LE FORUM DES MEMBRES DU VILLAGE

Si on parle d'erreur sur les qualités substantielles, il faut en revenir aux sources et conditions d'application de cette notion. Il s'agit d'une erreur d'une des parties à un contrat (de mariage en l'occurrence) sur un élément du contrat ne portant pas sur l'interprétation d'une règle de Droit mais sur un caractère que ladite partie juge et à exprimée essentielle à son consentement.

Si on enlève le fait qu'il s'agisse de considération musulmanes qui régissent le caractère essentiel de l'argument invoqué (semble-t-il) dans cette affaire, que peut-on dire ? Si Monsieur avait expressément dit et fait comprendre à Mademoiselle que le mariage n'avait de sens pour lui que sous la condition de sa virginité à elle et qu'elle lui a garanti ce point là, à tort (et selon toute vraisemblance en connaissance de cause jusqu'à preuve du contraire), alors il me semble qu'il y a effectivement eu erreur sur une qualité essentielle.

Qu'aurait-on dit si on avait eu le cas d'un repris de justice, condamné anciennement pour viol aggravé (en réunion ou sous la menace d'une arme par exemple) et que Madame avait cru épouser une blanche colombe ? A mon avis, si Madame avait invoqué ce fondement en disant qu'elle cherchait explicitement quelqu'un d'une moralité sans défaut et qu'elle avait découvert le passé de son époux après coup, personne n'aurait trouvé grand chose à redire.

A mon avis, le gros problème qui se pose dans cette histoire porte sur deux ou trois points, guère plus.

D'abord, il s'agit d'un type d'affaire dont l'aboutissement est rare donc "exotique".
Ensuite, il s'agit d'une affaire mêlant du croustillant (le sexe) et de l'intime (le mariage, la religion et encore plus une religion ayant plutôt mauvaise presse). A titre de remarque j'ai entendu ce matin, une personne venir assimiler une fois de plus sur un raccourci scandaleux la religion des deux époux (il faut quand même rappeler que les deux sont de la même religion hein) et le terrorisme international.
Enfin, il s'agit d'une affaire où la personne repoussée est une femme, au nom de principes qui, fatalement, ne peuvent que froisser les mouvements féministes qui ne peuvent pas envisager une logique différente de la leur sans la condamner définitivement. Je précise que je ne vise que les mouvements féministes fermés à l'ouverture sur d'autres modes de réflexion et des valeurs différentes.

J'imagine que ces mêmes médias n'ont pas fustigé l'inacceptable tromperie - visiblement volontaire - orchestrée par la future épouse.
Le mariage civil est un contrat.
La tromperie en l'occurrence est un dol.
Peu importe le sujet sur lequel le mensonge portait.

je suis bien content d'entendre (enfin plutôt de lire) enfin des commentaires censés et juridique sur ce sujet

que mes oreilles ne furent outrées ce matin en écoutant la radio et toutes les réactions de ces politiques à l'affut de la petite bête dont ils vont pouvoir se délecter tout le week end et ce pour le plus grand plaisir des médias qui pourront nourrir leurs journaux de cette décision "rétrograde et avilissante pour la femme"

car oui, le juge doit apprécier les qualités substantielles in concreto et non in abstracto

si pour ce cher monsieur, la virginité de sa femme était un élément substantiel l'ayant conduit à donner son consentement pour ce mariage alors soit

ce n'est pas le mien, ni sans doute le votre mais c'est le sien

s'il pensait que sa femme était végétarienne et que son amour reposait la dessus et que oh! horreur il découvrait post nuptium que sa tendre dulcinée était en fait une carnivore féroce, il pourrait sur le même fondement demander la nullité de son union

mais dans ce cas je doute que l'on aurait eu droit à tant de réactions stigmatisant la position rétrograde vis à vis des carnivores ou des végétariens...

Tant qu'à raisonner en droit des contrats, la condition de virginité prénuptiale ne peut-elle pas être regardée comme contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs ?

pour ma part, je pense que l'annulation d'un mariage sur ce fondement n'est pas choquant
si l'époux s'estime tromper
en revanche le combat doit plutôt porter sur le problème inverse c'est à dire sur les mariages forcés.
L'annulation est une libération en revanche le mariage forcé est une prison
et en tant que magrébine j'ai pu observé dans mon entourage ces pratiques

Tant qu'à raisonner en droit des contrats, la condition de virginité prénuptiale ne peut-elle pas être regardée comme contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs ?

Cette question est en fait beaucoup plus large parce que considérer que la condition de virginité prénuptiale serait contraire à l'ordre public, cela tendrait à dire que ceux qui prônent cette virginité agiraient contrairement à l'ordre public et donc seraient susceptibles de se voir contraints de se taire ou de disparaître. A titre indicatif, cela ferait de la France un Etat laïc "intégriste" puisque les religions du Livre (judaïsme, christianisme, islam) prônent toutes 3 ce principe. Il faudrait donc considérer que les religions sont contraires à l'ordre public ?

Quant à considérer que la virginité prénuptiale serait contraire aux bonnes moeurs, cela reviendrait à obliger les gens à coucher avant le mariage ? Et s'ils souhaitent mener une vie d'abstinence ? Cela serait l'équivalent d'une décision morale d'un prêtre catholique qui avait refusé de marier religieusement un couple qui lui avait confié ne pas vouloir d'enfants. Quelle place pour la liberté individuelle dans une telle hypothèse ???

J'avoue être assez surpris voire choqué par cette idée que vous émettez MEEM. On peut ne pas reprendre à titre personnel ce principe de virginité prénuptiale (comme c'est majoritairement le cas en France), mais peut-on en imposer la disparition à ceux qui souhaitent le respecter personnellement ?

Il me semblait que la laïcité à la française, c'était le respect des religions et de leur principes tant qu'elles ne contredisaient pas l'ordre public (et je ne vois pas en quoi vouloir ne pas coucher est contraire à l'ordre public...), aux bonnes moeurs et à la sécurité de l'Etat... Là, on tombe dans l'interdiction de toute une partie de la religion...

pour ma part, je pense que l'annulation d'un mariage sur ce fondement n'est pas choquant
si l'époux s'estime tromper
en revanche le combat doit plutôt porter sur le problème inverse c'est à dire sur les mariages forcés.
L'annulation est une libération en revanche le mariage forcé est une prison
et en tant que magrébine j'ai pu observé dans mon entourage ces pratiques

Mmmh, peut-on, doit-on dissocier les deux combats, qui procèdent de la même lutte pour améliorer le statut de la femme ? Mêem s'il semble moins grave d'annuler un mariage consenti que d'en accepter un forcé, la condition nécessaire de virginité me semble correspondre à un vieux fantasme bien bien bien machiste.

je suis bien content d'entendre (enfin plutôt de lire) enfin des commentaires censés et juridique sur ce sujet

que mes oreilles ne furent outrées ce matin en écoutant la radio et toutes les réactions de ces politiques à l'affut de la petite bête dont ils vont pouvoir se délecter tout le week end et ce pour le plus grand plaisir des médias qui pourront nourrir leurs journaux de cette décision "rétrograde et avilissante pour la femme"

car oui, le juge doit apprécier les qualités substantielles in concreto et non in abstracto

si pour ce cher monsieur, la virginité de sa femme était un élément substantiel l'ayant conduit à donner son consentement pour ce mariage alors soit

ce n'est pas le mien, ni sans doute le votre mais c'est le sien

s'il pensait que sa femme était végétarienne et que son amour reposait la dessus et que oh! horreur il découvrait post nuptium que sa tendre dulcinée était en fait une carnivore féroce, il pourrait sur le même fondement demander la nullité de son union

mais dans ce cas je doute que l'on aurait eu droit à tant de réactions stigmatisant la position rétrograde vis à vis des carnivores ou des végétariens...

Tant qu'à raisonner en droit des contrats, la condition de virginité prénuptiale ne peut-elle pas être regardée comme contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs ?

Qu'est-ce qui pourrait motiver un revirement de jurisprudence sur ce point là? Quels arguments avanceriez-vous?

Reste qu'avec cette décision, tout mariage pourra être annulé sur ce motif invoqué par l'époux qui n'aura qu'a déclarer que la virginité pré-nuptiale constituait une qualité substancielle de son consentement.
Et s'il appartient ou prétend appartenir à une religion il aura là sa preuve.

En ce qui concerne les jeunes musulmanes, puisque c'est elles les plus exposées aux conséquences de ce genre de décisions, elles seront surement contraintes à recourir à la chirurgie pour ne pas être rejettées, ou bien à se plier aux préceptes religieux sans discutter.

Je reste assez perplexe.

pour ma part, je pense que l'annulation d'un mariage sur ce fondement n'est pas choquant
si l'époux s'estime tromper
en revanche le combat doit plutôt porter sur le problème inverse c'est à dire sur les mariages forcés.
L'annulation est une libération en revanche le mariage forcé est une prison
et en tant que magrébine j'ai pu observé dans mon entourage ces pratiques

Mmmh, peut-on, doit-on dissocier les deux combats, qui procèdent de la même lutte pour améliorer le statut de la femme ? Mêem s'il semble moins grave d'annuler un mariage consenti que d'en accepter un forcé, la condition nécessaire de virginité me semble correspondre à un vieux fantasme bien bien bien machiste.

De deux choses l'une, MEEM. Soit vous ne connaissez que de très loin les milieux religieux traditionnels (y compris chrétiens) qui sont en vogue aussi chez les jeunes, soit vous devriez aussi vous intéresser à d'autres situations.

Dans le premier cas, je vous invite à aller rencontrer ces personnes qui ont placé leur foi au coeur de leur vie et les principes religieux au rang des valeurs fondatrices de leur vie. Je ne me place pas parmi ces personnes, mais j'en ai rencontré un certain nombre, dans deux religions différentes (catholicisme et islam). Cette expérience me fait dire que ces personnes sont loin d'accepter la question du mariage forcé. Pour information, dans l'islam puisque cette religion est plus souvent visée, la femme a le droit de ne pas accepter le mari qu'on lui présente. Les autres versions et façons de faire n'ont rien à voir avec la religion et ne sont que des pratiques coutumières. Je connais même des jeunes femmes qui ont imposé l'abstinence à l'homme appelé de leurs propres voeux (avant même la présentation aux parents) à devenir leur époux.

Dans le second cas, vous devriez aussi prôner la présomption de responsabilité du conjoint dans les cas de femmes battues quand la police est appelée par les voisins. Mais on pourrait aussi parler des hommes battus (je sais que je n'habite plus en France, mais j'ai eu un cas pas loin de chez moi il y a peu...). Les violences conjugales ne vous semblent pas plus importantes au regard de l'ordre public et des bonnes moeurs que la question de la virginité prénuptiale ???

Reste qu'avec cette décision, tout mariage pourra être annulé sur ce motif invoqué par l'époux qui n'aura qu'a déclarer que la virginité pré-nuptiale constituait une qualité substancielle de son consentement.
Et s'il appartient ou prétend appartenir à une religion il aura là sa preuve.

Merci, c'est une partie de la réflexion que je tentais d'amener.

Hervé, manifestement, nous ne parlons pas de la même chose. Ce que je considère personnellement contraire à l'OP/BM, c'est d'imposer la condition de virginité. Après, évidemment, libre à chacun de disposer de son corps comme il l'entend et si les deux époux "se réservent" l'un pour l'autre, grand bien leur fasse, c'est leur problème. Par contre, considérer cette condition comme suffisamment importante pour justifier la nullité d'un mariage prononcé en France, voire en faire une condition nécessaire à la formation du consentement me dérange beaucoup, en effet et me semble particulièrement rétrograde.

Tant qu'à raisonner en droit des contrats, la condition de virginité prénuptiale ne peut-elle pas être regardée comme contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs ?

Qu'est-ce qui pourrait motiver un revirement de jurisprudence sur ce point là? Quels arguments avanceriez-vous?

Puisque l'OP/BM est une notion qui tient à son temps, sa consécration tient à des questions d'opportunité et d'appréciation d'une époque autant qu'à des considérations purement juridiques. Je n'ai pas forcément beaucoup de temps à consacrer à l'épluchage de la jurisprudence afférente.