Objet magi… (disparition).
En ce qu’il contient et confine l’illusion, l’objet de magie est l’allié matériel du magicien, qui ne peut feindre la prestidigitation que grâce à son jeu de scène et une manipulation précautionneuse de ses accessoires.
L’objet de magie, polymorphe, peut revêtir une grande diversité de formes, des plus communes aux plus étranges.
C’est ainsi que la vente aux enchères consacrée à la collection de Christian Fechner (prestidigitateur, collectionneur et fondateur de la Maison de la magie) organisée par Gros & Delettrez en 2004 comprenait des boîtes à secret, des cages pliantes à apparition, des baguettes magiques, des pistolets à disparition de foulard mais également un bocal à apparition de poissons, un sifflet à farine ou encore une cuillère transformant l’eau en encre.
L’on aurait tort d’exclure de cette liste non exhaustive les objets spirites et occultes qui prétendent faciliter le dialogue avec les esprits et l’au-delà du monde visible, fini et mortel.
Enfin, les objets de magie peuvent faire référence à tout ce qui fait partie de l’« expérience magique » et qui, des affiches publicitaires et gravures racoleuses des spectacles de magie aux traités d’illusionnisme, fait le succès de ces ventes on ne peut plus magiques.
La grande diversité de ces objets qui forment ce « marché de la magie » commande aux professionnels du marché de l’art d’étudier leurs spécificités et d’y appliquer la règlementation adaptée, qu’ils soient objets d’art, objets dangereux ou encore objets « animés »...
La magie de l’art : objet de magie et droit d’auteur.
Si l’on parle spontanément d’« art de la magie », on qualifie moins aisément les objets manipulés par le prestidigitateur.
En effet, les accessoires du magicien sont au carrefour de la technique et de l’esthétisme.
Le plus souvent imaginé par le prestidigitateur, quelquefois même façonné par lui, l’objet de magie revêt « tour à tour » les qualités d’objet technique, artisanal ou encore d’objet d’art.
Il est, par conséquent, susceptible de bénéficier d’une triple protection par le droit de la propriété intellectuelle, au titre du droit des brevets (invention technique), du droit des dessins et modèles (innovation esthétique) et du droit d’auteur (création originale et formalisée).
Les objets de magie susceptibles de revêtir la qualification d’objets d’art nous intéressent particulièrement ici. En effet, cette catégorie fait l’objet d’un traitement particulier lors des ventes aux enchères, tenant au respect des prérogatives morales et patrimoniales du droit d’auteur.
De ce fait, les professionnels du marché de l’art doivent s’interroger sur la qualification de ces accessoires truqués.
Il est nécessaire de rappeler, à ce titre, que le caractère fonctionnel d’un objet ne suffit pas à lui ôter toute qualité d’œuvre de l’esprit, sauf à ce que ce dernier soit purement technique, et sa forme dictée par sa fonction.
L’objet de magie bénéficiera d’une protection au titre du droit d’auteur s’il porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, dont les choix arbitraires peuvent notamment porter sur l’aspect extérieur de l’accessoire et notamment son design, son ornementation, ou encore le matériau utilisé.
Dès lors que la plupart des magiciens portent une attention particulière à l’esthétique de l’objet de magie, qui fait partie intégrante du spectacle et participe à créer ces « grandes illusions », un certain nombre d’accessoires magiques est susceptible de porter la qualification d’objets d’art.
Ainsi, lorsque l’on admire le catalogue de la vente de la collection des magiciens Morax & Akyna, dispersée le 4 mars 2017 chez Ivoire Chartres, force est de constater que l’originalité est - dans tous les sens du terme - au rendez-vous.
Notamment, le clou de la vente, un spectaculaire automate oriental baptisé Le Joueur d’échecs (estimé 10 000-15 000 euros), conçu par Sanas et Guy Bert en 1953 pour gagner « à tous les coups » au jeu d’échecs, constitue, à notre sens, une œuvre d’art au sens du droit d’auteur.
A ces objets insolites s’ajoutent les traités d’illusionnisme, affiches des spectacles de magie et autres éventails publicitaires respectivement protégés par le droit d’auteur en tant qu’œuvres littéraires et plastiques, sous réserve de leur originalité de forme ou de fond.
Toutefois, il est plus difficile d’envisager que des objets de magie plus communs puissent revêtir une telle qualification, et l’on émettra plus de réserves sur la protection des multiples jeux de cartes truqués et les gobelets magiques, sauf à ce qu’ils fassent l’objet d’un traitement particulier par et pour le magicien qui les manipule.
L’on rappellera également que celui qui s’avise de se porter acquéreur d’un objet de magie pour en reproduire le tour associé devant un public ébahi et faire illusion de son originalité se devra de prendre garde aux droits de propriété intellectuelle rattachés au tour de magie, celui-ci ayant été reconnu à plusieurs reprises comme une œuvre de l’esprit dont l’originalité le protégeait contre toute appropriation non autorisée par son auteur ou ses ayants droit.
La mise aux enchères d’œuvres de magie.
La protection par le droit d’auteur des plus originaux objets de magie a plusieurs conséquences pour les professionnels du marché de l’art.
En effet, la reproduction de ces « œuvres de magie » dans un catalogue de vente doit alors faire l’objet d’une autorisation préalable de son auteur ou ses ayants droit, moyennant le versement d’une redevance par la maison de ventes. Toutefois, une exception légale prise au bénéfice des catalogues de vente judiciaire dispense les commissaires-priseurs judiciaires de respecter de telles obligations.
De plus, l’exposition préalable à la vente de ces objets de magie, qui constitue un acte de communication au public, doit être autorisée par le titulaire du droit de représentation pendant toute la durée des droits d’auteur.
Enfin, le droit de suite contraint les professionnels du marché de l’art à reverser aux ayants droit de l’auteur-magicien une part du produit de la vente de son objet d’illusion, lorsque le prix d’adjudication excède 750 euros et qu’il ne s’agit pas de sa première mise en vente sur le marché.
Par ailleurs, les professionnels du marché de l’art se doivent de respecter le droit moral de l’auteur et sa personnalité telle qu’exprimée dans son œuvre de magie. On pourrait notamment considérer que la vente séparée, en plusieurs lots, de différents objets de magie formant un ensemble unique nécessaire à reproduire le tour de magie porte atteinte à l’esprit de l’œuvre.
Les maisons de vente ne doivent donc pas se laisser hypnotiser par ces objets de magie et veiller à une application consciencieuse du droit d’auteur.
Objets dangereux, objets animés : la règlementation des ventes aux enchères des armes et des « êtres sensibles ».
Outre les œuvres de l’esprit, les objets de magie auxquels les professionnels du marché de l’art doivent porter une attention particulière renvoient à la catégorie des objets dangereux et des objets animés, qui font l’objet d’une règlementation spécifique pour le marché de l’art.
Il n’est pas rare que des magiciens en quête de sensationnalisme fassent illusion du danger, de la mort et de la résurrection sur scène pour susciter de vives émotions chez le spectateur. L’on ne manquera pas de citer le tour historique du magicien américain au nom de scène Chung-Ling-Soo, intitulé L’Homme invulnérable, qui consistait à choisir un spectateur dans la salle qui lui tirait dessus sans jamais le tuer, grâce à un mécanisme spécial du pistolet… jusqu’à un jour de mars 1918, où il n’a pu défier la balle qui lui donna la mort.
C’est ainsi que pistolets, sabres et engins explosifs côtoient les foulards et les boîtes truquées dans les ventes aux enchères d’objets de magie.
Or, les ventes aux enchères d’armes sont, en raison de leur dangerosité, soumises à certaines restrictions, voire tout bonnement interdites, notamment pour les armes de catégorie A.
En vertu du décret du 30 juillet 2013, seules certaines armes de catégorie D ne nécessitent aucune autorisation pour être vendues aux enchères, et notamment les armes et matériels historiques ou de collection, ainsi que leurs reproductions antérieures à 1900 (sauf dangerosité avérée), les armes postérieures à 1900 dont la liste est énumérée par arrêté compte tenu d’un intérêt, historique, culturel ou scientifique, ou encore les armes rendues inaptes à tout tir.
Les armes de catégorie B, C et certaines de catégorie D sont respectivement soumises à autorisation, déclaration et enregistrement pour leur acquisition et leur détention, ce à quoi s’ajoutent notamment l’obtention d’un agrément pour l’opérateur de ventes volontaires et des formalités de tenue de registre.
Il est donc bien nécessaire que les commissaires-priseurs qui « font leurs armes » dans les ventes de magie s’assurent de l’inoffensivité de certains objets de magicien qui se parent des contours d’une arme à feu - les pistolets à disparition de foulard par exemple - et obtiennent les autorisations nécessaires pour la mise en vente des armes dangereuses, quoique truquées.
Autres « objets » insolites des spectacles de magie, les fameux lapins et colombes des magiciens qui apparaissent, disparaissent et se multiplient sur scène dans un élan magico-poétique.
Si, à notre connaissance, aucun animal vivant n’a été présenté à l’une de ces ventes d’objets de magie, il n’est pas exclu que cela advienne.
En effet, bien que dorénavant définis dans le Code civil comme étant des « êtres doués de sensibilités », les animaux sont soumis, au grand dam des associations de protection des animaux, au régime des biens meubles corporels et peuvent, en conséquence, être vendus aux enchères publiques.
A moins qu’il ne s’agisse de certaines espèces menacées, dont la mise en vente obéit à une règlementation stricte définie par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction du 3 mars 1973, dite CITES, la vente aux enchères de ces biens meubles vivants est simplement soumise à des normes sanitaires et de sécurité spécifiques.
Il paraît également utile de préciser que, dans le cas d’une vente aux enchères d’animaux vivants, le vendeur reste garant des vices rédhibitoires et responsable des différents documents fournis concernant l’animal.
Ainsi, loin d’être de simples tours de passe-passe, les ventes aux enchères des objets de magie dispersent des lots insolites ; qu’ils soient œuvres de l’esprit, objets dangereux ou animés, ils font l’objet d’une règlementation stricte que les professionnels se doivent de respecter, pour que ces objets disparaissent en toute légalité entre les mains de leurs acquéreurs…