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Mariage entre personnes du même sexe : un banal rappel des fondamentaux par le Conseil constitutionnel. Par Michel Pasotti, Avocat
Parution : mardi 1er février 2011
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Affirmant que le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe, la décision publiée le 28 janvier 2011 par le Conseil Constitutionnel nous renvoie aux vertus du PACS (1) et aux bases du droit constitutionnel (2). Elle reste cependant surprenante (3).

(1) Les vertus du PACS

Mener une vie familiale normale sans être marié, telle est la promesse du PACS (Pacte Civil de Solidarité).

Régi par les articles 515-1 et suivants du Code civil, le PACS permet notamment de profiter des avantages économiques de la vie en couple, tels que la prise en compte du foyer fiscal, l’exonération des droits de succession, la qualité d’ayant-droit en matière sociale ou le droit au transfert du bail en cas de décès.
Et puisque le pacsé survivant n’a pas la qualité d’héritier, un simple testament holographe permettra d’y remédier.

Quant à la filiation à l’égard du père, il suffira d’établir avant ou après la naissance un acte de reconnaissance.

En synthèse, le PACS se présente comme un mariage sans son inconvénient majeur : la procédure de divorce, assortie d’une prestation compensatoire.
Avec aujourd’hui plus de 90% de couples hétérosexuels parmi les pacsés, le PACS démontre avec vigueur qu’il peut être jugé préférable au mariage.
Il ne s’agit donc pas d’un mariage au rabais mais bien d’un contrat permettant de mener une vie familiale normale.
Le Conseil constitutionnel ne peut qu’être approuvé pour l’avoir rappelé.


(2) Les bases du droit constitutionnel : article 34 et principe d’égalité

Aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ». Avec raison, le Conseil constitutionnel en déduit qu’il est incompétent en matière de mariage et renvoie la question au Parlement.

Encore fallait-il que la loi existante ne portât pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

C’était précisément ce que soutenaient les requérants : la loi infligerait un traitement inégalitaire aux couples de même sexe. Elle méconnaîtrait en cela le principe d’égalité.

Il est cependant toujours périlleux de s’appuyer sur ledit principe.

En effet, selon un considérant archi-classique (Décision n° 87−232 DC du 07 janvier 1988 - Considérant 10), le juge constitutionnel affirme que : "le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit".

Ainsi, trois "paramètres" permettent aux Sages de justifier leur décision :
▪ la notion de situations différentes
▪ les raisons d’intérêt général
▪ le rapport avec l’objet de la loi.

Point n’est besoin d’être grand clerc pour voir à quel point le principe d’égalité est flexible : aisément, il peut conduire à justifier à posteriori un résultat souhaité à priori !

(3) Une décision cependant surprenante

La QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) est à la mode !
Désormais, chacun a le droit de demander que soit vérifiée la conformité d’une loi à la Constitution.

Ce droit reste cependant encadré et contrôlé : la loi contestée doit conditionner l’issue du procès, la question ne doit pas avoir été posée auparavant et, de surcroît, elle doit être jugée sérieuse.

Le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation ont été chargés de ce contrôle.
Et c’est de là que naît la surprise !!!
Comment et pourquoi la Cour de Cassation a-t-elle pu penser que la question posée en l’espèce était sérieuse alors que la réponse du Conseil Constitutionnel ne faisait guère de doute ?

Michel Pasotti

Avocat au Barreau de Paris

michel.pasotti chez gmail.com