; et une simple lecture de la Convention collective nationale révèle le perpétuel mouvement de balancier existant entre les partenaires sociaux qui la négocient.

Malheureusement, il s’agit également d’un secteur d’activité dans lequel il est fréquent que les droits des salariés ne soient pas respectés.

Cette analyse des règles fondamentales régissant le transport routier de marchandises, nécessairement succincte compte tenu du nombre de normes applicables et de leur technicité, n’a pas d’autre objet que de permettre à ces salariés de contrôler que leurs droits sont bien sauvegardés, sur un plan social.

Il est précisé, à toutes fins utiles, que l’ensemble des textes et des jurisprudences visés sont accessibles via le site Légifrance.

La durée du travail

2. La durée du travail applicable dans le secteur du transport routier de marchandises est un des traits les plus spécifiques de la réglementation.

Tout d’abord, rappelons que le temps de travail effectif correspond au temps « durant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » (article L 3121-1 du Code du travail).

Le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 a affiné cette définition, en précisant dans son article 5 - 1° que « la durée du travail effectif ci-dessus fixée est égale à l’amplitude de la journée de travail [c’est-à-dire le temps séparant l’heure de prise de service du salarié, et l’heure de fin de sa journée de travail] diminuée de la durée totale des coupures et du temps consacré aux repas, à l’habillage et au casse-croûte », étant précisé que les temps de restauration et de coupure sont également des temps de travail effectif lorsque le salarié reste à la disposition de son employeur.

L’apparente complexité des définitions traduit une réalité bien visible : la détermination du temps de travail effectif du conducteur routier est malaisée.

La Cour de cassation a d’ailleurs, dans plusieurs décisions récentes, durci sa position. Elle a notamment considéré dans une même affaire, par un premier arrêt, puis par un second pris après la résistance de la Cour d’appel de renvoi, que le temps passé par un salarié, entre 22 h 30 et 3 h du matin, dans la zone de débarquement des marchandises d’un aéroport, à 150 km de son domicile et loin de toute agglomération, ne constituait pas un temps de travail effectif, le salarié ne démontrant pas que son employeur lui avait intimé l’ordre de rester dans cette zone durant cette période d’attente des marchandises (Cass. soc. 10 octobre 2007 n° 06-41107 ; JSL 26 déc 2007 n° 224 p 29 ; Cass. soc. 7 avril 2010 n° 09-40020).

La Haute juridiction avait déjà considéré que les juges du fond ne pouvaient pas se contenter de simples circonstances de lieu (attente dans une zone industrielle) pour déduire que le temps d’attente était un temps de travail effectif (Cass. soc. 23 mars 2007 n° 05-41144).

Il est permis d’être critique à l’égard de ces positions, qui font fi des circonstances de temps et de lieu et qui obligent le juge à contrôler l’existence d’un ordre exprès de l’employeur contraignant le salarié à rester sur le lieu d’attente. En effet dans les affaires ci-dessus, la société n’avait nullement besoin de demander à son salarié de rester dans la zone de déchargement de l’aéroport pour que celui-ci le fasse : on se demande bien en effet quelles sont les « occupations personnelles » auxquelles le conducteur pourrait « librement vaquer » dans le parking d’un terminal d’aéroport à 2 heures du matin...

La réalité est que, de fait, le salarié a été privé de la possibilité de disposer librement de son temps, en raison de l’organisation mise en place par son employeur (qui, quant à elle, est bien obligatoire à son égard) ; on ne peut que regretter que le juge suprême n’ait pas considéré que ces contraintes équivalaient à une directive expresse.

3. Il faut rappeler par ailleurs, et c’est là encore l’une des grandes spécificités de ce secteur, que c’est avant tout le salarié qui détermine lui-même son temps de travail, en actionnant le sélecteur de son chronotachygraphe. Le temps passé en position « repos » ne sera pas considéré comme un temps de travail effectif, à la différence du temps passé en « conduite » ou en « mise à disposition ».

Ce qui conduit, en pratique, à de multiples pressions faites aux salariés ; notamment afin que ceux-ci se placent en « repos » lorsqu’ils effectuent des tâches de chargement ou de déchargement. Il est fréquent de relever l’existence d’avertissements donnés aux salariés « récalcitrants » ; ces sanctions illicites peuvent toutefois toujours être annulées par le juge prud’homal, en démontrant que le salarié effectuait un travail réel au service de son employeur.

4. Par ailleurs, s’agissant de la durée du travail, une distinction a été faite entre deux types de conducteurs : les longue et les courte distance.

Le seul élément qui permet de classer le salarié dans l’une ou l’autre de ces catégories est, par application de l’article 5 - 2° du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, le nombre de repos journaliers pris chaque mois hors du domicile (ces repos sont généralement mentionnés sur le bulletin de paie sous le terme « découchers »).

Lorsqu’au moins six repos journaliers sont pris chaque mois hors du domicile, le salarié est longue distance ; lorsque ce nombre est inférieur à cinq, il est courte distance.

Il est important de préciser que, contrairement à de nombreuses idées reçues, ni la qualification du salarié, ni son groupe (la convention collective classe les salariés en groupes, de 1 à 7, suivant leur niveau de compétence), ni son coefficient (qui dépend directement du groupe, et qui est au maximum de 150 M), ne détermine la classification courte ou longue distance. Un salarié de coefficient 128 M peut parfaitement être un longue distance, et un salarié de coefficient 150 M peut quant à lui être courte distance.

5. Cette classification va déterminer quelle est la durée de travail applicable au salarié.

En effet, un régime d’équivalence a été mis en place en 2000 dans le secteur du transport routier de marchandises. Ce qui signifie que, en quelque sorte, tout le temps passé par le conducteur à son travail n’est pas pour autant considéré comme du temps de travail.

Pour les salariés longue distance, le décret n° 2000-69 du 27 janvier 2000 a porté leur durée du travail à 39 heures par semaine, ou 169 heures par mois, au moment même où le législateur fixait la durée légale de travail à 35 heures par semaine pour l’ensemble des salariés.

Les heures supplémentaires étaient donc déclenchées à compter de la 40ème heure de travail hebdomadaire, et non de la 36ème.

Puis, le décret n° 2002-622 du 25 avril 2002, applicable à compter du 1er mai 2002, a fait passer la durée du travail des salariés longue distance à 43 heures par semaine, soit 186 heures par mois. Le même texte prévoyait que la durée de travail des autres personnels roulants (et notamment les conducteurs courte distance), à l’exception des conducteurs en messagerie et des convoyeurs de fonds, était désormais de 39 heures par semaine, ou 169 heures par mois.

Ces durées n’ont pas été modifiées depuis lors. Elles ont des conséquences importantes :

- L’employeur peut obliger un salarié longue distance à accomplir un volume de travail d’au moins 186 heures sur le mois, sans que le salarié ne puisse en principe s’y opposer ;

- Les heures supplémentaires étant celles accomplies au-delà de la durée légale de travail « ou de la durée considérée comme équivalente » (article L 3121-22 du Code du travail), le seuil de déclenchement de ces heures sera la 40ème heure hebdomadaire pour les conducteurs courte distance et la 44ème heure hebdomadaire pour les conducteurs longue distance (même si, comme il le sera indiqué ci-dessous, les heures accomplies au-delà de 35 heures par semaine doivent également être majorées).

Il faut préciser, enfin, qu’en principe les heures supplémentaires sont décomptées sur la base du temps de travail accompli durant la semaine civile, soit du lundi à 0 h au dimanche à 24 h (article L 3121-20 du Code du travail). Mais un accord collectif peut prévoir un cadre de décompte différent, par exemple mensuel.

La preuve de la durée du travail

6. Afin de pouvoir revendiquer le paiement d’heures de travail éventuellement impayées, le salarié doit être en mesure de démontrer la réalisation de ces heures.

L’article L 3171-4 du Code du travail prévoit qu’en cas de litige, chacune des parties doit démontrer la réalité du volume travaillé ; il est toutefois demandé au salarié « de fournir des éléments à l’appui de sa demande ».

La position de la Cour de cassation est relativement souple sur ce point. La Haute juridiction avait déjà indiqué que si l’employeur n’apportait aucun élément de preuve, la durée du travail était démontrée par les seuls éléments apportés par le salarié, aussi faibles soient-ils (Cass. soc. 11 juillet 2007 n° 06-41706).

Il a été jugé à ce titre qu’un simple tableau récapitulatif établi par le salarié était suffisant (Cass. soc. 19 mai 2004 n° 02-41810), de même que des attestations, même vagues (Cass. soc. 30 septembre 2003 n° 02-42730), un agenda rempli par le salarié (Cass. soc. 10 mars 2009 n° 07-44092), ou un simple décompte fait par le salarié au crayon, sans explication, et rempli chaque mois (Cass. soc. 24 novembre 2010 n° 09-40928).

7. Mais dans le secteur du transport routier de marchandises, l’employeur est soumis à des obligations particulières, en matière d’information du salarié sur son temps de travail.

Le décret du 26 janvier 1983 et le règlement européen n° 3821/85 du 20 décembre 1985, prévoient en effet que l’employeur est tenu d’indiquer chaque mois, par une mention sur le bulletin de paie ou par la transmission d’un document annexé au bulletin de paie (la synthèse d’activité), «  la durée des temps de conduite ; la durée des temps de service autres que la conduite ; l’ensemble de ces temps constitutifs du temps de service rémunéré, récapitulés mensuellement ; les heures qui sont payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause » (article 10 paragraphe 6).

Il est malheureusement assez fréquent que les conducteurs routiers ne soient pas régulièrement destinataires de ces informations. Or, le même décret donne le droit au salarié de demander à tout moment la communication de ces documents, ainsi que des copies des disques chronotachygraphes ou que des relevés des cartes, « sans frais et en bon ordre » (article 10 paragraphe 4).

Chaque salarié a donc le droit d’imposer à son employeur la communication de ces documents, par courrier (de préférence recommandé), ou par une action engagée devant le juge prud’homal (en référé notamment). Il a été jugé que l’employeur ne pouvait pas s’y opposer, et qu’il était tenu de communiquer les documents dans la limite des cinq années précédent la demande (Cass. soc. 9 avril 2008 n° 07-41418).

Les conditions de travail

8. Les conducteurs routiers ignorent bien souvent s’ils doivent exécuter eux-mêmes les opérations de chargement et de déchargement des marchandises qu’ils transportent.

La Convention collective Transports routiers de marchandises n’apporte pas de réponse à cette question. En effet, elle précise seulement, dans sa partie Nomenclature et définition des emplois (Annexe I Ouvriers), que les salariés relevant du groupe 3, qui conduisent des véhicules d’au maximum 3,5 tonnes poids total en charge inclus, doivent « charger leur voiture, assurer l’arrimage et la préservation des marchandises transportées, et décharger la marchandise à la porte du destinataire ».

Aucune précision n’est apportée pour les salariés des groupes 4, 5 et 6. Quant aux conducteurs du groupe 7 (coefficient 150 M), le texte conventionnel précise qu’ils sont « chargés de la conduite d’un véhicule automobile, porteur ou tracteur », et qu’ils «  peuvent être amené en cas de nécessité à charger ou à décharger leur véhicule ».

La question est en réalité tranchée par le décret n° 99-269 du 6 avril 1999. Ce texte distingue selon que le poids total de la marchandise transportée est inférieur ou supérieur à trois tonnes :

- Les opérations de chargement et de déchargement incombent au transporteur, c’est-à-dire au conducteur routier, pour les envois inférieurs à trois tonnes ;

- Et pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, « le chargement, le calage et l’arrimage de la marchandise sont exécutés par le donneur d’ordre », c’est-à-dire par l’expéditeur, tandis que « le déchargement de la marchandise est exécuté par le destinataire sous sa responsabilité ».

Ces règles ne sont toutefois applicables que si les modalités de chargement et de déchargement n’ont pas été précisées par le contrat qui lie le transporteur (l’employeur) et son client. Un tel contrat peut donc valablement prévoir que le conducteur sera chargé de la réalisation de ces opérations.

L’employeur doit bien sûr, de toute façon, fournir à son salarié les moyens matériels lui permettant d’effectuer ces opérations sans risque pour sa santé et sa sécurité (diable, transpalettes, gants de sécurité le cas échéant, etc.).

La rémunération

9. S’agissant de la rémunération proprement dite des heures de travail, la mise en place du régime d’équivalence dans le secteur du transport routier de marchandises s’est accompagnée par un régime particulier de rémunération. La volonté du législateur et du pouvoir réglementaire était en effet d’indemniser les salariés, contraints de travailler plus, en rémunérant de manière spécifique les heures d’équivalence, accomplies au-delà de la 35ème heure par semaine.

Ce mécanisme a toutefois été remanié à plusieurs reprises, le Conseil d’État ayant notamment jugé illicite certaines des dispositions prises par le pouvoir réglementaire (arrêt du 30 novembre 2001).

La rémunération du travail est aujourd’hui fixée par l’accord de branche du 23 avril 2002, applicable obligatoirement depuis le 21 octobre 2002, date à laquelle il a été étendu.

Ce texte prévoit le régime suivant, applicable que le conducteur soit courte ou longue distance :

- Les heures de temps de service effectuées à compter de la 36ème heure et jusqu’à la 43ème heure hebdomadaire incluse (ou, en cas de décompte sur le mois, les heures effectuées de la 152ème à la 186ème heure incluse) sont rémunérées en leur appliquant une majoration de 25 % ;

- Les heures de temps de service effectuées à compter de la 44ème heure hebdomadaire (ou de la 187ème heure mensuelle) sont rémunérées en leur appliquant une majoration de 50 %.

Il faut préciser que pour déterminer le taux horaire servant au calcul des majorations, l’employeur doit prendre comme base l’ensemble des primes versées au salarié et qui constituent la contrepartie du travail effectué.

Doivent notamment être intégrées la prime d’assiduité (Cass. soc. 26 octobre 1979 n° 78-41113), une prime de rendement ou de productivité liée au travail du salarié ou d’un groupe de salariés (Cass. soc. 29 avril 1970 n° 69-40263), les primes liées au travail de nuit.

En apparence, il s’agit là de détails ; pourtant, la différence de salaire entre ce qui est payé et ce qui est dû peut facilement dépasser 150 € par mois.

En outre, il arrive fréquemment en pratique que les heures supplémentaires accomplies durant un mois déterminé soient rémunérées le mois suivant. L’employeur va payer un forfait d’heures au mois M, qui sera régularisé au mois M + 1 en fonction des heures réellement accomplies.

Rien ne prohibe, par principe, une telle pratique, qui s’explique par le nécessaire délai de traitement des disques ou des cartes des chronotachygraphes.

Il faut rappeler par ailleurs que le juge interdit expressément que le paiement des heures supplémentaires soit « déguisé » ; il est notamment prohibé de rémunérer ces heures sous forme de primes (Cass. soc. 1er décembre 2005 n° 04-48388), ni en réglant des indemnités de découchers qui ne seraient pas normalement dues (Cass. soc. 27 juin 2000 n° 98-41184).

Il faut enfin préciser que, pour des raisons évidentes liées à la sécurité de l’ensemble des usagers de la route, et des salariés eux-mêmes, sont formellement interdites, dans le secteur du transport routier de marchandises, les primes liées au rendement ou à la production (par exemple, prime proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus).

10. Par ailleurs, le travail accompli de nuit, c’est-à-dire entre 21 heures et 6 heures, donne des droits au salarié.

L’accord du 14 novembre 2001 prévoit que chaque heure de travail exécutée durant cette période donne droit à une prime horaire, d’un montant égal à 20 % du taux horaire conventionnel à l’embauche applicable au coefficient 150 M (soit une prime d’un montant de 1.886 € à compter du 21 février 2010).

Lorsque le salarié travaille au moins 50 heures de nuit durant un mois, il doit bénéficier en plus d’un repos compensateur spécifique, qui s’ajoute à cette prime, et dont la durée est de 5 % du temps de travail total accompli de nuit.

Ces différents avantages liés au travail de nuit se cumulent avec les remboursements de frais professionnels fixés par la convention collective (indemnités de repas, de casse-croûte, de découcher, etc.) (Cass. soc. 8 septembre 2010 n° 09-40137).

11. Enfin, la convention collective prévoit en outre un mécanisme d’augmentation automatique des salaires, en prenant en compte l’ancienneté du salarié.

L’annexe I Ouvriers prévoit ainsi, dans son article 13, qu’une prime d’ancienneté mensuelle est due au salarié, correspondant à 2 % du salaire brut après deux années de présence dans l’entreprise. Le taux est de 4 % après cinq années de présence dans l’entreprise, de 6 % après dix années, et de 8 % après quinze années.

12. Le transport routier fait partie des secteurs dans lesquels il est fréquent de constater que toutes les heures de travail n’ont pas été payées. Un rappel de salaire peut bien entendu toujours être demandé en justice, dans la limite de la prescription quinquennale.

Mais il faut également préciser que ce manquement de l’employeur est susceptible de relever du travail dissimulé. En effet, l’article L 8221-15 du Code du travail sanctionne la dissimulation d’activité salariée, qui peut être constatée notamment lorsqu’il apparaît que l’employeur a intentionnellement mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement exécuté. L’article L 8223-1 sanctionne une telle dissimulation par la condamnation à payer au salarié une indemnité d’un montant équivalent à six mois de salaire.

C’est bien souvent la preuve de l’intention de l’employeur qui posera problème dans ce type de demande. Le juge va s’attacher à des indices, comme par exemple le volume important des heures dissimulées (Cass. soc. 30 juin 2010 n° 08-44484), accompagné éventuellement de l’absence de toute négociation avec le salarié (Trib. Corr. VERSAILLES 21 juin 1999 ; Gazette Palais 14-15 janvier 2000 p 22).

Mais une jurisprudence récente sanctionne ainsi le fait d’avoir payé le salarié sur la base d’un forfait d’heures (par exemple, 200 heures par mois), indépendant du volume d’heures réellement exécuté, et alors qu’aucune convention de forfait n’avait été prévue entre les parties (Cass. soc. 20 février 2008 n° 06-44964, confirmant CA Paris 6 juillet 2006, 21ème C, RG n° 05/01030, 05/01031 et 05/01032, MM. LEMAIRE, BACHELOT et MERSIN c/ SARL AMBULANCES LES SAULES).

Les temps de repos

13. Différents textes nationaux et européens déterminent les temps de travail maximum et les temps de repos minimum dans le secteur du transport routier de marchandises.

L’article 7 du décret du 26 janvier 1983 limite la durée quotidienne de temps de service, pour les personnels roulants, qu’ils soient courte ou longue distance, à 12 heures par jour.

Quant à la durée du travail maximale hebdomadaire, elle est prévue par la directive 2002/15/CE : elle ne peut pas dépasser 48 heures en moyenne sur une période de 4 mois.

Il est par ailleurs interdit « de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine » (article L 3132-1 du Code du travail et textes communautaires précités). La directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 précise quant à elle qu’il faut entendre par « semaine » toute période quelconque de sept jours prise isolément.

Cela signifie qu’il est interdit d’occuper un salarié plus de six jours consécutifs.

Le règlement CEE n° 3820/85 fixe la durée minimale du repos quotidien à 11 heures ; ce temps peut être exceptionnellement réduit à 9 heures, mais au maximum trois fois par semaine, et seulement si le salarié bénéficie de compensations.

Par conséquent, l’amplitude de travail, c’est-à-dire la durée qui sépare la prise de service de la fin du service, ne peut pas être inférieure à 13 heures (24 - 11 heures).

Enfin, le règlement CEE n° 3820/85 prévoit également que le repos hebdomadaire ne peut pas être inférieur à 45 heures.

Ces temps de repos prévus par le règlement européen doivent obligatoirement être respectés, même en présence d’un accord collectif contraire (Cass. soc. 28 septembre 2010 n° 09-41276).

Il faut préciser par ailleurs que l’existence d’un régime d’équivalence ne peut pas être prise en considération pour contrôler le respect des normes européennes (Cass. soc. 23 septembre 2009 n° 07-44226 à 07-44229).

14. Par ailleurs, l’accomplissement d’heures supplémentaires ouvre droit pour le salarié, en plus des majorations visées ci-dessus, à un repos compensateur obligatoire.

Le régime applicable avant le 4 janvier 2007 était celui du droit commun, codifié alors dans l’ancien article L 212-5-1 du Code du travail :

- Les heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent annuel d’heures supplémentaires et effectuées, au-delà de la 49ème heure hebdomadaire pour les conducteurs longue distance, et au-delà de la 45ème pour les courte distance, donnaient droit à un repos compensateur de 50 % ;

- Les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent donnaient droit à un repos compensateur de 100 %.

Le contingent annuel d’heures supplémentaires était le contingent de 195 heures, prévu à l’article 12.2 et à l’article 4 Bis 2 de l’annexe I Ouvriers de la convention collective.

Ce système demeure applicable pour les heures supplémentaires accomplies avant le 4 janvier 2007.

En effet, le décret n° 2007-13 du 4 janvier 2007 a modifié le régime de calcul, désormais basé sur un décompte trimestriel des heures supplémentaires.

Ainsi désormais, le salarié a droit à 1 jour de repos compensateur lorsqu’il a accompli entre 41 et 79 heures supplémentaires sur le trimestre, 1.5 jours lorsque ce volume est compris entre 80 et 108 heures supplémentaires, et 2.5 jours lorsque le salarié a accompli plus de 108 heures supplémentaires sur le trimestre.

Étant rappelé que ne seront considérées comme heures supplémentaires que les heures accomplies au-delà de la 39ème heure hebdomadaire pour les conducteurs courte distance, et au-delà de la 43ème heure hebdomadaire pour les conducteurs longue distance.

Là encore, il n’est malheureusement pas rare de constater que les salariés ne bénéficient pas de leurs droits à repos compensateur (lequel est totalement distinct du repos compensateur de remplacement, qui peut être donné en contrepartie des heures supplémentaires effectuées, au lieu de payer les majorations de celles-ci).

Ces salariés peuvent demander réparation de leur préjudice devant le juge prud’homal, lorsqu’ils n’ont pas pu utiliser les droits qu’ils avaient acquis, ou bien lorsqu’ils n’en avaient tout simplement pas été informés. L’employeur sera alors condamné à payer une indemnité correspondant à l’équivalent en salaire, à laquelle est ajoutée une somme de 10 % au titre des congés payés afférents (Cass. soc. 22 février 2006 n° 03-45385).

Frédéric Matcharadzé. [->f.matcharadze@saric-avocats.fr]