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Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Mar 16 Fév 2016 19:59
de ju-risk
Bonjour, je me permets de solliciter votre avis sur une question simple mais qui s'avère relativement complexe.

Un bail habitation verbal a été conclu il y a près de 20 ans concernant un local qui ne répond pas aux conditions de décence d'un logement à usage d'habitation (absence de coin cuisine, d'un point d'eau à l'intérieur du logement) telles que fixées par l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et le décret du 30 janvier 2002 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent.

Le propriétaire souhaite aujourd'hui vendre le local comme accessoire d'un appartement situé dans le même immeuble à usage d'habitation.

Ma question est la suivante: le locataire bénéficie-t-il d'un droit de préemption tout en sachant:
-que le bail est verbal,
-que le logement est indécent.

J'ai constaté qu'il était possible de demander au juge la régularisation d'un bail verbal. Mais est-il possible de demander une telle régularisation dès lors que le logement est indécent au sens de la loi du 6 juillet 1989?

Outre la réduction du loyer, j'ai également constaté qu'il était possible de demander au juge à ce que le propriétaire remette les locaux en conformité de façon à rendre le logement décent.

Est-il alors possible de demander au juge une régularisation du bail ainsi qu'une remise en conformité du local (tout en sachant qu'il y a eu un changement d'affectation décidé par le bailler de débarras en local d'habitation sans vote ou autorisation de la copropriété)?

Dès lors que la remise en conformité est impossible, le juge peut prononcer la nullité du contrat de bail mais cela s'avère, à mon sens, protéger d'avantage le bailleur (qui n'a plus à remettre le logement en conformité, ni à reloger le locataire) que le locataire qui souhaiterait acquérir le logement et qui finalement va se retrouver à la rue.

Je vous remercie pour votre aide.

Re: Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Mer 24 Fév 2016 11:04
de lebonbail
Bonjour,

La situation est en effet délicate, en raison de votre pouvoir de négociation limité: vous souhaitez obtenir le bail pour la personne concernée, et obtenir la remise en état du logement pour respecter les critères de décence.

Le fait est que le loi impose au bailleur de louer un logement décent. Mais vous semblez dire que l'état d'indécence ne concerne qu'une partie du logement, en quelque sorte connexe à l'appartement. Il s'agit donc de faire en sorte à ce que le logement puisse être considéré comme respectant les normes de décence (vu que la partie principale de l'habitation est en bon état), et de prévoir une clause spéciale du contrat de bail pour des réparations ultérieures.

Je pense que cet article pourrait vous aider à clarifier certains aspects du problème.

Cordialement,

Re: Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Sam 05 Mar 2016 21:52
de ProfSup
Bonjour.

Votre affaire ne semble en fait présenter aucune réelle difficulté :

- La loi de 89 étant d'ordre public, le défaut de forme du bail ne saurait porter préjudice aux droits du locataire.
- Celui-ci pourra donc prospérer dans l'exercice de son droit de préemption.
- L'action à fin de mise en conformité du logement aux normes de décence parait un peu obsolète, le locataire devenant acquéreur. Mais une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi reste peut-être à tenter.
- Je suis fort surpris de votre crainte relative à une éventuelle nullité du bail pour absence de décence. A ma connaissance, aucun texte ni jurisprudence ne va dans ce sens. D'ailleurs, cela serait contraire à tous les principes du Droit et rendrait le locataire, comme vous le remarquez justement vous-même, doublement victime, ce qui est inconcevable.
- Concernant le changement d'usage non-inscrit à l'ordre du jour d'une assemblée générale, la question ne devrait plus être de mise, en ce sens que nous serions ici en présence d'une action personnelle, prescrite par 10 ans : or, si j'ai bien compris, ledit changement est intervenu il y a 20 ans ...

En espérant vous avoir été utile.

Re: Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Sam 12 Mar 2016 18:46
de Camille
Bonjour,
Pas tout bien suivi.
Le propriétaire a exprimé son souhait de vendre son bien ?
Donc, maintenant, l'(ex-)locataire se positionne en tant qu'acheteur de ce bien ?
Dans ce cas, il ne peut demander la mise en conformité du bien comme s'il restait locataire.
Et puis... "bail verbal", donc comment prouver que c'était bien un bail d'habitation ?
D'ailleurs, le proprio vend ce bien sous la désignation de "local" et comme "accessoire d'un appartement", donc ne reconnaîtra pas le caractère "d'habitation" dudit local, puisque local il y a.
:roll:

Re: Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Jeu 17 Mar 2016 12:20
de ju-risk
Je vous remercie énormément pour vos réponses.

Pour être tout à fait complet. Le locataire en cause occupe un local à titre de logement de fonction. Pour agrandir ce local et y vivre avec sa famille, un locataire de l'immeuble lui loue depuis plus de 20 ans un débarras attenant qu'il a transformé en chambre et il a créé une porte entre les deux locaux. Aujourd'hui, les héritiers du locataire veulent l'obliger à acheter le local à un prix qu'ils ont unilatéralement fixé et qui nous semble surévalué et en plus veulent lui imposer de payer une commission à un agent immobilier.

Mon interrogation est: peut-on obtenir la régularisation de ce bail verbal malgré le fait que cela est décrit dans les actes de la copropriété comme un débarras. Mon client peut-il bénéficier d'un droit de préemption lui permettant d'éviter de payer une commission à un agent immobilier?

A terme, une fois à la retraite, la personne compte garder et vivre dans ce "débarras" car il y reste très attaché...

Re: Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Ven 18 Mar 2016 12:41
de Camille
Bonjour,
ju-risk a écrit : Aujourd'hui, les héritiers du locataire veulent l'obliger à acheter le local à un prix qu'ils ont unilatéralement fixé et qui nous semble surévalué et en plus veulent lui imposer de payer une commission à un agent immobilier.

Normal, ce sont les vendeurs.

ju-risk a écrit :
Mon interrogation est: peut-on obtenir la régularisation de ce bail verbal malgré le fait que cela est décrit dans les actes de la copropriété comme un débarras. Mon client peut-il bénéficier d'un droit de préemption lui permettant d'éviter de payer une commission à un agent immobilier?

Bien compliqué, tout ça. Et risque à cause de la dénomination de débarras et risque à cause du bail verbal.
Pourquoi ne pas faire une contre-proposition par écrit en laissant sous-entendre que s'ils ne l'acceptent pas, qu'ils aillent se faire f... et attendre. A qui d'autre que votre client peuvent-ils vendre ce débarras ?
Pendant ce temps, votre client l'occupe.
Et bon courage aux héritiers s'ils veulent tenter l'expulsion !

ju-risk a écrit :
A terme, une fois à la retraite, la personne compte garder et vivre dans ce "débarras" car il y reste très attaché...

Oui mais dites, vous avez écrit "logement de fonction". A la retraite, fini le logement de fonction et donc le débarras avec...

Re: Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Ven 18 Mar 2016 18:52
de ju-risk
-Concernant le prix: ce n'est pas qu'il est unilatéralement fixé qui pose problème mais qu'il est surévalué et que le débarras s'il est vendu, sera vendu en lot avec un appartement, donc difficile de l'évaluer lors de cette vente. Car si le propriétaire décide de vendre le bien à un tiers à un prix inférieur que celui qu'il a proposé initialement au locataire, cela ouvre droit à un nouveau droit de préemption au profit du locataire au prix abaissé...

-Concernant le dénomination de débarras, le point sur la prescription évoqué plus haut est très juste... Difficile de remettre en cause l'affectation du logement aujourd'hui...

-Concernant le logement de fonction attenant à l'ancien débarras, mon client comptait fermer la porte communicante qu'il a créée entre l'ancien débarras et le logement de fonction pour ne garder que l'ancien débarras transformé en studio et donc libérer le logement de fonction...

Re: Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Sam 19 Mar 2016 11:48
de ProfSup
Bonjour.

Je suis content de voir que ma remarque relative à la prescription vous soit apparue très juste. J'espère que c'est le cas également pour mes autres observations ! :D

Concernant votre nouveau message et pour faire simple :
- Ladite prescription fait que ce débarras doit être aujourd'hui considéré comme un logement. Prenons l'exemple similaire d'une partie commune ayant fait l'objet d'une appropriation privée : à l'issue du délai de prescription, le syndicat des copropriétaires devra bon gré mal gré modifier son règlement de copropriété et son état descriptif de division. Il en va de même ici : ce n'est plus un débarras, mais un logement.
- En conséquence, comme je l'ai déjà évoqué, la loi de 89 doit s'appliquer, étant d'ordre public : le bail verbal, bien qu'irrégulier en sa forme aujourd'hui, y est bien évidemment soumis.
- Concernant votre question relative à la possibilité d'échapper aux honoraires d'un agent immobilier grâce à l'exercice d'un droit de préemption, il s'agit d'un faux problème. En effet, aux termes de la loi Hoguet , le droit à rémunération du professionnel n'est ouvert qu'après avoir satisfait à de nombreuses conditions. La première d'entre-elles est d'avoir présenté le candidat acquéreur au vendeur. Or, le candidat étant ici le locataire, il est forcément déjà connu du vendeur, puisque bailleur ! La condition de présentation ne saurait donc évidemment être remplie, ce qui écarte toute possibilité de réclamer des honoraires. La jurisprudence est constante sur ce point.

J'espère avoir alimenté un peu plus votre réflexion.

Re: Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Mar 22 Mar 2016 19:04
de ju-risk
Décidément, je vous remercie énormément pour la richesse et la qualité de vos interventions. Je ne regrette pas d'avoir posté un message ici, c'est un enrichissement même au delà de mon simple dossier, je vous en remercie...

Dans mon cas, il apparaît que le propriétaire a signé un mandat exclusif avec un agent qui prévoit le versement d'une commission même si le bien est vendu à un acheteur qui n'aurait pas été présenté par l'agent immobilier... Bien entendu, le propriétaire tient à ce que cette commission soit mise à la charge de mon client qui bénéficie d'un droit de préemption...

Je cherche une JP la dessus...

Re: Bail d'habitation verbal et droit de préemption

MessagePosté: Mer 23 Mar 2016 15:02
de ProfSup
Bonjour.

Concernant le 1er point, le fait de prévoir - dans un mandat exclusif - la perception d'honoraires malgré l'absence de présentation du candidat acquéreur par le professionnel doit être analysé comme l'indemnisation de ce dernier en cas de manquement du vendeur qui se permettrait de vendre en direct. En cela, il s'agit d'une clause pénale, qui ne pose pas de problème particulier.

Quant à l'impossibilité de réclamer des honoraires - aussi bien à l'acquéreur qu'au vendeur - quand l'acquisition est faite par le locataire, la loi Hoguet constitue une référence à elle seule. Pour confirmation, dans la jurisprudence, on peut relever notamment l'arrêt de la Cour de cassation en date du 3 Juillet 2013 (Désolé, je n'ai pas le n° de pourvoi sous la main ...).