Urgence constitutionnelle : pourquoi les ministres gabonnais récemment élus députés doivent démissionner ? Par Elodie Mabika Sauze, Avocat.

Urgence constitutionnelle : pourquoi les ministres gabonnais récemment élus députés doivent démissionner ?

Par Elodie Mabika Sauze, Avocat.

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Explorer : # séparation des pouvoirs # démission # sanctions juridiques

Suite aux élections législatives de septembre-octobre 2025, plusieurs ministres gabonais ont été élus députés. Or, la Constitution du Gabon interdit le cumul des fonctions de ministre et de parlementaire. Ces ministres doivent obligatoirement démissionner du gouvernement afin de garantir la séparation des pouvoirs.

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La Constitution de la 5ᵉ République Gabonaise a renforcé les principes de séparation et de moralisation des pouvoirs. L’un des piliers de cette évolution est l’article 73 qui établit une règle fondamentale d’incompatibilité entre les fonctions exécutives et le mandat législatif.

Cet article vise à garantir la pleine disponibilité des membres du Gouvernement pour l’action exécutive et à éviter le cumul des rôles, renforçant ainsi la transparence et l’efficacité de l’État.

L’article 73 dispose clairement que : « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice d’un mandat parlementaire ».

Cette disposition signifie qu’une personne ne peut être simultanément Ministre (membre du Gouvernement) et député (membre de l’Assemblée Nationale) ou sénateur (membre du Sénat).

I. Portée et justification de la règle d’incompatibilité.

Cette règle d’incompatibilité répond à un double impératif celle garantir la séparation des deux pouvoirs. Pour rappel, le régime politique gabonais de la 5ᵉ République est qualifié de semi-présidentiel. L’article 73 marque une nette distinction entre l’organe de l’exécution (le Gouvernement) et l’organe de l’élaboration de la loi et du contrôle (le Parlement). Un cumul de fonctions entre les deux institutions affaiblirait le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement, car le contrôleur serait aussi le contrôlé.

Cette règle permet aussi d’assurer la pleine disponibilité des autorités. En effet, les responsabilités ministérielles exigent une mobilisation complète. Cette interdiction du cumul de mandat permet aux membres du Gouvernement de se consacrer entièrement à la gestion des affaires de l’État.

L’application de l’article 73 prend toute son importance immédiatement après les élections législatives récentes. La pratique politique gabonaise voit fréquemment des personnalités élues au Parlement être ensuite nommées au Gouvernement.

II. La démission impérative.

Plusieurs membres de l’équipe gouvernementale actuelle, qui occupent des fonctions ministérielles, ont été récemment élus députés lors du dernier scrutin parlementaire.
Ce cumul de fonctions du pouvoir exécutif par une personnalité détentrice d’un mandat législatif populaire est en contradiction directe et flagrante avec l’article 73 précité.

Ces personnalités ne peuvent donc pas siéger au gouvernement tout en conservant leur siège parlementaire. Pour honorer la loi fondamentale, ces ministres récemment élus doivent impérativement renoncer à leur fonction exécutive.

Leur démission du gouvernement n’est pas un acte politique facultatif, mais une exigence légale stricte visant à garantir la séparation des pouvoirs et la probité institutionnelle.

D’où l’injonction du Ministère de la Réforme et des relations avec les institutions : « Les ministres membres du Parlement doivent démissionner après la publication officielle et avant l’installation du nouveau Bureau parlementaire ».

Dans cette communication, le délai de la démission est établi par deux bornes chronologiques à savoir la démission doit être effective après la publication officielle et avant l’installation du nouveau Bureau parlementaire.

Le même ministère a apporté plus de précision dans un calendrier mettant fin à la transition au Gabon. Selon cette communication, les démissions des ministres doivent être effectives après l’officialisation de leur mandat parlementaire, mais impérativement avant l’installation du nouveau Bureau de l’Assemblée Nationale prévue le 17 novembre 2025.

III. Les mécanismes de sanction en cas de violation.

Pour que l’article 73 soit effectif, des mécanismes de sanction clairs doivent être prévus pour décourager et réprimer toute tentative de violation de cette règle d’incompatibilité.

D’abord, la Cour Constitutionnelle est la gardienne de la Constitution et doit être le juge naturel de cette incompatibilité. Dès la nomination d’un parlementaire aux fonctions de membre du Gouvernement, la cour, saisie, doit constater la vacance du siège parlementaire de l’intéressé.

La violation est sanctionnée par la déchéance ou la démission d’office du mandat parlementaire.

Si l’individu tente d’exercer les deux fonctions, la cour peut, sur saisine, déclarer l’inconstitutionnalité de l’exercice simultané des fonctions et ordonner l’invalidation de la nomination ministérielle ou la déchéance du mandat.

Ensuite, chaque chambre du Parlement possède un règlement intérieur qui doit prévoir la procédure de remplacement des parlementaires démissionnaires ou déchus.

Enfin, bien que la déchéance soit la sanction juridique immédiate, une violation délibérée ou de mauvaise foi de la règle d’incompatibilité, notamment par la dissimulation ou la tentative d’exercer les deux fonctions après la déchéance, pourrait être assortie de sanctions plus lourdes telles que l’inéligibilité temporaire ou définitive à tout mandat public, le remboursement des émoluments perçus illicitement et des poursuites pénales pour abus de fonction ou manquement aux obligations de probité.

Pour conclure, l’article 73 est un pas décisif vers la rationalisation des institutions gabonaises et la moralisation de la vie publique. La clarté de la règle d’incompatibilité est essentielle. Pour garantir son respect, il est impératif que les mécanismes de sanction soient appliqués avec rigueur et sans délai. La force de cet article résidera dans la fermeté de son application juridique.

Elodie Mabika Sauze, Avocat au barreau de la Haute-Loire, Docteur en droit et anciennement chargée d’enseignement d’université

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