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Les recours contre les refus de permis de construire et déclarations préalables. Par Simon Williamson, Avocat
Parution : mardi 15 février 2011
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Le contentieux de l’urbanisme ouvre au pétitionnaire qui s’est vu opposer une décision négative d’occupation des sols deux types de recours : pour excès de pouvoir (ou en annulation) et en indemnisation (ou de plein contentieux).

De nature non contentieuse, le recours administratif, dans la mesure où il n’offre que des chances de succès très relatives en ce domaine, ne sera pas abordé. Il consiste en effet pour l’essentiel à exercer un recours gracieux auprès de l’autorité qui a pris la décision (généralement, le maire ou une autorité intercommunale) afin de lui demander de revenir sur cette décision.

La possibilité pour le demandeur d’exercer un référé-suspension conjointement à son recours en annulation, sera quant à elle naturellement examinée. Cette voie de recours lui permet d’obtenir dans un délai très court (l’ordonnance de jugement intervient généralement une quinzaine de jours après le dépôt de la requête), la suspension de la décision de refus en attendant le jugement qui décidera si elle doit ou non être annulée.

Dans les développements qui vont suivre, il ne sera pas préciser selon que la règle examinée concerne un refus de permis de construire ou une opposition à déclaration préalable dans la mesure où les procédures contentieuses suivies en matière de permis de construire s’appliquent en principe de manière identique à ce dernier type de décision (cf. notamment, CE, 31 mars 2008, Synd. copr. 14 rue de la Cure, n° 292715).

I. Le référé-suspension

Selon l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la procédure de référé-suspension est ouverte contre « toute décision administrative, même de rejet », à charge pour le requérant de justifier de l’urgence à suspendre la décision et « d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à [sa] légalité ».

Sur le fondement de ces dispositions, il a été jugé que la condition tenant à l’urgence était retenue dans l’hypothèse d’un refus de permis de construire :

- dès lors que la promesse de vente consentie sous la condition suspensive de son obtention avant une date déterminée était susceptible de devenir caduque (CE, 23 janv. 2004, Cne Meyreuil, n° 257779) ;

- au regard de l’importance du préjudice financier en résultant (s’agissant de la paralysie d’un projet de 12 logements, de locaux commerciaux et parkings enterrés, et de l’obligation de verser une somme de 54 793 F à un organisme prêteur, TA Nice, réf., 19 juillet. 2001, EURL « GB » c/ Cne du Lavandou, n° 011476 ; ou de la réhabilitation d’un bâtiment en vue de la création de 5 logements, TA Nice, réf., 20 septembre 2001, SARL La Florentine c/ Cne de Pourrières, n° 013191).

En revanche, la condition tenant à l’urgence n’a pas été regardée comme remplie :

- même si le refus de permis de construire faisait obstacle à une vente, causant ainsi un préjudice à une personne âgée et de peu de ressources (CE, 15 novembre 2002, Mante et a., n° 244461) ;

- lorsque le refus d’un permis de démolir entraînait le maintien des effets de la condition suspensive et non la caducité de la promesse de vente (CE 8 avril 2009, SCI Saint-Cloud-Gounod, n° 317990, Rec. T. 992).

Il convient de relever qu’un référé-suspension peut être exercé contre une décision de sursis à statuer sur une demande de permis de construire (cf. notamment, TA Nice, 10 févr. 2004, M. et Mme Michel c/ Cne de Correns, n° 0400085), un arrêté interruptif de travaux (cf. notamment, CE, 15 mars 2004, M. Ducastel et a., n° 259853), un certificat d’urbanisme négatif (cf. notamment, CE, 5 déc. 2001, Cne de Contes, n° 237189), ou une décision d’opposition à travaux (cf. notamment, CE, ord., 22 août 2002, Sté française du Radiotéléphone c/ Cne de Vallauris, n°245624).

Lorsqu’il suspend un refus d’autorisation d’occupation du sol, le juge des référés peut seulement prescrire que cette décision intervienne dans un délai déterminé.

On notera également que, dans la mesure où le permis de construire est toujours délivré sous réserve des droits des tiers, et qu’il n’est pas ainsi susceptible de porter par lui-même atteinte au droit de propriété, l’exercice du référé-liberté prévu à l’article L. 521-2 du code de justice administrative a en ce domaine peu de chance de prospérer(cf. notamment, CE, 11 octobre 2001, Cne de Saint-Bauzille-de-Putois, n° 238869, Rec. p. 462).

II. Le recours en annulation

2.1 Recevabilité du recours

Conformément aux règles contentieuses du recours pour excès de pouvoir, le requérant qui demande l’annulation d’une décision opposant un refus (ou un sursis à statuer) doit pouvoir justifier d’un « intérêt direct et personnel », ce qui ne soulève, bien évidemment, en cette matière aucune difficulté.

Il en va également ainsi du délai de recours formé par le pétitionnaire, dans la mesure où il est soumis à la condition de délai du droit commun : deux mois à compter de la notification de la décision qu’il entend contester (CJA, art. R. 421-1).

A cet égard, il convient de préciser que ce délai ne lui est opposable qu’ « à la condition d’avoir été [mentionné], ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision » (CJA, art. R. 421-5).

En cas de contestation de la notification par le destinataire, il revient à l’administration d’apporter la preuve de l’accomplissement de cette formalité, soit par les mentions portées sur l’enveloppe, soit à défaut, par une attestation du service postal ou d’autres éléments de preuve (cf. notamment, CE, 6 avril 2007, SCI APA, n° 288945).

Il convient de relever l’hypothèse où le refus d’autorisation concerne un projet situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou dans celui d’un parc ou d’un jardin classé ou inscrit ayant fait l’objet d’un périmètre de protection délimité dans les conditions prévues par l’article L. 621-30-1 du code du patrimoine.

Dans cette hypothèse, l’autorisation d’urbanisme ne peut être délivrée qu’avec l’accord de l’architecte des Bâtiments de France, conformément aux dispositions de l’article L. 621-31 du code du patrimoine.

Dès lors, il appartient au pétitionnaire, qui se voit notifier un refus de permis de construire ou une décision d’opposition à sa déclaration préalable de travaux fondés sur un avis défavorable émis par l’ABF en application de ces dispositions, de saisir le préfet de région d’un recours visant à contester cet avis.

Ce recours constitue donc un préalable nécessaire à la saisine du juge administratif, sous peine d’irrecevabilité de la requête (CE, 28 mai 2010, M. Alain A., n° 327615, mentionné aux tables du Recueil).

2.2 Moyens d’annulation

2.2.1 Légalité externe

. Incompétence de l’auteur de la décision

Ce moyen est dit d’ordre public et le juge le soulèvera, au besoin d’office, pour prononcer l’annulation de la décision.

En pratique ce moyen est généralement invoqué lorsque la décision attaquée a été prise en vertu d’une délégation qui ne satisfait pas à un certain nombre d’exigences :

- la délégation doit être écrite et avoir fait l’objet d’une publication régulière. A cet égard, « dans les communes de 3 500 habitants et plus, les arrêtés municipaux à caractère réglementaire [doivent être] publiés dans un recueil des actes administratifs » (Code général des collectivités territoriales, art. L. 2122-29) ;

- la délégation doit être transmise au représentant de l’État (CAA Bordeaux, 24 juin 1999, Cne de Saint-Sulpice-Sur-Lèze, n° 96BX00493. La légalité d’un acte s’appréciant à la date à laquelle il a été pris, ce vice d’incompétence ne peut être régularisé par la transmission de l’arrêté de délégation avant affichage du permis et le début des travaux, ibid.) ;

- la délégation doit être suffisamment précise, c’est-à-dire qu’elle doit mentionner en pratique le pouvoir pour l’adjoint de statuer sur des demandes d’autorisation d’occupation des sols.

Le vice d’incompétence peut également être soulevé en cas de violation des dispositions de l’article L. 421-2-5 du code de l’urbanisme, selon lesquelles « si le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est intéressé à la délivrance du permis de construire, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant de l’établissement public désigne un autre de ses membres pour délivrer le permis de construire ».

En d’autres termes, la décision prise est illégale, comme entachée d’incompétence si le maire serait intéressé, en son nom personnel (un de ses proches parents est concerné : ascendant, descendant, conjoint), en tant que mandataire au sens du code civil, mais aussi par extension en tant qu’architecte d’un projet, voire lotisseur, entrepreneur, géomètre, notaire, etc. (cf. Rép. Min., n°32679, JO AN du 4 mars 1996).

. Vice de forme

Le vice de forme est en pratique essentiellement constitué par la méconnaissance des exigences relatives à la motivation de la décision tirées de l’article R. 424-5 du code de l’urbanisme, aux termes duquel « si la décision comporte rejet de la demande, si elle est assortie de prescriptions ou s’il s’agit d’un sursis à statuer, elle doit être motivée. Il en est de même lorsqu’une dérogation ou une adaptation mineure est nécessaire ».

En application de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, la motivation doit « être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » (cf. notamment, CE, 11 février 1981, Merquès, Rec. p. 962).

Un autre vice de forme susceptible d’être soulevé par le requérant est celui tiré de la méconnaissance des exigences relatives à la qualité du signataire du permis de construire.

En effet, l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations exige désormais que « Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er [État, collectivités territoriales, etc.] comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».

Dès lors, l’absence de mention en caractères lisibles du nom, du prénom et de la qualité du signataire du permis de construire constitue un vice de forme entachant la légalité dudit permis (CAA Versailles, 10 mai 2007, Cne de Ballancourt-sur-Essonne, n° 05VE01731 ; CAA Marseille, 12 avril 2007, Assoc. syndicale des propriétaires du lotissement de la Marine de Bravone, n° 04MA02573), à l’instar d’un permis de construire signé de la seule mention « le maire » (CE 11 mars 2009, Cne d’Auvers-sur-Oise, n° 307656).

Cette exigence d’identification du signataire de la décision figure expressément à l’article A. 424-2 du code de l’urbanisme.

L’omission de la mention des nom et prénom du signataire de permis de construire est une irrégularité formelle ne pouvant être régularisée par la délivrance de permis modificatifs comportant les mentions exigées (cf. notamment, CAA Marseille, 16 mai 2007, Cne du Thoronet, M. et Mme Mati, M. Giuffrida, n° 04MA01336).

. Vice de procédure

Le vice de procédure est susceptible d’être constitué par l’omission ou le mauvais accomplissement d’une consultation qui s’imposait à l’autorité administrative, ou si elle s’estime liée par un avis purement consultatif, ou par un avis conforme illégal.

Entache également d’illégalité la procédure d’instruction, le refus justifié par le caractère incomplet du dossier de permis de construire ou de déclaration préalable.

En effet, dans cette hypothèse, il appartient seulement à l’autorité administrative, en application des dispositions des articles R. 423-38 à R. 423-41 du code de l’urbanisme, d’inviter le pétitionnaire à compléter son dossier.

2.2.2 Moyens de légalité interne

Suivant les règles générales du contentieux de l’annulation, le requérant pourra contester le bien-fondé de la décision de refus en invoquant une erreur de fait et de droit et une erreur dans l’application de la règle de droit aux faits.

La violation directe de la règle de droit et le détournement de pouvoir sont difficilement invocables en matière de refus de permis de construire.

. Erreur de fait

Cette hypothèse recouvre le cas où l’administration refuse une autorisation en s’appuyant sur des indications erronées.

. Erreur de droit

Pour l’essentiel, le juge vérifie ici la bonne application par l’autorité qui a pris la décision de refus :

- du Règlement national d’urbanisme (RNU), constituant les articles R. 111-2 à R. 111-24 du code de l’urbanisme, étant précisé que l’article R. 111-1 énumère celles de ces dispositions qui demeurent applicables sur les territoires dotés d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ;

- des règles locales : celles contenues dans un plan d’occupation des sols (POS), un PLU, ou dans un document d’urbanisme en tenant lieu (cartes communales, Paz encore en vigueur, plan de sauvegarde et de mise en valeur d’un secteur sauvegardé).

L’autorité administrative doit, à cet égard, écarter spontanément, l’application d’une disposition illégale du règlement du POS ou du PLU, même si ce document est devenu définitif (cf. notamment, CE, avis, 9 mai 2005, Marangio, n° 277280), voire d’abroger « tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date » (L. n° 2007-1787, 20 déc. 2007, relative à la simplification du droit, art. 16-1).

Il en résulte que, l’annulation ou l’illégalité d’un document d’urbanisme entraîne l’annulation du refus de permis de construire pris sur son fondement et demandé par le requérant par le jeu de l’exception d’illégalité, sauf au juge à procéder, le cas échéant, à une substitution de base légale ou de motifs dans les conditions de droit commun (cf. notamment, CE, 30 décembre 2009, Cne Cannet-des-Maures, n° 319942).

Toutefois, «  L’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un schéma directeur, d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan d’occupation des sols, d’un plan local d’urbanisme, d’une carte communale ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la prise d’effet du document en cause. [Ces dispositions] sont également applicables à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme ou créant une zone d’aménagement concerté. [Elles] ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne :
- soit l’absence de mise à disposition du public des schémas directeurs (…) ;
- soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l’enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales ;
- soit l’absence du rapport de présentation ou des documents graphiques.
 » (C. urb., art. 600-1).

Dans le cadre du contrôle sur l’erreur de droit, le pétitionnaire peut également se prévaloir de la prescription administrative posée par l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme, selon lequel « lorsque une construction est achevée depuis plus de 10 ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondée sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».

Toutefois, son alinéa 2, comporte diverses exceptions à cette règle, parmi lesquelles le fait que la construction a été réalisée sans permis. À cette hypothèse a été rattaché le cas de modifications diverses réalisées sans permis (TA Marseille, 2 juillet. 2009, SCI La Chapelle, n° 0805755).

. Erreur d’appréciation

Saisi en ce sens, le juge administratif est susceptible de procéder à un contrôle sur l’appréciation des faits à laquelle s’est livrée l’autorité administrative pour fonder sa décision.

Seule peut être invoquée l’erreur manifeste d’appréciation quand les textes laissent à l’administration une marge de pouvoir discrétionnaire pour agir.

Il en va ainsi, chaque fois qu’une disposition réglementaire a un caractère permissif (l’autorisation peut être refusée ou accordée avec des réserves), à l’instar du RNU ou du règlement des documents d’urbanisme.

Mais, ce contrôle sera « normal » en matière de refus de délivrance d’autorisation de construire dans la mesure où celui-ci ne sera licite, en raison de l’atteinte portée au droit de propriété, que si la condition légale, prévue par les textes, est avérée.

2.3 Conséquences de l’annulation de la décision de refus

2.3.1 Obligation pour l’administration de réinstruire la demande

L’autorité administrative, qui demeure saisie de la demande de permis de construire initiale, est tenue de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci (cf. notamment, CE, 5 janvier 1997, SCI Le Grand Large, n° 123953), étant précisé que le pétitionnaire ne pourra, le cas échéant, se prévaloir d’un permis tacite, qu’à la condition d’avoir confirmé sa demande (sans qu’il y ait lieu pour lui d’en déposer une nouvelle).

En application de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, le juge peut, toujours en cas d’annulation d’un refus de permis de construire, s’il est saisi de conclusions expresses en ce sens, enjoindre à l’autorité administrative de procéder à nouveau à l’instruction de la demande de permis de construire et de prendre une décision sur cette demande, dans un délai qu’il fixe (cf. notamment, CE, 22 avril 2005, Cne Saint-Mitre-les-Ramparts, n° 276043 : délai d’un mois).

2.3.2 Droit au maintien des règles applicables à la date du refus

L’article L. 600-2 du code de l’urbanisme prévoit que « lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régie par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de la [décision rendant définitive l’annulation du refus de permis nouveau (CAA Marseille, 29 janvier 2010, Kalfa, n° 07MA04472)] et même si l’annulation du refus enjoint au maire de statuer à nouveau ».

Pour la confirmation de la demande de permis de construire en application visée par cet article, le délai de six mois court à compter de la notification de la décision rendant définitive l’annulation du refus de permis (cf. notamment, CE 4 mars 2009, Cne de Beaumettes, n° 319974, Rec. T., p. 989).

Il en résulte que le pétitionnaire ne pourra pas se voir opposer une règle d’urbanisme, intervenue postérieurement à la date à laquelle a été prise la décision annulée, qui conduiraient à un nouveau refus ou à une autorisation assortie de prescriptions plus rigoureuses.

Toutefois, l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme. ne fait pas obstacle par lui-même à ce que l’autorité compétente oppose un sursis à statuer prévu par l’article L. 111-7 du code de l’urbanisme lorsque, après annulation par le juge d’un refus qui lui a été opposé, le pétitionnaire confirme sa demande de permis de construire.

Cependant, dans une telle hypothèse, le sursis à statuer ne peut être fondé sur la circonstance que le projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution d’un plan local d’urbanisme intervenu postérieurement au refus annulé (CE, 16 juillet, 2010, SARL Francimo, n° 338860, sera mentionné aux tables du recueil).

III. Recours indemnitaire

3.1 Recevabilité

Les conditions de recevabilité du recours indemnitaire du fait d’un refus de délivrance d’un permis de construire sont identiques à celles du droit commun de la responsabilité administrative :

- exigence d’une décision administrative préalable (CJA, art. R. 421-1) et d’un recours à son encontre exercé dans un délai de deux mois à compter du jour de sa notification en cas de décision expresse de rejet ;

- obligation de chiffrer la demande (cf. notamment, CE, 23 avril 2003, Petit, n° 233365, Rec. p. 174) ;

- exigences tenant à la prescription quadriennale (Loi n° 68-1250 du 31 déc. 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics, art. 1er et s.).

3.2 Un refus illégal est constitutif d’une faute

Si le juge prononce l’annulation du refus du permis de construire ou de l’arrêté d’opposition à déclaration préalable (cela vaut également en cas d’annulation d’un sursis à statuer ou d’une décision de retrait), cette illégalité est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’autorité administrative (cf. notamment, CE, 17 déc. 2003, Cne de Cannes, n° 255235) et ouvre au pétitionnaire la possibilité d’obtenir l’indemnisation de son manque à gagner (s’agissant du préjudice subi par le lotisseur causé par le refus illégal de lotir ; l’expropriation qui a suivi le refus ayant empêché définitivement le lotisseur de réaliser son projet, CE, 12 décembre 2008, Marchand, n° 280554, Rec. T. p. 915).

La responsabilité de la commune peut également être retenue lorsque cette dernière a encouragé et cédé pour 1 franc symbolique le terrain nécessaire à sa réalisation, avant de refuser le permis de construire (CE, 3 mai 2004, Caisse d’assurance maladie de la Meuse, n° 223091).

3.3 Partage ou exonération de responsabilité du fait de la faute d’imprudence commise par le pétitionnaire

En cas de délivrance d’un permis de construire irrégulier, le juge considère que le pétitionnaire a commis une faute en sollicitant un tel permis et qu’il doit donc supporter une part des conséquences dommageables de la décision litigieuse.

Il en va de même lorsque, dans certaines circonstances, le titulaire d’un permis de construire ne vérifie pas sa légalité, il alors qu’il est un professionnel de la construction, censé connaître les règles de l’urbanisme (s’agissant d’un professionnel de l’immobilier qui ne pouvait ignorer que le projet de construction du bâtiment collectif d’habitation de 42 logements se situait dans un espace remarquable au sens de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, la commune a été exonérée d’un tiers de sa responsabilité, TA Nice, 22 févr. 2001, Sté REST AG c/ Cne du Pradet, n° 96-2141).

Cette faute est nécessairement écartée lorsque le pétitionnaire s’était vu préalablement délivré un certificat d’urbanisme positif. Il a ainsi été jugé qu’une une société qui engage des dépenses en vue de la réalisation de son projet de construction, au vu du certificat d’urbanisme positif qui lui a été délivré, ne commet pas d’imprudence présentant le caractère d’une faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune qui a illégalement refusé un permis de construire (CE 11 févr. 2004, Sté anonyme France Travaux, n° 212855).

3.4 Un préjudice actuel, direct et certain

Lorsque le refus de permis de construire est irrégulier, le préjudice pouvant être invoqué est essentiellement matériel (frais d’architecte, frais d’acquisition de terrain, etc.).

Ont ainsi été indemnisés, les frais d’honoraires d’architecte correspondant à l’établissement du dossier de demande d’autorisation de lotir, engagés en pure perte du fait de la faute commise par la commune qui a refusé illégalement la demande (CE, 12 décembre 2008, Marchand, n° 280554, précité) et les frais financiers engendrés par un emprunt destiné à financer le projet (CE, 11 février 2004, SA France Travaux, n° 212855).

Le juge peut également réparer le dommage résultant de l’impossibilité dans laquelle se sont trouvés momentanément les requérants de construire sur leur terrain constitutifs de troubles dans leurs conditions d’existence (cf. notamment, CAA Nancy, 11 octobre 2007, Marcel c/ Cne de Basse-Ham, n° 06NC00681 ; CAA Nantes, 8 avril 2008, M. Maurice Eisenchteter, n° 07NT00643).

Le préjudice moral du pétitionnaire est également indemnisé (s’agissant du préjudice moral résultant de renseignements erronés sur le contenu de la nouvelle demande de permis de construire qu’il devait déposer et des « tracasseries administratives » en résultant (CAA Paris, 29 janv. 2009, M. A. c/ Ville de Paris, n° 06PA04099).

3.5 Existence d’un lien de causalité

Le préjudice invoqué doit en principe trouver sa cause dans l’illégalité commise constituée par le refus irrégulier du permis.

Il en va ainsi des dépenses effectuées inutilement du fait du refus illégal d’un permis de construire (CE, 11 févr. 2004, SA France Travaux, n° 212855, précité)

En revanche, un refus de permis illégalement opposé en ce que le projet était soumis au régime déclaratif de l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme peut constituer une faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune, mais ne saurait donner lieu à indemnisation si, dans le cas d’une procédure régulière, un refus aurait pu légalement être opposé à la demande de l’intéressé (CAA Nantes, 29 juin 2001, M. Marie, n° 99NT00144).

L’absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice est également admis lorsque ce préjudice résulte en réalité d’une servitude d’urbanisme tirée de l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme (cf. notamment, CE, 13 novembre 2009, SNC Domaine de Sausset-les-Pins, SCP Laureau-Jeannerot, n° 309093, Rec. T., p. 983).

Simon WILLIAMSON _ Avocat au Barreau de Paris _ Docteur en droit _ [->swilliamso@williamson-avocat.com]