Par ailleurs, le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé a imposé à toute personne de 11 ans et plus de porter un masque dans les lieux publics clos, en complément de l’application des gestes barrières.
Plus encore, le décret n° 2020-944 du 30 juillet 2020 modifiant le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, dans son article premier, permet au préfet de département, de sa propre initiative ou sur proposition du maire et en fonction des circonstances locales, de décider de rendre obligatoire le port du masque de protection dans les lieux publics ouverts.
En parallèle, le port du masque est aujourd’hui systématisé dans les espaces clos et partagés des entreprises et associations et dans les établissements scolaires.
Une question se pose alors : comment se procurer un masque et lequel choisir ?
Les particuliers ont dû trouver des alternatives pour obtenir un masque, notamment en période de pénurie de masques FFP2 ou même chirurgicaux : les masques alternatifs en tissu.
Quel est donc le cadre légal de la vente en ligne de masques alternatifs ?
Nous étudierons dans le présent article les relations de vente en ligne entre un vendeur professionnel et un consommateur.
Il nous faut donc exclure en l’espèce les relations de vente entre deux particuliers, et en dehors de la vente en ligne.
Pour rappel, l’article liminaire du Code de la consommation prévoit qu’est professionnel toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel.
Quant au consommateur, il est toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
Si de nombreux droits sont reconnus au consommateur et en particulier le droit à l’information (I), ce dernier ne semble pas pouvoir bénéficier du droit de rétractation qui lui est habituellement reconnu (II). De ce fait, il est utile d’envisager d’autres moyens juridiques permettant de contester la vente de masques en tissu (III).
I. L’obligation précontractuelle d’information pour un achat à distance.
D’après l’article L111-1 du Code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens, le professionnel doit lui communiquer, de manière lisible et compréhensible, plusieurs informations.
Parmi elles, figurent :
Les caractéristiques essentielles du bien.
Concernant les masques alternatifs en tissu, plusieurs informations constituent les caractéristiques essentielles du bien, et notamment le type de masque et la référence à sa spécification, comme par exemple « masque barrière - selon spécification afnor S76-001 v1 », ou encore « masque de protection à visée collective - selon patron du CHU de Grenoble ».
Les industriels fabriquant des masques en série peuvent quant à eux aller plus loin en s’engageant dans un processus de certification NF et précisent ainsi la conformité du masque. La certification NF est délivrée suite à un audit tierce du site de fabrication lors duquel un auditeur indépendant passe en revue la chaîne de fabrication au regard du référentiel accessible en ligne.
Le prix du bien ;
La date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ;
Les informations relatives à l’identité, aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et aux activités du professionnel ;
Les informations relatives aux garanties légales, à l’existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.
D’après l’article L221-5 du code de consommation, les professionnels doivent également fournir de manière lisible et compréhensible et sur support durable les informations suivantes :
L’existence d’un droit de rétractation (ses conditions, délai, modalités d’exercice) et son formulaire type ;
Les circonstances dans lesquelles le consommateur ne peut pas exercer son droit de rétractation ;
Le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi lors de rétractation ou les coûts de renvoi du bien lorsque celui-ci ne peut normalement être renvoyé par la poste.
Le professionnel ne peut s’exonérer de ces informations précontractuelles. En tant que consommateur, vous pouvez invoquer un manquement du vendeur à son obligation d’information, aux fins d’obtenir une indemnisation du préjudice que vous a causé ce manquement.
II. Le consommateur de masques alternatifs en ligne, privé de son droit de rétractation ?
D’après l’article L221-18 du Code de la consommation, le cyber consommateur dispose d’un droit de rétractation de 14 jours à compter du lendemain de la réception du bien et pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Cependant, il existe de nombreuses exceptions à cette règle, prévues par l’article L221-28 du Code de la consommation.
Deux d’entre elles pourraient éventuellement concerner la vente en ligne de masques alternatifs :
Pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.
En effet, certains masques vendus sur Internet peuvent être à personnaliser au choix du consommateur : choisir un motif et une couleur spécifiques ou encore broder un texte en particulier. Dans ce cas, le consommateur ne pourra pas exercer son droit de rétractation à la réception du bien ou même dès la conclusion du contrat ;
Pour les contrats de fourniture de biens qui ont été descellés par le consommateur après la livraison et qui ne peuvent être renvoyés pour des raisons d’hygiène ou de protection de la santé.
En effet, 2 conditions sont contenues dans cette exception :
Le bien doit être descellé par le consommateur : c’est-à-dire qu’il doit être initialement scellé dans un condiment et ouvert par le consommateur. Il ne peut être simplement contenu dans un carton sans aucune protection à l’intérieure. Dans ce cas-là, il ne serait pas scellé et le consommateur pourrait donc très bien bénéficier de son droit à rétractation ;
Le bien renvoyé doit être susceptible de bousculer les règles d’hygiène ou de protection de santé.
En l’espèce, le virus de la Covid-19 est à l’origine d’une pandémie mondiale et se propage très rapidement. Ainsi, dans le cas où le bien aurait été descellé et essayé par le consommateur contagieux mais asymptomatique qui souhaiterait le renvoyer en faisant jouer son droit de rétractation, le masque pourrait être contaminé. Le renvoi de ce masque irait donc à l’encontre de la politique publique actuelle de lutte contre l’épidémie de la Covid-19 et, de ce fait, de la vente même de masque.
La jurisprudence se montre toutefois favorable à l’exercice du droit de rétractation du consommateur et peu extensive s’agissant de l’exception au droit de rétractation pour les biens descellés et non renvoyés pour raisons d’hygiène ou de protection de la santé.
Un an seulement avant l’apparition de l’épidémie du coronavirus, le 27 mars 2019 [1], la Cour de Justice de l’Union Européenne a pu considérer que le consommateur devait être autorisé à essayer et inspecter le bien acheté, même en cas de contact direct avec le corps humain. La Cour a en effet présumé que le professionnel était en mesure de rendre le bien propre à une nouvelle utilisation par un tiers au moyen d’un nettoyage ou d’une désinfection, sans porter préjudice aux impératifs de protection de la santé ou d’hygiène.
Cependant, cette décision a été prise dans un cadre tout à fait étranger à l’apparition d’une épidémie mondiale et il est peu probable qu’elle serait réitérée dans le cas de l’exercice du droit de rétractation d’un masque alternatif aujourd’hui…
III. Les possibilités de recours de l’acheteur de masques alternatifs en ligne.
Dans le cas où le consommateur ne pourrait pas exercer son droit de rétractation en raison soit de la personnalisation du masque, soit du fait que le bien a été descellé et ne peut être renvoyé pour des raisons de protection de santé, il faut envisager les autres moyens pour lui de retourner un bien au professionnel.
A. La garantie légale de conformité du consommateur.
Les articles L217-1 et suivants du Code de la consommation offrent une action en garantie légale de conformité au consommateur face à un professionnel.
Pour cela, l’action est doublement limitée, car elle n’est ouverte qu’aux contrats de vente de biens meubles corporels et n’est ouverte qu’à une vente passée entre un vendeur professionnel et un acheteur ayant la qualité de consommateur.
Par ailleurs, 3 conditions doivent être réunies pour que l’action puisse aboutir :
Un défaut de conformité.
Si les parties n’ont rien précisé au contrat, le défaut de conformité est caractérisé lorsque la chose est impropre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable ou lorsqu’il ne correspond pas à la description donnée par le vendeur ou ne présente par les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre.
Un défaut de conformité antérieur à la vente.
Le défaut doit exister lors de la délivrance, ce qui implique qu’il soit antérieur à la vente.
Le Code de consommation facilite cette preuve en posant une présomption d’antériorité pour tous les défauts qui apparaissent dans un délai de 24 mois à compter de la délivrance pour les biens neufs. Ces défauts sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire, selon l’article L217- 7 du Code de la consommation.
Un défaut de conformité non apparent immédiatement à l’acquéreur.
Le défaut ne doit pas être immédiatement apparent, car l’acquéreur ne peut contester la conformité en invoquant un défaut qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer lorsqu’il a contracté, d’après l’article L217-8 du Code de la consommation.
Si ces trois conditions sont réunies, l’action en garantie doit être engagée dans les deux ans à compter de la délivrance du bien, d’après l’article L217-12 du Code de la consommation.
A titre principal, l’acquéreur peut choisir entre la réparation et le remplacement du bien, selon l’article L217-9 du Code de la consommation. Si l’une ou l’autre de ces modalités est possible, l’acheteur est tenu de choisir l’une des deux.
A titre subsidiaire, si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l’acheteur se voit ouvrir une autre option par l’article L217-10 du Code de la consommation et peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.
En parallèle, l’acquéreur pourra également solliciter l’octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice subsistant, selon l’article L217-11 du Code de la consommation.
B. La garantie légale des vices cachés.
D’après l’article 1641 du Code civil, quatre conditions doivent être réunies pour que soit mise en œuvre la garantie des vices cachés :
Il faut que le défaut soit inhérent à la chose, c’est-à-dire qu’elle doit présenter un défaut intrinsèque et ne pas résulter d’éléments extérieurs ;
Il faut ensuite que le défaut rende la chose impropre à son usage ou en diminue tellement l’usage que l’acquéreur ne l’aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix.
La jurisprudence estime que seul un défaut de nature à affecter gravement l’usage de la chose peut justifier la mise en jeu de la garantie, cette gravité s’apprécie au regard de la destination normale de la chose et est appréciée souverainement par les juges du fond.
Le vice doit être caché.
Le vendeur n’est donc pas tenu des vices apparents dont l’acquéreur aurait pu se convaincre lui-même, d’après l’article 1642 du Code civil.
Or, ce caractère apparent ou caché du vice dépend de la qualité de profane ou de professionnel de l’acquéreur : aux yeux d’un consommateur, le défaut sera plus facilement considéré comme caché alors qu’aux yeux d’un professionnel, une présomption de découverte du vice par l’acquéreur professionnel existe lorsque le vendeur et l’acquéreur sont de la même spécialité.
Enfin, le vice doit être antérieur à la vente.
C’est la date de naissance du vice qui doit être prise en compte, quand bien même sa date d’apparition serait ultérieure.
Selon l’article 1644 du Code civil, l’acheteur a le choix entre :
une action rédhibitoire qui aboutit à la résolution de la vente ;
et une action estimatoire qui aboutit à la réduction du prix.
Il faut bien noter qu’en présence d’un vendeur professionnel présumé connaître les vices, le consommateur pourra également invoquer les dommages que lui auront causé le défaut, sur le fondement de l’article 1645 du Code civil.
Selon l’article 1648 du Code civil, l’action en garantie légale de vices cachés [2] doit être engagée dans les deux ans de la découverte du vice.
Vous l’aurez compris, le consommateur en ligne de masques alternatifs pourra toujours demander des dommages et intérêts si il n’a pas été suffisamment informé par le vendeur.
Il ne pourra certainement pas exercer son droit de rétractation mais pourra, si les conditions sont réunies, invoquer sa garantie légale de conformité ou encore de vices cachés...