Eva Joly, grande perdante du premier tour, fut la seule à relancer le débat de la réforme Dati sur la carte judiciaire ramenant le nombre de juridictions de 1 206 à 819. Les délais d’attente devant les juridictions étaient déjà très importants, mais depuis 2007, les dossiers contentieux non traités n’ont fait que croître sous prétexte d’économies, sans aucun moyen de contrôle de ces dernières, sans réel bilan proposé. L’insuccès de l’ancienne juge d’instruction aux récents suffrages nous laisse craindre que cette question soit une fois de plus mise sous le tapis les cinq prochaines années.
La question du droit de vote des étrangers, ainsi que la question d’une réforme franco-française du droit d’asile politique couplée à l’éventuelle et hasardeuse renégociation des accords de Schengen représentent autant de problématiques complexes qui ont été claironnées à tue-tête soit par la gauche dans un sens, soit par la droite dans un autre. Or, ces deux questions du point de vue juridique et des libertés fondamentales sont d’importance et leur utilisation dans des buts uniquement partisans ne règle en rien ces points essentiels, contribuant uniquement à envenimer les débats de société relatifs à l’immigration.
« Trop de lois tue la loi ! » affirmait Montesquieu. Que dirait-il aujourd’hui du droit du travail ? Bien que sur cette thématique du travail, les candidats dans leur ensemble, comme à chaque élection, ont eu à cœur de marteler la nécessité de promouvoir l’emploi, ont-ils pour autant fait cas de la réforme urgente et fondamentale que devrait subir le droit du travail, dont le code réformé en 2008, au lieu de devenir plus compact et plus simple, s’est vu augmenté d’une pléiade d’articles, passant de 5 225 à 9 965 ? En effet, nombre de français aimeraient bénéficier d’une véritable accessibilité à ce domaine du droit. Le succès considérable des conseils de prud’hommes le démontre bien, c’est la juridiction préférée des Français, mais beaucoup d’entre eux ont l’impression que ce méga code, de par sa complexité, permet aujourd’hui, à l’aide d’un bon avocat, de démontrer tout et son contraire, rendant parfois victime le salarié ou l’employeur de bonne foi face à un adversaire machiavélique qui utilise alors le droit comme une arme d’attaque, plutôt que de défense.
Quant à la thématique pénale, et plus particulièrement carcérale, qui interroge grand nombre de citoyens, elle fut grotesquement remplacée dans la campagne par un débat sur la réforme du permis à points, sans grand intérêt, alors que le sujet de la prison mériterait une attention plus accrue, car il questionne le thème majeur du « vivre ensemble ». Comment fonctionnent les prisons françaises ? Comment se compose la population carcérale ? Quel est le quotidien des détenus et du personnel pénitentiaire ? Ces questions essentielles n’ont pas été traitées, ou quasiment pas, lors de cette campagne présidentielle, faisant alors reculer le débat qui fut entamé lors de l’élection de 2007.
Heureusement, parmi les bons points de cette campagne, on peut noter malgré tout que le droit des entreprises sort son épingle du jeu, car il a été évoqué par la majorité des candidats. En effet, les sociétés industrielles ou commerciales françaises, et plus particulièrement les PME, subissent un barrage juridico-réglementaire dissuasif et unique dans les pays dits développés et industriels. L’ensemble des candidats a été interpellé sur ces questions relatives au droit des sociétés ; toutefois, la machine politicienne a encore une fois privilégié les effets d’annonce à buts électoraux, plutôt que de traiter le fond. Ils ont dès lors cantonné le débat aux taux d’imposition des sociétés, plutôt que d’entreprendre une réflexion fondamentale urgente et nécessaire concernant la mise en place d’une réforme du carcan juridique oppressant les créateurs d’entreprise. Comme disait un jeune entrepreneur à un candidat lors d’une émission télévisée : « Il faut avoir le désir d’entreprendre chevillé au corps en France pour créer une PME. »
Ce survol du traitement du thème démontre, s’il en était besoin, que les questions juridiques sont essentielles dans un Etat de droit. De surcroît, les français semblent s’intéresser de plus en plus à ces questions lorsque l’on constate les recherches massives lancées sur Internet dans ces domaines auparavant réservés aux juristes et rébarbatifs pour les profanes. Nos hommes politiques devraient prendre le temps d’en débattre, d’exposer leurs idées, en usant de pédagogie, en les rendant applicables sur un plan juridique dès leur genèse. En effet, ils pourraient alors donner un second souffle aux questions politiques auxquelles les Français, enfin jugés capables de comprendre les enjeux juridiques nationaux ou européens, ne demandent qu’à s’intéresser, conscients de l’impact de ces sujets.
Mes chers compatriotes, VIVE LA FRANCE, VIVE LE DROIT, ET SURTOUT VIVE NOS DROITS !