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Dénonciation calomnieuse dans une assignation civile

Posté:
Mer 14 Avr 2010 18:18
de Serger
Bonjour à tous,
Dans sa plaidoirie, l'avocat dispose de la liberté de parole et de l'immunité d'audience.
Mais la diffamation et/ou la dénonciation calomnieuse peuvent-elles être relevées dans des conclusions ou dans une assignation qui ne disposent pas nécessairement de la même immunité ?
Si oui, la diffamation est-elle publique dès le moment où les conclusions ou l'assignation sont portées à la connaissance des tiers, tels que huissiers, avocats, avoués, etc., ce qui peut être considéré comme une publication ?
Si les écritures bénéficient de le même immunité, par quel texte est-ce prévu ?
Merci d'avance pour votre participation à ce sujet. Cordialement à tous.
Re: Diffamation dans des écritures

Posté:
Jeu 15 Avr 2010 9:50
de juancarlos
Bonjour,
art. 41 Loi sur la liberté de la presse : "Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.
Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers."
Re: Diffamation dans des écritures

Posté:
Jeu 15 Avr 2010 14:49
de Serger
Bonjour,
Merci beaucoup pour cette réponse précise, Juancarlos.
Ce texte règle clairement le problème pour la diffamation. Mais je ne pense pas qu'il couvre la dénonciation calomnieuse, lorsque par exemple dans une instance civile une partie impute à l'autre dans son assignation la commission d'un délit, cette assignation étant ensuite portée à la connaissance d'un juge,soit un officier de Justice visé par l'article 226-10 du code pénal.
Ainsi en est-il me semble-t-il par exemple quand le demandeur écrit dans son assignation : "le sieur X n'a de cesse de persécuter et harceler Mme Y, devenue veuve, pour tenter de lui extorquer avec la plus
parfaite mauvaise foi des sommes lui revenant en exécution d'un arrêt de la Cour d'appel de ...", s'agissant à mon sens de faits de nature à entraîner des sanctions judiciaires, lorsque le demandeur sait que c'est l'on sait totalement ou partiellement inexact.
Je ne pense pas qu'il existe de dispense ou d'immunité en ce qui concerne la dénonciation calomnieuse, comme c'est le cas pour la diffamation. Me trompe-je ?
Re: Diffamation dans des écritures

Posté:
Jeu 15 Avr 2010 15:31
de juancarlos
Par rapport à l'art. 226-10 CP, il faut se souvenir de Cass. Crim. 25 avril 1979 : "le délit est constitué bien que l'auteur de la dénonciation ne l'ait ni personnellement rédigée, ni signée, dès lors qu'il est constaté que l'acte de poursuite a été établi conformément aux instructions données par lui à un mandataire légal, qui s'est borné à le mettre en forme et à le faire parvenir à son destinataire, ainsi qu'il avait mission de le faire"
Selon cette jurisprudence, c'est donc le client l'auteur de la dénonciation calomnieuse et non l'avocat.
Re: Dénonciation calomnieuse dans une assignation

Posté:
Jeu 15 Avr 2010 17:50
de Serger
Merci beaucoup pour cette précision intéressante Juancarlos.
Mais on n'est en l'espèce dans le cadre d'une assignation en matière civile devant le JEX, où l'avocat rédige l'assignation sous sa propre responsabilité, et non pas sous la dictée de son client.
Dans l'arrêt cité, l'avocat s'était constitué pour rédiger une plainte à la demande de son client, et le contexte était donc différent, quoique cet arrêt, s'il implique que le demandeur soit coupable du délit de dénonciation calomnieuse, n'exclut pas que l'avocat ait pu en être complice, cette question n'ayant pas été portée à l'appréciation de la Cour de Cassation.
J'imagine que dans le cas d'espèce, le demandeur dira qu'il n'a jamais demandé à son avocat de dénoncer une infraction, mais de contester une mesure d'exécution, et que c'est de sa seule et propre initiative qu'il a procédé de la sorte, pour le moins de manière téméraire, afin de donner force à ses prétentions, mais sans s'être assuré que les délits dont il s'est plaint étaient réels et qu'il pouvait en apporter la preuve.
Dans un cas comme celui-ci, dans le meilleurs des cas le demandeur peut être obtenir sa mise hors de cause, mais je crains que cela puisse être le cas pour l'avocat rédacteur de l'assignation, lequel ne peut de surcroît plaider la bonne foi et l'ignorance sans justifier avoir procéder aux investigations minimales que lui imposait la prudence.
Re: Dénonciation calomnieuse dans une assignation civile

Posté:
Jeu 15 Avr 2010 18:05
de juancarlos
à mon avis le problème de tout ceci, c'est qu'avec la jurisprudence de la CEDH concernant la liberté d'expression, une plainte pour dénonciation calomnieuse contre un avocat dans l'exercice dans ses fonctions sera déboutée ou ira même aux oubliettes.
De plus, si un avocat devait prouver avant coup ce qu'il affirme, ça serait la mort de la liberté d'expression et du droit à la défense. L'avocat défend. Il n'est pas là pour juger.
Je ne crois pas que ça soit soutenable une telle dénonciation contre un avocat.
Re: Dénonciation calomnieuse dans une assignation civile

Posté:
Ven 16 Avr 2010 9:54
de Serger
Bonjour,
Je ne sais pas si la personne déposera une plainte contre personnes dénommées ou contre X.
Que dit la jurisprudence de la CEDH à cet égard ?
C'est clair qu'il ne faut pas toucher à la liberté d'expression, mais la dénonciation calomnieuse entre-t-elle vraiment dans ce cadre et elle est-elle couverte comme peuvent alors l'être d'autres infractions par le droit à la défense ? En l'espèce dans une assignation, c'est d'ailleurs plus le droit à l'attaque qu'à la défense.
Tous les coups ne sont peut-être pas permis, surtout lorsqu'ils tombent sous le coup de la loi pénale. La liberté d'expression n'aurait-elle pas de limites et si elle est nettement plus large pour un avocat que tout autre justiciable, cela résulte-t-il d'une disposition particulière de la Loi ?
Re: Dénonciation calomnieuse dans une assignation civile

Posté:
Ven 16 Avr 2010 10:21
de juancarlos
Serger a écrit : si elle est nettement plus large pour un avocat que tout autre justiciable, cela résulte-t-il d'une disposition particulière de la Loi ?
Oui, on en revient à l'art. 41 de la Loi sur la liberté de la presse, art. 6 CEDH, art. 11 Declaration des Droits de L'Homme.
Pour ma part, je n'oublie pas que toute entrave à la liberté d'expression d'un avocat est le commencement de la fin de la démocratie. Une des premières mesures d'un régime autoritaire est toujours de restreindre la liberté d'expression et particulièrement celle d'un avocat.
Que penseriez-vous du fait qu'en Espagne (pays soit-disant démocratique), on met sur écoutes les conversations entre les avocats et leurs clients en prison (dans des affaires courantes et non de terrorisme)? Incroyable, non? Et pourtant ça existe. On y invoque le fait que l'ordre public prime sur la liberté d'expression et le droit à la défense!
Votre client peut toujours porter plainte et il en a tout à fait le droit maintenant, à mon humble avis, ça risque de ne pas prospérer en espèrant que cela ne se retourne par contre lui par le biais de l'art. 434-8 CP.
Re: Dénonciation calomnieuse dans une assignation civile

Posté:
Ven 16 Avr 2010 11:17
de Serger
Je suis bien d’accord avec vous, et il ne saurait être question de restreindre la liberté d’expression, mais elle a ses limites fixées justement par l’article 11 de la déclaration des droits de l’Homme : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.
La dénonciation calomnieuse n’est-elle pas, justement, un abus de cette liberté et un cas déterminé par la Loi ?
De même, si la diffamation est visée par l’article 41 de la loi de 1891, ce n’est pas le cas de la dénonciation calomnieuse qui reste semble-t-il punissable dans toutes les circonstances.
Même le dénigrement n’est pas visé par cet article et ne semble donc pas dès lors autorisé ni dans une plaidoirie, ni dans des écrits produits devant les tribunaux, à l’inverse de la diffamation, des injures et des outrages.
Quant à l’article 434-8 du CP, il n’est à mon sens applicable que si la victime de la DC tente d’obtenir de l’avocat adverse une contrepartie à une abstention de plainte, non pas si elle dépose effectivement plainte. De plus, la « menace » (disons plutôt « l’information préalable ») d’exercice d’un droit comme celui de porter plainte n’est semble-t-il pas considérée comme une menace ou une manœuvre d’intimidation au sens pénal.
Re: Dénonciation calomnieuse dans une assignation civile

Posté:
Ven 16 Avr 2010 11:19
de juancarlos
Vous nous tiendrez au courant des suites de la plainte..place au Juge
