I. Faits et procédure.
Un salarié licencié saisit la juridiction prud’homale de demandes de paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées lors de ses temps de voyage.
Par un arrêt du 10 décembre 2021, la cour d’appel de Bourges fait droit aux demandes du salarié au motif que le salarié restait en permanence à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles durant ses temps de voyage.
Ainsi, selon la cour d’appel, ces temps de voyage constituaient du temps de travail effectif.
L’employeur se pourvoit donc en cassation sur le fondement des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du Code du travail, selon lesquels respectivement, « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » et « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire ».
II. Moyens
En effet, l’employeur demandeur au pourvoi devant la Cour de cassation, fait grief à la cour d’appel de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires durant les temps de voyage.
Dès lors, l’employeur rappelle que la durée du travail effectif correspond au temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
De cette manière, il est avancé que si le salarié restait joignable durant son temps de voyage, pour ses collaborateurs qui pouvaient ainsi prendre son attache, il ne restait pas pour autant, en permanence à la disposition de l’employeur et pouvait vaquer librement à des occupations personnelles.
En conséquence, l’employeur considère que les temps de déplacement professionnel du salarié ne constituent pas des temps de travail effectifs.
III. Solution.
La question qui se pose à la Cour de cassation est alors la suivante : les temps de voyage professionnel constituent-ils des temps de travail effectifs dès lors que le salarié reste joignable pour ses collaborateurs ?
La Cour de cassation répond par la négative au visa des articles susmentionnés, dont l’un qui définit la durée du travail effectif comme étant le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, et l’autre qui dispose que « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif ».
Sur une interprétation stricte et littérale de ces derniers articles L.3121-1 et L. 3121-4 du Code du travail, la Cour de cassation rejette le motif de la cour d’appel selon lequel le salarié restait en permanence à la disposition de son employeur du fait qu’il restait joignable pour ses collaborateurs lors de ses déplacements professionnels.
En effet, non seulement la Cour de cassation décide que ce motif ne suffit pas à caractériser que le salarié devait se tenir à la disposition de son employeur pendant ses temps de déplacement professionnel, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, mais plus encore, elle affirme que le temps de voyage ne constitue pas un temps de travail effectif, de la même manière que les temps de déplacements professionnels ne caractériseront jamais un temps de travail effectif.
Il faut toutefois souligner que si la Cour de cassation prête au temps de voyage du salarié, la solution retenue par l’article L.3121-4 du Code du travail en ce qui concerne le temps de déplacement professionnel, ce n’est seulement parce que le motif selon lequel le salarié restait joignable pour ses collaborateurs, n’est pas suffisant à établir un temps de travail effectif.
Ainsi, devant un autre motif, la Cour de cassation pourrait retenir une autre solution qui qualifierait le temps de voyage comme un temps de travail effectif, à condition que le salarié s’y tienne à la disposition des directives de son employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.
Source.
Cour de cassation, 13 mars 2024, Pourvoi n° 22-11.708