Après qu’une influenceuse ait été a priori personnellement remerciée par la première Dame suite à l’annonce d’un don à la Fondation des Hôpitaux de Paris, que plusieurs autres aient été sollicités pour effectuer des publicités en faveur de la vaccination durant la pandémie de Covid 19, ou conviés en hauts lieux pour discuter des violences faites aux femmes, d’autres influenceurs [1] ont été auditionnés ce 10 juin 2025 par une commission d’enquête parlementaire chargée de renseigner l’Assemblée nationale sur les effets psychologiques de Tik-Tok sur les mineurs.
Ce sujet recouvre une nébuleuse de problématiques plus tentaculaires les unes que les autres.
Il mérite une simplification tant sa compréhension est d’intérêt public : il s’agit en effet d’un sujet dont les enjeux questionnent les libertés fondamentales et la souveraineté numérique.
Après avoir défini ce qu’est une commission d’enquête parlementaire (I), voyons ce qu’on pourrait retenir des auditions menées le 10 juin 2025 (II).
I- Qu’est ce qu’une commission d’enquête parlementaire ?
Une commission d’enquête parlementaire est un groupe de travail composé de parlementaires (1). Il dispose du pouvoir d’auditionner toute personne utile pour réaliser sa mission (2). Ce n’est pas un tribunal (3).
1. Définition générale de la commission d’enquête parlementaire.
Une commission d’enquête parlementaire [2] est un groupe de travail temporaire constitué de parlementaires de l’Assemblée nationale ou du Sénat, dans les conditions de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires d’une part, et du Règlement de l’assemblée concernée d’autre part [3].
Comme son nom l’indique, cette commission est chargée dans le délai de son existence, « d’enquêter » sur une thématique complexe ou d’intérêt général susceptible de donner lieu à l’élaboration d’un projet [4] ou d’une proposition [5] de loi.
L’objectif d’une telle commission est défini à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, lequel prévoit que :
« (...) Les commissions d’enquête sont formées pour recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée qui les a créées (...) ».
Une commission d’enquête parlementaire est créée par le biais d’une Résolution.
Il s’agit d’abord d’un projet de résolution émanant de députés ou de sénateurs, proposant la création d’une commission d’enquête parlementaire. Ce texte est remis à une commission permanente compétente de la chambre parlementaire concernée, afin d’examiner sa recevabilité et son opportunité [6].
La résolution fait ensuite l’objet d’un vote par la chambre parlementaire concernée.
Un vote favorable entraîne la création de la commission d’enquête parlementaire dont l’objet, le cadre et le champ d’investigation sont fixés par la Résolution elle-même, ainsi votée.
À l’issue de sa mission, la commission d’enquête parlementaire dresse un rapport.
Ce rapport est remis à l’assemblée qui l’a créé, afin de lui offrir une meilleure expertise sur la thématique devant donner lieu à une production législative par la suite.
Pour réaliser cette mission de « lanterne » la commission d’enquête parlementaire dispose de nombreuses prérogatives, dont le pouvoir d’auditionner toute personne utile.
2. Zoom sur le pouvoir d’audition de la commission d’enquête parlementaire.
Qu’est-ce que le pouvoir d’audition ? Comment sont identifiées les personnes utiles à entendre et selon quelles formes ces personnes sont informées de leur audition ?
L’article 6 de l’Ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit également que :
« (...) Toute personne dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée (...) ».
L’audition a donc pour effet d’obliger toute personne utile, par l’effet de sa convocation, à prendre part aux travaux parlementaires en apportant son expertise sur la thématique objet de l’enquête.
S’agissant d’une commission d’enquête parlementaire portant sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, il est apparu utile d’auditionner différentes personnes susceptibles d’éclairer les membres de la commission notamment sur :
- Le fonctionnement des réseaux sociaux dans le principe et dans leurs fonctionnalités techniques,
- Les codes de la création de contenu,
- Les mécanismes de fonctionnement et d’évolution de l’algorithme de la plateforme,
- Les modèles économiques de TikTok et des utilisateurs qui exercent une activité économique au moyen de la plateforme,
- L’influence des contenus consommés sur le développement psychologique, le comportement et la pensée des personnes mineures,
- L’effet de dépendance associée à l’utilisation accrue des réseaux sociaux en général.
C’est donc tout naturellement que la commission a estimé utile d’entendre entre autres des professeurs, chercheurs, journalistes, psychologues, employés et représentant de plateformes ou encore des influenceurs.
À l’image d’un sondage Instagram, c’est dans le cadre d’une consultation citoyenne que la commission a sollicité l’avis des internautes pour identifier nommément les influenceurs qu’il serait utile d’auditionner. En effet, dans le cadre d’un questionnaire qui leur a été soumis sur leur usage et leur perception de TikTok, les internautes ont eu à proposer des noms d’influenceurs.
Ce sondage a conduit à la sélection de : Alex Hitchens, AD Laurent, Manon et Julien Tanti et Nasdas bien qu’ils ne soient pas des usagers aguerris de la plateforme d’origine chinoise, comme certains d’entre eux ont pu, à juste titre, le souligner.
Une fois les personnes utiles identifiées, la commission doit porter à leur connaissance sa volonté de les auditionner.
La lettre de l’article 6 précité ne requiert aucune forme particulière pour cette convocation. Le recours à un huissier de justice y apparaît comme optionnel et relève de l’appréciation du Président de la commission qui doit l’estimer nécessaire.
L’article 6 prévoit en effet que :
« (...) est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. A l’exception des mineurs de seize ans, elle est entendue sous serment. Elle est, en outre, tenue de déposer (...) ».
En d’autres termes, la convocation peut intervenir par courrier postal ou par courrier électronique.
Dans l’hypothèse où la personne dont l’audition est estimée utile ou indispensable par la commission, refuse son audition ou ne se présente pas, où lorsqu’il apparait nécessaire de s’assurer que cette personne a bien pris connaissance de sa convocation, le Président de la commission peut décider d’adresser la convocation par l’intermédiaire d’un huissier de justice.
Une telle convocation, adressée par l’intermédiaire d’un huissier permet à la commission de faire peser sur la personne qui refuserait son audition ou de témoigner sous serment, un risque de sanction pénale puisque l’article 6 précité prévoit également que :
« (...) III.-La personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d’enquête est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (…) ».
La lettre du texte prévoit en effet une sanction pénale pour toute personne qui refuse de « comparaitre ». Or, dans le langage juridique une « comparution » succède à une « citation à comparaitre », c’est-à-dire : une convocation délivrée par un huissier de justice.
Le risque de sanction pénale est encouru en cas de refus de comparaitre suite à une convocation adressée par l’intermédiaire d’un huissier de justice. Il contraint donc toute personne convoquée à se présenter pour éviter ce risque.
Lorsqu’elle se présente, la personne à auditionner doit obligatoirement prêter serment préalablement à son témoignage et à son échange avec les membres de la commission.
Ce formalisme ne doit en aucun cas conduire à assimiler la commission à un tribunal.
3. La commission d’enquête parlementaire n’est pas un tribunal.
À ne pas s’y méprendre, cette commission n’est pas un tribunal. Elle ne dispose pas du pouvoir ni de la compétence pour juger d’une éventuelle responsabilité des personnes auditionnées. Elle ne prononce aucune sanction civile ou pénale à leur encontre [7].
Il faut toutefois noter que l’absence de risque de sanction pénale en audition d’enquête parlementaire, ne signifie pas pour autant absence de risque de sanction dans l’absolu.
En effet, les déclarations faites dans le cadre de cette commission pourraient ultérieurement donner lieu à des poursuites, si elles se rapportent à des faits ou des propos illégaux.
D’ailleurs, les membres de la commission se réservent la possibilité de « signaler » à l’autorité compétente pour les instruire et les sanctionner juridiquement, tout fait découvert à l’occasion de l’enquête parlementaire et donc de l’audition.
Dans certains contextes, la préparation de la personne auditionnée apparaît donc nécessaire afin de lui permettre d’éviter ou de fortement limiter le risque que son témoignage ou l’interprétation qui pourrait en être faite, la desserve.
II- Que pourrait-on retirer des auditions du 10 juin 2025 menée par la commission chargée d’enquêter sur les effets psychologiques de TikTok sur les personnes mineures ?
La volonté affichée par le législateur est celle de la définition d’un cadre de fonctionnement et d’utilisation des plateformes numériques prenant davantage en compte la nécessité de protection des personnes mineures.
Tels que mis en lumière, les travaux de la commission semblent annonciateurs d’une réglementation à venir plus sévère (1). Comme beaucoup de nouvelles réglementations, celle-ci pourrait être source de nombreuses opportunités économiques (2). Mais comme toute réglementation plus exigeante, elle pourrait également présenter des risques de restrictions des libertés (3).
1. Les présages d’une réglementation à venir plus sévère : contexte et mesures envisagées
Internet n’est pas une zone de non-droit. Contrairement aux idées reçues en la matière, les règles qui régissent ou qui sont susceptibles de régir les comportements en ligne ne datent pas d’hier.
Les législateurs européen et français se sont emparés des problématiques posées par l’usage d’internet et des réseaux sociaux depuis de nombreuses années.
À titre d’exemple, outre les dispositions générales du Code civil et du Code pénal, nous pouvons spécifiquement citer :
- La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, plus connue sous le nom de « loi LCEN » : Cette loi s’applique déjà aux plateformes, commerçants et éditeurs de contenu en ligne ;
- La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes [8] : elle a conduit à une modification de l’article 222-33-2-2 du Code pénal pour faire du harcèlement en ligne une circonstance aggravante de l’infraction de harcèlement moral ;
- La loi n° 2019-774 du 29 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé modifiant l’article L1453-1 du Code de la santé publique, lequel impose aux entreprises produisant ou commercialisation des produits de santé, un devoir de transparence concernant les liens d’intérêts qu’ils peuvent entretenir avec des influenceurs au sens de la loi ;
- L’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard : elle a conduit à la modification du Code de la sécurité intérieure et impose aux opérateurs de jeux et plateformes d’exclure l’accès des mineurs aux jeux d’argent ou d’en faire la promotion aux abords des écoles ;
- Le règlement UE 2022/2065 du 19 octobre 2022 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 qui prévoit des dispositions visant à lutter contre la propagation de contenus illicites en ligne ;
- Bien évidemment, la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
Il existe donc déjà une multitude de règles.
Cela dit, l’évolution rapide des comportements en ligne ne cesse de mettre le législateur au défi. Ce dernier doit continuellement adapter le cadre règlementaire existant au regard de problématiques persistantes, ou nouvelles.
Concernant les personnes mineures dont la santé mentale a donné lieu à de nombreuses et récentes productions législatives [9], il apparaît que le cadre règlementaire existant est insuffisant ou inefficace pour assurer leur pleine protection en ligne.
La proposition de Résolution n° 783 du 16 janvier 2025 à l’origine de la commission d’enquête parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs rapporte par exemple qu’en France, TikTok est utilisé par les moins de 24 ans qui représenteraient 70% de la plateforme alors que certaines études opèreraient une relation entre les comportements dangereux de certains mineurs et la plateforme.
La captation de l’attention des personnes mineures « poussée à l’extrême s’accompagne d’une mise en avant et d’un enfermement des utilisateurs dans des contenus dangereux ou hypersexualisés (...) Aujourd’hui, le collectif de 7 familles ayant déposé plainte contre la plateforme accuse TikTok de "provocation au suicide", "non-assistance à personne en péril" (...) » [10].
Pour certains membres de la commission il existerait « un lien précis et déterminé entre l’utilisation du réseau social TikTok et les répercussions psychologiques pour les utilisateurs, notamment les mineurs » [11].
Les questions posées par les membres de la commission lors des auditions des 10 et 12 juin 2025 [12] laissent envisager l’idée d’une réglementation plus sévère à venir à l’égard des hébergeurs, des plateformes et des utilisateurs influents, diffusant du contenu.
Outre la problématique essentielle de la protection des données à caractère personnel, se pose également la question de la simple restriction ou de l’interdiction totale de l’accès des personnes mineures aux plateformes, la question de la définition d’un âge minimum d’accès aux plateformes et bien sûr la question du choix des solutions techniques pour assurer cette mesure de protection.
Par ailleurs, les utilisateurs diffusant du contenu ne sont pas à l’abri de se voir imposer davantage d’obligations susceptibles d’influer sur :
- le choix des sujets traités,
- le choix de la nature, du registre et du ton de leur contenu,
- leur façon d’interagir avec leur communauté ou les autres utilisateurs en ligne.
Enfin, les éditeurs de plateformes pourraient se voir imposer des obligations ou davantage se voir contrôler sur :
- la définition et le fonctionnement de leur algorithme ;
- l’étendue de l’information qu’elle apporte aux utilisateurs sur l’âge des membres de leurs communautés ou des autres utilisateurs de la plateforme avec lesquels ils interagissent ;
- les fonctionnalités qu’elles rendent accessibles pour permettre aux utilisateurs de contribuer à la protection des mineurs.
Le défi que se lance le législateur n’est pas simple car en fin de compte, c’est l’usage des réseaux sociaux dans son ensemble qui risque d’être bouleversé car les travaux de la commission d’enquête parlementaire pourraient bien donner lieu à la production d’une proposition de loi visant à régir au-delà de TikTok, les plateformes en général.
On peut toutefois regretter que le champ de cette révolution annoncée soit focalisé sur les pratiques en ligne lorsqu’on se souvient que ces pratiques héritent des codes d’un ancêtre nommé télévision, où la tenue de propos « problématiques » n’aboutit pas systématiquement à un bannissement des auteurs, alors même que la télévision dont les contenus sont retranscrits sur les plateformes participe également à la construction et au développement de la pensée des personnes mineures et des adultes.
2. Les présages d’opportunités pouvant découler d’une réglementation plus exigeante.
De manière générale, une nouvelle réglementation plus protectrice des personnes mineures impliquera nécessairement une obligation de conformité porteuse d’opportunités puisqu’elle contribuerait à valoriser les techniques et savoir faire spéciaux, faire émerger des outils et technologies plus adaptés aux défis lancés, et optimiser les façons de collaborer.
S’agissant en premier lieu des compétences et savoir-faire spéciaux : ceux-ci pourraient par exemple être valorisés dans le cadre de la conception, la création et la mise en œuvre de nouvelles fonctionnalités sur les plateformes mais également dans le cadre de la révision de leurs conditions générales d’utilisation et des modalités de contrôle du respect de ces conditions.
S’agissant en deuxième lieu des outils et technologies plus adaptés : une réglementation plus exigeante pourrait être l’opportunité de voir émerger de nouveaux acteurs sur le marché encouragé par les pouvoirs publics, afin de proposer des solutions techniques permettant d’atteindre les objectifs recherchés.
C’est le cas du dispositif ElioS, intégré dans un programme de recherche afin de mesurer l’efficacité d’une mesure proactive sur les réseaux sociaux de prévention du suicide chez le jeune public.
De plus, les auditions des 10 et 12 juin 2025 confirment l’actualité des besoins en matière de cybersécurité et de souveraineté numérique. Ces besoins laissent toute entière la porte ouverte à des propositions de plateformes françaises ou européennes, ou à des contrats de domiciliation de serveurs en Europe.
De telles initiatives ne pourraient qu’être encouragées au regard de l’incitatif plan d’investissement « France 2030 » reposant sur 54 Milliards d’euros [13] et dont trois des 6 leviers sont :
- « maîtriser les technologies numériques souveraines et sûres,
- s’appuyer sur l’excellence de nos écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation,
- accélérer l’émergence de l’industrialisation de startups décisives pour le déploiement de l’innovation ».
S’agissant en troisième lieu des méthodes de collaboration : on pourrait noter qu’une réglementation plus exigeante vis-à-vis des utilisateurs influents pourrait avoir pour effet de les inciter à davantage collaborer avec les membres de leur communauté pour les aider à se conformer en temps réel à leurs obligations.
Il n’est pas exclu qu’à terme, tout comme les agences, les missions de « modérateur », « comptes fans » ou encore « comptes rediff » soient plus formalisés pour une meilleure gestion et maitrise de la nature et la diffusion des contenus en ligne.
Enfin, une réglementation plus exigeante pourrait être l’opportunité pour l’ARCOM [14], de voir ses pouvoirs accrus.
3. Les risques d’une réglementation plus exigeante.
L’enfer est pavé de bonnes intentions. Si la protection des personnes mineures est un objectif dont ne saurait faire l’économie, les mesures qui pourraient être adoptées pour y parvenir seraient susceptibles de restreindre les libertés.
Deux problématiques peuvent permettre d’illustrer le propos : la première se rapporte à l’accès même à la plateforme et la seconde concerne l’accès à un contenu jugé « problématique ».
S’agissant en premier lieu de la problématique d’accès à la plateforme, les mesures envisagées sont principalement doubles.
La première est la définition d’un âge minimum légal de création d’un compte.
La seconde est l’authentification des utilisateurs, notamment via un dispositif d’identité numérique par exemple.
Or, l’authentification impose de justifier de son identité officielle telle que reconnue par l’État. De plus, le débat relatif à la sécurité des données de nombreuses plateformes est actuel. Il en découle qu’il existerait un risque d’atteinte à la vie privée accrue des utilisateurs en cas d’adoption d’une obligation d’authentification dont les données sont recueillies et stockées au travers de serveurs hors UE.
S’agissant en second lieu de la problématique relative à la teneur d’un contenu jugé « problématique », celle-ci a pris la forme de diverses questions lors des auditions des 10 et 12 juin 2025.
Il s’agissait d’interroger certaines personnes auditionnées sur leur capacité à adapter leur expression pour prendre en compte leur audience dont une partie serait constituée de personnes mineures. Les membres de la commission s’interrogent en effet sur les mesures pouvant être mises en place pour réagir efficacement dans l’hypothèse où, une personne mineure parviendrait à accéder à un contenu jugé inapproprié au regard de son âge. Il s’agissait d’interroger d’autres personnes auditionnées sur leur capacité à prendre en temps utiles toute mesure visant à retirer un contenu en ligne, voir bannir un utilisateur.
Si l’adaptation de l’expression ou d’un discours à son auditoire relève du bon sens et est en principe une pratique quotidienne de tout un chacun, la consécration d’une telle obligation pourrait conduire à une forme « d’autocensure » des utilisateurs ou des créateurs de contenus qui verraient leur liberté artistique ou d’expression limitées.
Par ailleurs, toute mesure visant à faciliter le bannissement d’un utilisateur pourrait avoir pour effet de porter atteinte à sa liberté d’établissement lorsque ce dernier exerce une activité économique à partir de ces plateformes ou lorsque l’usage de celles-ci influent sur son chiffre d’affaires.
L’éventuel accroissement du cadre de responsabilité des plateformes ne devrait pas avoir pour effet d’instaurer une censure systématique ou arbitraire. Une attention particulière doit donc être apportée aux mesures de limitation d’accès aux plateformes ou de suppression d’accès.
On se souviendra ici de la décision du 14 mai 2024 par laquelle l’État a interdit l’accès de TikTok en Nouvelle-Calédonie en période d’émeute, estimant que la plateforme servait à certains utilisateurs pour alimenter et maintenir un trouble à l’ordre public.
Par un arrêt retentissant du 1ᵉʳ avril 2025 [15], le Conseil d’État retenant le caractère disproportionné de cette mesure, avait annulé cette décision.
À l’heure où l’utilisation des réseaux sociaux voit naître une multitude d’éditeurs de contenus favorisant par ailleurs le pluralisme de l’information, et l’expression indispensable au maintien d’une société démocratique une liberté suffisante doit être laissée aux utilisateurs.
La définition d’un cadre réglementation permettant de concilier les intérêts en présence n’est pas aisée. Une solution pourrait consister à contrebalancer une éventuelle réglementation plus sévère par un texte visant à renforcer la liberté, notamment d’expression dans certains contextes.