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Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Mar 29 Juin 2010 20:52
de tedylou
Bonjour à tous,

C'est un principe que les lois ne puissent avoir d'effet rétroactif, mais que peut-on faire lorsque ce principe est vertement violé ?

Une action réelle dont le droit avait pris naissance par exemple le 1er janvier 2006 pouvait être exercée jusqu'au 1er janvier 2036.

Depuis le 19 juin 2008, elle ne peut plus l'être que jusqu'au 1er janvier 2013.

Il est évident que la loi du 17 juin 2008 a eu une effet rétroactif sur ce droit, en amputant son délai de prescription de 23 ans !

Mais que fait donc la police ??? :wink:

Re: Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Mer 30 Juin 2010 9:18
de kalliste20
sauf erreur de ma part, si les faits sont antérieurs à la date de promulgation de la loi, elle n'est pas rétroactive..toutefois elle peut mentionner que celle ci l'est dans un des ses articles finaux...

en cas de doute, et vous êtes en procès, je vous conseille de poser la question prioritaire de constitutionnalité.

en effet, la non rétroactivité des lois est un principe constitutionnel avec une dérogation quand des lois semblent être pénalement plus douces ainsi qu'en matière fiscale :wink:

Re: Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Lun 05 Juil 2010 11:59
de EPR
A ma connaissance, la non rétroactivité n'est pas un principe constitutionnel (sauf en matière pénale pour les lois plus sévères), mais simplement de valeur législative car elle est exprimée par l'art. 2 du code civil.
Par conséquent une loi (mais en aucun cas un règlement) peut y déroger, à condition de le faire expressément. Il faut aussi que la rétroactivité soit justifiée par l'intérêt général, ne porte pas une atteinte excessive à la sécurité juridique etc. etc.

En tout cas, raccourcir un délai de prescription n'est pas considéré un cas de rétroactivité, mais simplement d'application immédiate.

Re: Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Lun 05 Juil 2010 13:36
de kalliste20
A EPR....certes l'article 2 du code civil inscrit la non rétroactivité dans la loi or la reconnaissance par le conseil constitutionnel du principe de non rétroactivité en matière pénale comme principe à valeur constitutionnelle étend de facto cette qualification dans les autres branches du droit.

ainsi ,en deux lignes à peine, c'est ce qui ressort de la décision du conseil constitutionnel au sujet de la loi de finances 2010 ....passée inaperçue je le reconnais mais que la cour des comptes a rappelé dans sa formation de jugement d'appel d'une décision de CRC

Re: Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Ven 23 Juil 2010 10:06
de jfm82
tedylou a écrit :Bonjour à tous,

C'est un principe que les lois ne puissent avoir d'effet rétroactif, mais que peut-on faire lorsque ce principe est vertement violé ?

Une action réelle dont le droit avait pris naissance par exemple le 1er janvier 2006 pouvait être exercée jusqu'au 1er janvier 2036.

Depuis le 19 juin 2008, elle ne peut plus l'être que jusqu'au 1er janvier 2013.

Il est évident que la loi du 17 juin 2008 a eu une effet rétroactif sur ce droit, en amputant son délai de prescription de 23 ans !

Mais que fait donc la police ??? :wink:


Bonjour,

C'est un tantinet plus compliqué que ça.

L'article 26 de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, dispose que :

I. ― Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
II. ― Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
III. ― Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation.

L'exemple proposé n'est pas bon car les actions réelles immobilière se prescrivent toujours par trente ans, donc le délai est inchangé.

S'il s'était agi d'un délai plus court, le nouveau délai de prescription aurait commencé de courir à compter de la dater d'entrée en vigueur de la loi soit le 19 juin 2008, sans pouvoir excéder l'ancien délai.

Re: Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Ven 23 Juil 2010 11:27
de tedylou
Bonjour,

Merci de ces précisions, jfm82, mais dans mon exemple, je ne visais pas une action réelle immobilière, et donc, hors ce cas que je en visais pas, la loi de 2008 a bien eu pour effet de réduire le délai de prescription pour des droits nés antérieurement à sa promulgation.

De plus, le nouvel article 2232 du code civil dispose que "Le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. "

Cela a aussi un effet rétroactif sur des droits nés antérieurement.

Et pour ces droits nés antérieurement au 19 juin 2008, ce délai de 20 ans commence-t-il aussi à courir à compter du 19 juin 2008 ou de la naissance du droit ?

Et résulte-t-il bien de cet article que dès lors qu'une procédure en cours non achevée 20 ans après la naissance du droit, ce droit se prescrit d'autorité, et que l'action en justice en-cours devient alors sans effet, auquel cas il suffit au débiteur du droit de faire trainer les procédures jusqu'à atteindre ce délai de 20 ans qui ne peut jamais être interrompu par quoi que ce soit ?

Re: Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Ven 23 Juil 2010 12:14
de jfm82
L'article 2232 du code civil vise à limiter les effets du point de départ "glissant" de la prescription.

En revanche vous posez une question intéressante sur les modalités de son application dans le temps.

Rien dans les travaux parlementaires ne permet d'y apporter une réponse.

J'ai tendance à penser qu'il faut lui appliquer l'article 26 de la loi du 17 juin 2008.

Ainsi si le glissement du point de départ induit un raccourcissement de la prescription initiale, le délai de 20 ans court du 19 juin 2008, sans pouvoir excéder le délai initial; s'il allonge la prescription, et que la prescription n'était pas atteinte, on décompte le délai écoulé à compter de la naissance du droit pour aller jusqu'à 20 ans.

En ce qui concerne les procédures en cours au moment de la réforme, elles restent soumises au droit antérieur.

Si une procédure est engagée depuis 2008, le délai de prescription est suspendu jusqu'à la fin de la procédure.

Ce texte vise seulement à dire que le point de départ de la prescription est la date à laquelle l'intéressé a eu connaissance des faits lui permettant de faire valoir ses droits sans que le délai total de prescription ne puisse excéder 20 ans à compter de la date à laquelle le droit a pris naissance.

Re: Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Ven 23 Juil 2010 21:52
de tedylou
jfm82 a écrit :Si une procédure est engagée depuis 2008, le délai de prescription est suspendu jusqu'à la fin de la procédure.

Il est suspendu jusqu’à la fin de la procédure qu’à la condition que les 20 ans depuis la naissance du droit ne soient pas atteints, car dans ce cas la prescription est irrémédiablement acquise.

jfm82 a écrit :Ce texte vise seulement à dire que le point de départ de la prescription est la date à laquelle l'intéressé a eu connaissance des faits lui permettant de faire valoir ses droits sans que le délai total de prescription ne puisse excéder 20 ans à compter de la date à laquelle le droit a pris naissance.

Personnellement, je pense que ce texte va au-delà, car même si des actions sont engagées et que la prescription est suspendue ou interrompue, elle ne peut en tout état de cause dépasser une durée de 20 ans, qu’une action soit en cours ou non au moment où les 20 ans sont atteints. C’est en quelque sorte une prescription absolue. Il me semble donc que c'est bien plus que de déterminer le point de départ du délai de prescription.

Re: Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Sam 24 Juil 2010 17:03
de cricri
Bonjour,


il ne me semble pas non plus que cette loi puisse avoir un effet rétroactif puisqu'elle a une portée immédiate. Par contre elle spolie les bénéficiaires en remettant en cause des droits acquis au temps de la précédente prescription de droit commun de 30 ans.

Le texte est effectivement peu clair sur la notion de la prescription absolue extinctive de 20 ans et il semble que le justiciable ait intérêt à obtenir un titre avant la 20ième année, ce qui ne dépend pourtant pas de lui.

A ce propos, est-ce que la décision de justice ne serait pas elle aussi après soumise à la prescription extinctive de 20 ans et plus généralement à la nouvelle loi sur la prescription ?

Re: Non rétroactivité des lois

MessagePosté: Lun 26 Juil 2010 15:29
de jfm82
tedylou a écrit :
jfm82 a écrit :Si une procédure est engagée depuis 2008, le délai de prescription est suspendu jusqu'à la fin de la procédure.

Il est suspendu jusqu’à la fin de la procédure qu’à la condition que les 20 ans depuis la naissance du droit ne soient pas atteints, car dans ce cas la prescription est irrémédiablement acquise.

jfm82 a écrit :Ce texte vise seulement à dire que le point de départ de la prescription est la date à laquelle l'intéressé a eu connaissance des faits lui permettant de faire valoir ses droits sans que le délai total de prescription ne puisse excéder 20 ans à compter de la date à laquelle le droit a pris naissance.

Personnellement, je pense que ce texte va au-delà, car même si des actions sont engagées et que la prescription est suspendue ou interrompue, elle ne peut en tout état de cause dépasser une durée de 20 ans, qu’une action soit en cours ou non au moment où les 20 ans sont atteints. C’est en quelque sorte une prescription absolue. Il me semble donc que c'est bien plus que de déterminer le point de départ du délai de prescription.


Vous avez raison. Et c'est d'ailleurs extrêmement dangereux pour le praticien.