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Inexécution contractuelle - Responsabilité contractuelle

MessagePosté: Ven 02 Nov 2007 15:25
de nikosty
Apprenti juriste, j'ai saisi une juridiction de proximité dans une affaire qui m'oppose à un particulier (qui est le vendeur) à propos d'un contrat de vente conclu par correspondance.
J'ai été débouté et j'ai dû mal à saisir la solution retenue par le juge de proximité, aussi je vous demande de m'éclairer.
Je me suis appuyé sur l'article 1184 du Code civil car ce vendeur a inexécuté une obligation contractuelle de grande importance qui était d'assurer le colis contre toute dégradation ou spoliation survenant durant la livraison. Ce manquement grave m'a empêché d'être indemnisé par le transporteur des dégradations subies par l'objet durant sa livraison.
Je me suis donc "contenté" de prouver cette inexécution afin que l'annulation du contrat soit prononcé.
Mais le juge rend sa décision sur l'article 1147 du Code civil et déclare que, pour engager la responsabilité contractuelle du vendeur je dois prouver une faute, un dommage, et le lien de causalité.
Pourtant, ces deux articles correspondent à deux actions DIFFERENTES ; l'article 1147 sert à engager la responsabilité contractuelle lorsqu'une faute contractuelle a été commise, il ne remet pas en cause un contrat puisqu'il ne l'annule pas et surtout donne droit à des seuls dommages-intérêts. A l'inverse l'article 1184 commande, sous l'appréciation du juge, d'annuler un contrat et de remettre les parties dans l'état auquel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.

J'espère trouver dans vos réponses des éléments de compréhension...

MessagePosté: Ven 02 Nov 2007 17:16
de Mon ego et moi
La solution semble logique en apparence dans la mesure où de ce que je comprends, votre vendeur a mal exécuté son obligation, qui est de vous livrer un colis en bon état alors que le paquet vous est arrivé abîmé non ?

MessagePosté: Ven 02 Nov 2007 19:03
de nikosty
Oui, l'obligation était de soucrire une assurance couvrant le colis des risques encourus durant sa livraison; or cette assurance n'a pas été souscrite. Ainsi, selon l'article 1184 du Code civil, il est prévu la nullité du contrat, sous l'appréciation souveraine du juge, dès lors qu'est rapporté l'inexécution de l'obligation et surtout la preuve de son caractère fondamental (pour moi cette obligation a déterminé la conclusion du contrat car, à défaut, je n'aurais pas souscrit à ce contrat).
Tous les éléments de preuve sont donc réunis pour que soit prononcé la nullité du contrat et l'article 1184 ne demande pas de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.
Le juge se fonde sur l'article 1147 du Code civil, qui s'applique dans le cas de demande de dommages et intérêts, alors que moi je demande l'annulation du contrat, ce sont deux sanctions différentes avec leur régime propre.... enfin il me semble.

MessagePosté: Ven 02 Nov 2007 19:28
de Camille
Bonsoir,

nikosty a écrit :car ce vendeur a inexécuté une obligation contractuelle de grande importance qui était d'assurer le colis contre toute dégradation ou spoliation survenant durant la livraison. Ce manquement grave

nikosty a écrit :Oui, l'obligation était de soucrire une assurance couvrant le colis des risques encourus durant sa livraison


"obligation contractuelle" ? C'était donc bien spécifié comme ça en toutes lettres dans le contrat ou est-ce vous qui le considérez comme "allant de soi" ?
Parce que, sinon, c'est plutôt, il me semble, des contrats du genre "Les marchandises voyagent aux risques et périls du destinataire". Du fait, qu'en principe, c'est le transporteur qui est responsable des avaries pendant le transport.

nikosty a écrit :…m'a empêché d'être indemnisé par le transporteur des dégradations subies par l'objet durant sa livraison.

Seulement, normalement et de toute façon, assurance souscrite par le vendeur ou pas, c'est à la charge du destinataire d'émettre des réserves précises auprès du transporteur dès la réception du colis endommagé. Et c'est, en principe, le transporteur qui est responsable des avaries de transport.
C'est lui qui doit faire jouer son assurance sur la base de ces réserves, peu importe que l'expéditeur ait souscrit, de son côté, une assurance ou pas. Dans ce cas, si les réserves n'ont pas été faites, ou pas été faites dans les temps et dans les formes, le vendeur dégagera sa responsabilité.

Donc, pour moi, la solution de la juridiction de proximité paraît a priori cohérente.

La responsabilité du vendeur pourrait être engagée si l'objet était arrivé endommagé à l'intérieur du colis, mais extérieur du colis intact, prouvant un défaut de précaution à l'emballage. Sinon, c'est en principe le transporteur qui est responsable.

MessagePosté: Ven 02 Nov 2007 20:59
de nikosty
La souscription d'assurance était stipulé par écrit, expressément, dans nos échanges de communications.


A la réception, l'extérieur du colis était en parfait état, le carton n'était pas détérioré. Le transporteur était La
Poste, donc j'ai juste eu le temps de vérifier l'aspect extérieur, je n'ai pu prendre le temps de tout ouvrir et de vérifier le fonctionnement du produit.

Un transporteur comme la Poste prévoit un remboursement forfaitaire dérisoire d'une trentaine d'euros en cas de spoliation du colis, sa responsabilité est donc limitée. Pour obtenir une indemnisation à concurrence de la valeur REELLE de l'objet détérioré il faut souscrire une assurance optionnelle. Ce sont les conditions générales de livraison de La poste et leur clause limitative de responsabilité sont tout à fait légales (selon moi).
Je ne pouvais donc me retourner contre La poste, si ce n'est pour obtenir la somme de 30 euros, c'est pourquoi je me suis retourné contre le vendeur qui en omettant de souscrire à cette assurance, a commis une inexécution contractuelle grave!
L'article 1184 du Code civil prévoit donc l'annulation du contrat en démontrant cette inexécution.

Pourquoi, le juge, se base sur 1147 et me demande de prouver la responsabilité contractuelle du vendeur? Cet article a un régime différent pour moi

MessagePosté: Ven 02 Nov 2007 22:11
de Tenshintai
Quant à l'application de l'article 1184, la jurisprudence considère qu'il appartient au juge d'apprécier si le manquement de l'une des parties est suffisamment grave pour justifier la résolution ou si elle ne serait pas suffisamment réparée par l'octroi de dommages intérêts.

Dans votre cas, le juge a considéré que le non respect de l'obligation de contracter une assurance qui pesait sur le vendeur n'était pas assez grave pour anéantir le contrat.

Cette position s'explique par le fait que son obligation principal était de vous faire livrer le colis. L'obligation d'assurance n'était qu'une obligation accessoire au contrat de de vente.

Il en a donc déduis que vous ne pouviez qu'invoquer une mauvaise exécution du contrat et réclamer des dommages intérêts (article 1147).

Il serait toutefois intéressant de voir comment les faits ont été présentés, les arguments soutenues par les parties et la rédaction du jugement car le juge semblait manifestement disposé des éléments démontrant la faute, le préjudice et le lien de causalité (peut être un doute sur le lien de causalité s'il n'est pas possible de démontrer que l'objet a été détérioré du fait du transport).

MessagePosté: Ven 02 Nov 2007 23:00
de nikosty
En effet, d'après les faits, le juge a pu relever la faute, le dommage mais non le lien de causalité . A ce titre, il précise "qu'aucun élément versé à la procédure ne permet de déterminer la réalité du choc qu'aurait subi l'objet pendant les opérations de livraison".
Il me demande de prouver le lien de causalité entre la faute du vendeur et le dommage.

Si la détérioration de l'objet ne résulte pas de la livraison, on en déduit logiquement que l'objet a été détérioré précédemment à sa livraison. Ainsi on m'a vendu un produit défectueux alors que le vendeur me garantissait un produit en excellent état de fonctionnement. Apparement c'est une situation que le juge n'a pas dû envisager, mais en rendant une telle décision c'est reconnaître que l'objet présentait déjà des dommages et était non conforme aux stipulations contractuelles ..... ce qui ouvre droit à l'action en garantie de conformité dans les contrats de vente.

En tout cas, la preuve de ce lien de causalité aurait pu être ramené (devis de professionnel qui indique que le choc résulte d'une livraison...) mais je n'en ai pas fait état dans ma demande car je me suis basé sur l'article 1184.

Seul recours devant une décision rendue par une juridiction de proximité, pourvoi en cassation il me semble. La présence d'un avocat est obligatoire alors, non? De toute façon le jeu n'en vaut pas la chandelle... dommage quand même

MessagePosté: Sam 03 Nov 2007 1:26
de Tenshintai
J'ajouterai que, malheureusement, le fait qu'aucun élément n'établisse que l'objet a été détérioré pendant livraison implique non pas une mais deux hypothèses possibles :
- objet déjà détérioré à l'envoi
-objet détrioré après livraison

C'est à cause de la deuxième hypothèse qu'il vous est difficile d'obtenir gain de cause.

MessagePosté: Sam 03 Nov 2007 10:40
de Camille
Bonjour,
Oui, je crois que c'est plutôt ça...

nikosty a écrit :Si la détérioration de l'objet ne résulte pas de la livraison, on en déduit logiquement que l'objet a été détérioré précédemment à sa livraison.

Mais "on" peut aussi en déduire...
Tenshintai a écrit :deux hypothèses possibles :
- objet déjà détérioré à l'envoi
-objet détrioré après livraison

On ouvre le colis, intact, et on fait tomber l'objet ou on le casse pour un autre motif en le déballant...
Si, si, justement, contrairement à ce que vous dîtes, le juge envisage toutes les possibilités...


Le problème est bien, dans ce genre d'histoire et surtout avec la poste, de déballer le colis sous les yeux du livreur et de lui faire constater l'état de l'objet.
Chose déjà difficile à obtenir d'un livreur "classique", mais impossible avec un postier, qu'il livre à domicile ou qu'on aille chercher le colis à la poste.

nikosty a écrit :devis de professionnel qui indique que le choc résulte d'une livraison...

Entre nous soit dit, je ne vois pas trop comment un professionnel, aussi bon soit-il, peut bien déterminer si un objet a cassé avant l'expédition, pendant ou après.

nikosty a écrit :présentait déjà des dommages et était non conforme aux stipulations contractuelles

Justement non. C'est ou "dommages" ou "non conformité", mais la non conformité suppose l'objet intact et ne recouvre pas les dommages.

Lorsqu'on reçoit un colis de valeur par la poste, idéalement, il faudrait au moins avoir le réflexe de ne déballer le colis qu'en présence de deux témoins dignes de foi, "cérémonie contraignante" à laquelle on pense évidemment rarement (sauf quand on a déjà eu le problème).

MessagePosté: Sam 03 Nov 2007 13:17
de nikosty
En fait, selon le juge, il fallait apporter la preuve que l'objet n'était pas détérioré avant sa livraison mais également après sa livraison afin qu'il constate que la détérioration ne peut être que la conséquence de la livraison.

Pour la preuve que l'objet n'était pas détérioré avant la livraison : il y a ce devis professionnel qui indique qu'il s'agit d'un choc vraisemblable à un transport... Ce n'est pas une preuve suffisante mais j'ai également conservé un mail du vendeur qui m'avait indiqué "qu'une heure avant d'emballer l'objet dans le colis, il s'était assuré que l'appareil fonctionnait bien en l'allumant une dernière fois".


Pour la preuve que l'objet n'a pas été détérioré après la livraison (et donc par moi même): c'est un objet lourd et stable qui a été déballé à même le sol, difficile de le faire et tomber et j'ai averti le vendeur des dommages seulement quelques heures après la livraison.

Enfin un témoignage d'employé à la Poste m'affirme que, dans les centres de transport de la Poste, les colis sont déballés directement et mécaniquement d'un camion sur un tapis roulant un mètre plus bas, sans être déposé par des employés.

Il me semble que les indices sont suffisamment précis et concordants pour établir cette preuve.