L’enjeu pour les propriétaires concernés est considérable : l’amende civile encourue peut atteindre jusqu’à 100 000 € depuis la réforme issue de la loi n°2024-1039 du 19 novembre 2024. Dès lors, la mise en œuvre d’une stratégie de défense adaptée devient essentielle. Le présent article se propose d’exposer les principales étapes de la procédure, tout en identifiant les leviers juridiques susceptibles d’atténuer la sanction prononcée.
Comment se déroule la procédure ?
En amont de toute procédure contentieuse, les communes informent les loueurs du fait que leurs activités pourraient présenter un caractère litigieux par l’intermédiaire d’un contrôleur assermenté. Ainsi, préalablement à toute assignation, vous recevrez un courrier recommandé précisant qu’un contrôle sera effectué dans votre bien et sollicitant la transmission de certains documents. Ces contrôles conduisent dans la majorité des cas à la délivrance d’une assignation devant le tribunal compétent.
Dans ce type de contentieux portant sur la violation des articles L631-7 et L631-7-1 A du Code de la construction et de l’habitation, la procédure se veut rapide. Les assignations soumettent en principe le litige à la procédure accélérée au fond. Il s’agit d’une procédure permettant d’obtenir une décision de justice dans des délais raccourcis, qu’il ne faut néanmoins pas confondre avec le référé. En effet, la procédure accélérée au fond permet de trancher le litige au fond, c’est-à-dire que la décision aura autorité de chose jugée [1].
Ayant pris connaissance de votre dossier, et des éléments qui exposés ci-dessous, votre avocat va construire une défense adaptée avant la première audience. Pour divers motifs il est possible que l’audience initialement fixée soit renvoyée à une date ultérieure. Il est d’usage d’accepter que l’affaire soit renvoyée une ou deux fois maximum, compte tenu du fait que le premier est automatiquement accordé. En tout état de cause, cette procédure est généralement brève et excède rarement une durée de huit mois.
Il est impératif que les locations aient cessé à ce stade de la procédure, si cela n’a pas déjà été fait. La pratique recommande de faire preuve de prudence concernant la persistance des locations pendant une procédure, qui entraine systématiquement une décision défavorable pour le loueur.
À la suite du jugement rendu par le tribunal saisi de votre affaire, vous disposerez de 15 jours pour faire appel, c’est-à-dire contester cette décision, toujours selon les conseils avisés de votre défenseur. En effet ce dernier, fort de la pratique de son cabinet, pourra vous conseiller au mieux.
Dans le cas où l’appel n’est pas pertinent, il conviendra de régler l’amende à laquelle vous avez été condamné, soit à l’avocat de la partie adverse, soit au trésor public directement.
Ainsi cette procédure accélérée au fond, bien que rapide et simplifiée, implique que chacune des parties soient assistées par un avocat. Certains d’entre-eux sont spécialisés sur ce contentieux et sauront appliquer le système des antécédents à votre cas, en témoignent les milliers d’affaires jugées à Paris depuis 2021. Désormais ce sont les villes de Lyon, Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Montpellier ou Nice qui assignent les propriétaires, élargissant le champ du contentieux. Il est donc essentiel d’être bien informé et préparé sur l’ensemble des enjeux concernés.
Ce qui vous est reproché.
À titre liminaire, il convient d’identifier les raisons ayant conduit votre commune à agir en justice à votre encontre. En effet, le Code de la construction et de l’habitation prévoit un mécanisme de sanction visant à garantir le respect des règles d’usage des locaux d’habitation et à dissuader les transformations irrégulières qui pourraient avoir pour effet de diminuer l’offre de logements d’habitation, notamment dans les zones dites tendues. L’article L631-7 prévoit qu’un local ayant eu un usage d’habitation au 1ᵉʳ janvier 1970 doit nécessairement bénéficier d’une autorisation préalable à toute autre activité (notamment celle de location de courte durée à une clientèle de passage). A défaut d’autorisation, le loueur se rend coupable d’un changement d’usage illicite.
C’est précisément ce changement d’usage qui vous est reproché, et qui peut être sévèrement sanctionné au visa de l’article L651-2 du même code. Le texte prévoit que le non-respect des articles L631-7 et L631-7-1 A peut conduire le juge civil à prononcer une amende de 100 000 euros à l’encontre des loueurs ayant exercé leur activité sans autorisation de changement d’usage. Il convient de noter que cette amende de 100 000 euros ne s’applique que lorsque l’infraction s’est poursuivie après le 21 novembre 2024, date d’entrée en vigueur de la loi n°2024-1039 du 19 novembre 2024. Avant cette réforme, l’amende encourue était plafonnée à la somme de 50 000 euros.
Qu’il s’agisse de l’ancienne amende de 50 000 euros, ou de la nouvelle amende de 100 000 euros, leur montant constitue un plafond maximum. Il convient donc de mettre en lumière quelques points de défense, qui, sans faire disparaitre l’infraction, permettent d’obtenir des amendes plus basses et surtout proportionnées.
L’étude de la jurisprudence récente permet d’identifier plusieurs points auxquels les magistrats font référence afin de retenir pour chaque situation personnelle une amende adaptée ; il conviendra évidemment de les intégrer à votre défense.
Comment vous défendre ?
Votre bonne foi.
Dans de nombreuses décisions, les juges se montrent sensibles à la bonne foi du défendeur lorsqu’il a effectivement coopéré avec les services de sa ville et cessé l’infraction avant toute procédure contentieuse. Une décision parlante en ce sens a été rendue très récemment par le Tribunal judiciaire de Paris, en l’espèce les juges ont fixé l’amende civile à 10 000 euros constatant que les défendeurs avaient « collaboré avec la ville de Paris et immédiatement répondu, par l’intermédiaire de leur conseil, à la lettre de la ville en adressant des justificatifs et en faisant visiter le bien. En outre, ils ont cessé la location meublée touristique et supprimé l’annonce Airbnb après réception de la lettre de la ville de Paris ».
Préalablement à toute assignation, les communes informent par courrier le loueur qu’il pourrait se trouver dans une situation d’illégalité en raison de ses locations de courte durée. Dès cet instant, il est indispensable de coopérer afin de prouver sa bonne foi, d’une part pour potentiellement éviter l’assignation, et d’autre part, pour pouvoir s’en prévaloir en cas de procès. Cette coopération se traduit avant tout par une réponse au courrier reçu et par la fourniture des documents demandés par les services de la ville. La communication avec le contrôleur assermenté et la présence lors de l’opération de contrôle sont autant de facteurs prouvant votre bonne foi. Il convient ainsi d’être vigilant dès la phase précontentieuse, ce que le Tribunal de Paris a notamment relevé dans une décision du 25 juillet 2024.
Comme en témoigne la décision susvisée du 9 juillet 2025 la cessation pérenne de l’infraction est un critère déterminant pour les juges, en raison de l’objectif dissuasif de l’amende. Le juge, constatant que votre annonce de location a été définitivement supprimée, pourra considérer que le risque de récidive est très bas, voire inexistant, et ainsi limiter le montant de l’amende. L’idéal est de produire à titre de preuve un contrat de bail ou la démonstration de votre occupation des lieux suite à la suppression de votre annonce.
Enfin, s’il est acquis que vous devez être assisté par un avocat pour ce type de procédure depuis le 1ᵉʳ janvier 2020, il est préférable de solliciter un conseil juridique dès la réception du courrier des services de votre ville. En effet, ce dernier pourra non seulement répondre au courrier, échanger avec le contrôleur assermenté, mais aussi assister à la visite de votre appartement par le contrôleur. Grâce à l’accompagnement d’un professionnel, vous assurez un suivi optimal de votre dossier et évitez les erreurs. Les magistrats portent une attention particulière à la présence d’un professionnel du droit lors des opérations de contrôle, car celle-ci témoigne du sérieux et de la coopération du loueur.
Votre situation personnelle.
En défense, il convient de démontrer que les locations de courte durée n’ont pas participé à un enrichissement disproportionné du loueur. En ce sens, le faible enrichissement peut être démontré par une comparaison avec le gain qui aurait hypothétiquement été perçu par le biais d’une location de longue durée « légale ».
Pour ce faire, votre conseil effectuera une estimation du loyer mensuel de votre bien, prenant compte de ses caractéristiques et des loyers plafonnés imposés par certaines grandes villes (Paris, Bordeaux, Lyon, Lille, Montpellier, etc). L’objectif de cette démarche est d’apporter au juge la démonstration de l’absence d’intention d’obtenir un bénéfice excessif. En effet, le choix de la courte durée n’est pas systématiquement motivé par des intérêts purement économiques, il peut être justifié par la situation personnelle du loueur, qui sera laissée à l’appréciation souveraine du juge.
En ce sens, il est raisonnable d’exposer les difficultés financières qu’a potentiellement rencontrées le loueur assigné, soit lors de la période d’infraction, soit au moment même du procès. D’une part le, juge pourra se montrer plus mesuré dans la fixation de l’amende civile afin de ne pas alourdir davantage une situation économique déjà fragile. D’autre part, la preuve d’importantes difficultés financières semble contraire à un enrichissement important lié aux locations courte durée.
En fonction de la situation personnelle et financière de chaque loueur, il est entre autres possible d’informer le juge des charges de copropriété élevées, de la prise en charge d’une personne par le loueur, de travaux couteux dans le local, d’un licenciement ou de revenus modestes. Il est à ce titre indispensable que le client soit transparent vis-à-vis de son conseil et n’omette pas d’éléments personnels qui pourraient améliorer sa situation.
Bien souvent les propriétaires recourent à des plateformes de location de courte durée en raison de considérations pratiques et objectives tenant à leur situation personnelle et patrimoniale. En effet, il peut leur être nécessaire de conserver la possibilité de récupérer ponctuellement la jouissance du bien à titre personnel, notamment en cas d’instabilité professionnelle ou familiale, ou lorsque leur situation ne leur permet pas de s’engager dans un bail de longue durée. Par ailleurs, nombre d’entre eux ont pu être confrontés, dans le cadre de locations classiques, à des difficultés significatives telles que des impayés, des dégradations ou des contentieux prolongés, les conduisant légitimement à rechercher une modalité d’exploitation alternative. Dès lors, l’exposition de ces éléments et leurs justificatifs permet de démontrer au juge que l’infraction reprochée s’inscrit dans une démarche de gestion raisonnable et prudente du bien, excluant toute volonté de réaliser un profit disproportionné. Une telle orientation témoigne au contraire de la bonne foi du propriétaire, qui ne saurait être puni trop sévèrement.
En dernier lieu, nul ne sera étonné d’apprendre que plus l’infraction de changement d’usage s’est poursuivie dans le temps, plus l’amende prononcée par le juge risque d’être élevée. Pour réduire la durée de l’infraction, un bon conseil sommera le loueur de cesser promptement les locations de courtes durées dès la réception d’un courrier de mise en garde de sa commune. Ensuite, il sera attentif quant à la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil applicable à ce type de contentieux. En ce sens nul ne pourra être inquiété des locations de courtes durées effectuées plus de cinq avant que l’assignation ait été délivrée. Limiter la période de l’infraction permet par voie de conséquence de restreindre les gains considérés par le juge lors de la détermination du montant de l’amende proportionnelle.



