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Brevet expiré, saisie-contrefaçon annulée. Par Manuel Roche, CPI
Parution : lundi 21 mars 2011
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Le titulaire d’un certificat complémentaire de protection (CCP) pour un médicament avait obtenu l’autorisation, sur la base de celui-ci mais trois ans après son expiration, de faire pratiquer une saisie-contrefaçon à l’encontre de l’un de ses concurrents fabriquant et commercialisant ledit médicament.

Les faits étaient les suivants. L’ex-titulaire du CCP alléguait que l’un de ses concurrents avait commencé à fabriquer et commercialiser le médicament anciennement protégé quelques semaines avant l’expiration de la protection. Souhaitant agir en contrefaçon pour la réparation du préjudice qu’il avait subi alors qu’il était titulaire du CCP, il avait donc sollicité du président du tribunal de grande instance compétent l’autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon chez son concurrent.

Alors que la partie adverse avait obtenu la rétractation de l’ordonnance présidentielle autorisant la saisie, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, pôle 1, 2ème ch., 18 nov. 2009) avait ensuite reconnu la validité de la pratique considérant que, si le CCP était expiré au jour de la requête aux fins de saisie-contrefaçon, il n’était néanmoins pas discuté qu’il était en vigueur à la période pendant laquelle les actes de contrefaçon se seraient produits. Le raisonnement était le suivant : puisque le CCP était valable à cette période et que son (ex-)titulaire pouvait agir en contrefaçon pour obtenir réparation de son préjudice, il pouvait également utiliser les voies de droit spéciales du Code de la propriété intellectuelle lui permettant de réunir des preuves des actes allégués.

La saisie-contrefaçon était donc validée bien que réalisée sur la base d’un titre de propriété industrielle expiré.

La Cour de cassation (Cass. Com., 14 déc. 2010) n’approuva pas ce raisonnement et décida de casser l’arrêt de la cour d’appel, invalidant en cela la saisie-contrefaçon. "La faculté de procéder à une saisie-contrefaçon en matière de brevet ou de certificat complémentaire de protection n’est ouverte qu’aux personnes énumérées à l’article L.615-2 du Code de la propriété intellectuelle qui justifient non seulement de l’existence du titre sur lequel elles se fondent mais également de ce que celui-ci est toujours en vigueur à la date de la présentation de la requête".

La saisie-contrefaçon est, selon les textes, une procédure ouverte à "toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon" (article L.615-5 du CPI). Or l’article L.615-2 du CPI prévoit que "l’action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet", ou à défaut par le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation. La partie réglementaire du Code dispose en outre que l’obtention de l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon est soumise à "la représentation" du titre sur lequel elle est fondée.

La Cour de cassation estime donc, suivant la lettre de la loi, qu’une saisie-contrefaçon ne peut plus être requise dès lors que le titre de propriété industrielle sur lequel elle se fonde n’existe plus.

Voilà donc les titulaires de droits de propriété industrielle prévenus. L’action en contrefaçon, si elle peut être dirigée contre des actes ayant été commis avant l’expiration des droits, sous réserve qu’ils ne soient pas prescrits, ne pourra plus alors être prouvée grâce à la mesure probatoire phare de la propriété intellectuelle.{{}}

Manuel ROCHE Conseil en propriété industrielle - Marques & Modèles INSCRIPTA http://www.inscripta.fr