Victime d’impayés de loyers : comment expulser un locataire pendant la trêve hivernale ?

Par Valérie Moulines Denis, Avocat.

4024 lectures 1re Parution: Modifié: 4.73  /5

Depuis deux ans, la trêve hivernale a été prolongée du fait de l’épidémie mondiale afin de protéger les locataires des expulsions. Cette situation exceptionnelle prendra fin le 31 mars prochain, permettant aux règles usuelles de s’appliquer à nouveau.
Cela étant, et contrairement à une idée reçue, le propriétaire bailleur dispose de moyens d’action pour recouvrer ses loyers impayés et expulser son locataire mauvais payeur, malgré la trêve hivernale.
Cet article a pour objet de décrire les démarches qu’il vous est possible d’entreprendre pour faire valoir vos droits de propriétaire et de répondre aux questions récurrentes en la matière.

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1. Qu’est-ce que la trêve hivernale ?

La trêve hivernale est la période légale qui s’étend du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante pendant laquelle un locataire - même mauvais payeur - ne peut pas être expulsé de son logement par les forces de l’ordre.

Plus précisément, l’article L 613-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que :
“Le sursis à l’exécution des décisions d’expulsion est régi par les articles L. 412-3, L. 412-4, L. 412-6 à L. 412-8 du code des procédures civiles d’exécution.”

Et l’article L 412-6 du Code des procédure civiles d’exécution :
“Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L 412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille”.

En vertu de ces dispositions, toute mesure d’exécution forcée est suspendue même lorsque la décision judiciaire prononçant l’expulsion est devenue définitive du fait de l’expiration des délais d’appel.

Cette suspension d’exécution forcée s’applique également lorsque les délais de grâce accordés par le juge sont expirés.

Attention : la période hivernale se distingue du délai de grâce qu’un Tribunal peut accorder (cf article L 412-3 et L 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution).

L’objectif poursuivi est d’éviter que les ménages ne se retrouvent sans logement pendant la période de froid.

Ainsi, les expulsions locatives forcées en exécution d’une décision de justice sont suspendues l’hiver et reportées.

2. La période hivernale protège-t-elle tous les locataires ?

Dans certaines situations exceptionnelles qui le justifient, le locataire ne bénéficiera pas de cette période de grâce afin de protéger les intérêts et les droits des propriétaires-bailleurs, notamment concernant :
- Les occupants relogés, en vertu de l’article L 613-1, 1er alinéa du Code de la construction et de l’habitation ;
- Les squatteurs, c’est à dire les personnes entrées sans droit ni titre dans le domicile d’autrui, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ;
- Les occupants de locaux spécialement destinés aux logements d’étudiants lorsque les intéressés cessent de satisfaire aux conditions en raison desquelles le logement a été mis à leur disposition ;
- Le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin violent suivant une ordonnance de protection rendue par le Juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 515-9 du Code civil ;
- Le conjoint suivant une ordonnance de non-conciliation rendue par le Juge aux affaires familiales dans le cadre d’une procédure de divorce ;
- Les occupants d’un logement faisant l’objet d’un arrêté de péril.

La trêve hivernale ne s’applique pas dans le cadre d’autres locations, tels les baux commerciaux, les baux professionnels et autres conventions d’occupation précaire.

3. Ce qui reste permis durant la trêve hivernale.

Pour autant, toute la procédure d’expulsion n’est pas gelée.

Pour recouvrer les impayés de loyer et expulser le locataire il est donc toujours possible d’agir, même durant la trêve hivernale.

Il convient néanmoins d’agir avec célérité, d’initier une tentative de règlement amiable, de mandater un huissier en cas d’échec, avant le cas échéant de saisir le Juge afin d’obtenir un jugement d’expulsion.

- Agir immédiatement.

Si votre locataire rencontre des difficultés pour payer le loyer et charges, il est impératif d’agir rapidement pour éviter toute augmentation de la dette locative et lui rappeler ses obligations.

En effet, plus le montant des loyers impayés est important, plus le locataire présente des difficultés à régler intégralement les sommes dues.

Dès le premier mois de loyer impayé, contactez votre locataire pour trouver une solution amiable.

- Initier une phase amiable.

Depuis le 1er janvier 2020, l’article 750-1 du Code de procédure civile impose, avant l’introduction de l’instance devant le Tribunal, une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative lorsque la demande de paiement n’excède pas 5 000 €. (cf.Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile).

En cas d’absence de tentative amiable, le juge peut même prononcer d’office l’irrecevabilité de la demande en justice.

Toutefois, si votre objectif est aussi d’obtenir la résiliation du bail, votre affaire comporte une demande indéterminée et une demande déterminée connexe de paiement d’une somme inférieure à 5 000 euros.

Ainsi, c’est le caractère indéterminé de la demande qui prime et l’obligation imposée par l’article 750-1 du Code de procédure civile n’est pas à respecter.

Néanmoins, il est fortement recommandé d’entamer des discussions et démarches amiables avec votre locataire qui peuvent aboutir à un arrangement satisfaisant pour le recouvrement des impayés et/ou la libération du logement sous un délai raisonnable.

Attention : il est important de notifier votre accord amiable par mail et/ou par courrier recommandé ou plus simplement de le rédiger et signer en double exemplaire afin d’en conserver une preuve.

En revanche, en cas de refus, de silence prolongé de votre locataire ou d’échec, il convient de poursuivre la voie judiciaire.
Il est inutile d’attendre davantage si la situation est bloquée.

  • Mandater un huissier de justice pour la délivrance d’un commandement de payer.

Dans la majorité des cas, votre bail d’habitation contient une clause résolutoire.

Sur ce fondement, il est recommandé de saisir un huissier de justice du ressort territorial du bien, pour plus de célérité, afin de le mandater pour la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire.

À ce stade, il ne s’agit pas encore d’expulser votre locataire, mais de le contraindre à régler l’intégralité de sa dette locative.

Vous pouvez mandater l’huissier de justice seul ou recourir, dès à présent, aux services d’un avocat rompu à ce type de problématique.

En effet, la phase du commandement de payer est primordiale dans la mesure où la procédure judiciaire, si elle a lieu, sera aussi fondée sur la validité de cet acte et de ses pièces.

En outre, depuis le 1er janvier 2015, le propriétaire-bailleur doit informer la Commission de coordination des actions et de la prévention des expulsions locatives (CCAPEX) lorsque les impayés dépassent un certain seuil fixé par arrêté du Préfet, et ce au moins deux mois avant l’assignation.(cf.article 27-II de la loi ALUR)

Enfin, votre avocat peut aussi procéder à une ultime mise en demeure officielle afin de parvenir à une solution amiable.

Dans certaines situations, ce procédé permet de débloquer la situation et au locataire de trouver une solution pour payer sa dette rapidement ou quitter les lieux.

L’avocat sécurise ainsi l’accord amiable via un protocole et sauvegarde vos intérêts.

Si la dette locative n’est pas intégralement réglée deux mois après la réception du commandement de payer pour une location nue, et un mois pour une location meublée, votre avocat saisit le Juge des contentieux de la protection compétent afin d’obtenir un jugement d’expulsion.

  • Saisir le Juge des contentieux de la protection (ex-Tribunal d’instance).

cf.décrets n°2019-222 du 29 mars 2019 et 2019-1333 du 11 décembre 2019

Votre avocat sollicite du Juge des contentieux de la protection le bénéfice de la clause résolutoire afin de voir prononcer :
- la résiliation du bail,
- le paiement de l’arriéré locatif actualisé au jour de l’audience de plaidoirie,
- le paiement de toute indemnité d’occupation due jusqu’au jour de la libération effective des lieux,
- ainsi que l’expulsion de votre locataire et tout occupant.

En effet, ni la trêve hivernale, ni la procédure d’expulsion ne dispensent le locataire de s’acquitter de sa dette locative et de poursuivre le paiement de ses loyers et charges pendant l’instance judiciaire.

La trêve hivernale n’a donc aucune incidence sur le déroulement de la procédure judiciaire d’expulsion devant le Juge en vue d’obtenir un jugement d’expulsion.

Saisir la justice permet ainsi de trouver une solution :

• Pour vous : Récupérer vos loyers et votre logement dans les meilleurs délais
• Pour le locataire : Trouver des solutions alternatives de relogement et, si besoin, de bénéficier d’aides d’autres organismes grâce à la procédure judiciaire déclenchée.

En outre, seul un jugement d’expulsion constitue un titre exécutoire, pour procéder à une expulsion forcée.

Ce titre exécutoire a la valeur juridique pour recourir à la force publique en vue d’expulser un locataire qui ne quitte pas les lieux spontanément.

Seule l’intervention des forces de l’ordre est différée du fait du respect de la trêve hivernale.

Il arrive d’ailleurs fréquemment qu’un locataire quitte le logement en cours de procédure judiciaire ou dès que le jugement d’expulsion est devenu définitif - sans avoir besoin de recourir à la force publique.

Attention : l’assistance d’un avocat rompu aux procédures d’expulsion n’est pas obligatoire mais la procédure s’avérant complexe, elle est fortement recommandée.

En effet, cette phase judiciaire peut devenir rapidement extrêmement longue si elle est mal maitrisée, impliquant davantage de pertes et préjudices.

4. Ce qui est toujours interdit (a fortiori pendant la trêve hivernale …).

Il est interdit d’expulser seul et par la force un locataire de votre logement, et ce toute l’année.

L’article L 226-4-2 du Code pénal prévoit que :
« Le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il habite sans avoir obtenu le concours de l’Etat dans les conditions prévues à l’article L153-1 du Code des procédures civiles d’exécution, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».

Afin d’expulser un locataire, bien que mauvais payeur, il est indispensable de respecter la procédure légale afin d’obtenir un titre exécutoire.

En conclusion : En cas d’impayés de loyers, le premier réflexe est d’agir rapidement.

Conservez aussi à l’esprit que seul un jugement d’expulsion permet de faire valoir vos droits et sauvegarder votre patrimoine immobilier.

Aussi, même si l’expulsion forcée du locataire ne peut avoir lieu pendant la trêve hivernale, la procédure d’expulsion devant le Juge ainsi que ses préalables peuvent être entamées à tout moment auprès de votre locataire.

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