Re: Après la galère, mon premier CDI! Partagez vos expérienc
Posté:
Ven 27 Nov 2015 14:42
de laurabgn
Bonjour à tous,
Je partage un peu mon expérience aussi, j'aurais bien aimé tomber sur ce forum pendant mes recherches!
J'ai un parcours un peu atypique de celle qui a voulu tout claquer à la sortie de sa licence, et qui n'a pas pu. J'ai donc fait mon M1 "à la dégoûtée", m'interrogeant sans cesse ("qu'est-ce que je fous là ? est-ce que je veux vraiment faire ça toute ma vie ?"). Rien d'atypique jusque là je pense... beaucoup d'étudiants en Droit se reconnaîtront !
Au final, j'obtiens mon M1 par compensation en ayant traîné des pieds toute l'année et en ayant multiplié les heures de travail chez McDo et dans un collège.
Au cours de l'année, je ne me sentais pas d'enchaîner vers un M2, et je savais que mon dossier était vraiment naze pour obtenir un M2 dans le domaine du droit des affaires internationales, ce que je voulais (aucun stage si ce n'est 3 semaines dans un petit Tribunal d'instance...).
Du coup, je suis partie à la fin de mon M1, en 2012, aux USA pour faire un semestre d'études. Au final, j'ai pas beaucoup travaillé, eu de très bonnes notes, fait de très belles rencontres tant professionnelles que personnelles, et je suis rentrée avec tous ces bagages en France fin 2012, en me disant que ça ferait un beau bonus sur mon CV pour un M2 qui voudrait bien de moi (et l'espoir de pouvoir retourner aux USA un jour pour y travailler !).
Pessimiste à l'époque face à tous ces étudiants qui avaient brillé en M1, je me suis dit qu'il fallait que je trouve quelque chose d'autre que mes notes moyennes pour sortir du lot. Mes poches étaient vides à mon retour du self-made man State, du coup je ne voulais pas de stage.
Je me suis dit que j'allais postuler à des postes de Juristes ou Gestionnaire de sinistres, avec mon petit M1 en me disant que peut-être, mon séjour aux USA ferait la différence. Bien entendu, je balançais des CV partout en me disant "advienne que pourra !".
J'ai eu trois entretiens :
- un entretien chez un célèbre assureur dans son antenne marseillaise dans le 8ème ; je m'aperçois que cela semble lugubre et triste, que tous ont l'air fatigué et dépressif, et que mon analyse de deux dossiers d'assurance n'ont pas eu l'air de convaincre mes deux recruteurs... c'est un échec.
- je persévère, et j'obtiens un entretien pour un cabinet de courtage en assurances maritimes à Marseille. Au début, je me dis "mais ont-ils bien lu mon CV?", n'ayant de connaissance ni en assurances, ni du domaine maritime... Je me dis bon, j'y vais, au pire ça m'entraîne ! Je me traîne jusqu'au vieux port de Marseille, persuadée de pas avoir (ni vouloir) ce poste, bien que sans rien d'autre, je l'aurais pris (une erreur, mais j'y arrive). Je passe l'entretien face à deux personnes hautaines. La veille, j'avais tenté d'ingurgiter des dizaines de pages en droit des assurances en me disant "ils vont forcément me poser des questions là dessus". Seul et unique mensonge en entretien (erreur aussi !) où l'un des deux me demande : "avez-vous étudié du Droit des assurances ?" je réponds "oui, au cours de ma Licence", le type se tourne vers sa collègue "ils enseignent du Droit des assurances en Licence à l'Université d'Aix ?" l'autre lève les sourcils pour dire "je savais pas, ça doit être nouveau". Ils me font parler anglais, pas trop dur vu que je venais de rentrer des States. Ils enchaînent en me disant qu'ils vont me faire passer un test en informatique, "trop de gens nous mentent à ce sujet" disent-ils. Une première aussi... je sais utiliser Excel, mais je ne suis pas experte ! Ils me laissent seule dans la salle, le temps de préparer le matos, de longues minutes d'attente pendant lesquels je me disais "je suis naze, je connais rien, je suis foutue". Bon, vous imaginez la suite, oui j'étais foutue... mais quel soulagement qu'il n'en ait pas été autrement,
- deux jours plus tard, je suis contactée par un établissement public qui opère dans la R&D, pour un CDD de 2 mois reconductible sur une année (de quoi m'occuper jusqu'à la rentrée du mois de septembre). Je me rends à l'entretien, et le courant passe tellement mieux ! La chef de service est une véritable globe-trotteuse, me pose plein de questions sur mon expérience aux USA, nous rions, nous parlons de mes études. Il s'agissait d'un échange véritable, et non d'un interrogatoire comme les deux entretiens précédents. Elle m'annonce qu'elle veut me faire passer un petit test, un contrat très court à analyser en 20 minutes, puis qu'on échangera à ce sujet. Je lis le contrat, je repère ce qui me semble vraiment déséquilibré et contre les intérêts de cet établissement. A la fin de l'entretien, j'expose mes idées, je lui dis ce que je pense. Elle prend note, me remercie.
Et puis, l'attente... un soir, mon téléphone sonne, je reconnais le numéro. Je suis à deux doigts de me prendre le trottoir pour me garer sur le bas côté d'une nationale et décrocher. J'entends "j'ai décidé de vous choisir pour ce poste, si c'est toujours bon pour vous", je me retiens de hurler.
Mon premier poste est super, j'apprends énormément. Ma manager est toujours présente. Bien entendu, rien ne part sans qu'elle le relise. Je fais plein d'erreurs, mais ça la fait rire parce qu'elle me dit que j'apprends vite. Elle me laisse un peu plus d'autonomie au fil des semaines, jusqu'à ce que je ne la sollicite finalement que pour des points qui me paraissent "jamais vus", "originaux", "très dangereux"... je sais pas comment expliquer cela mais je sentais que j'avais besoin de son avis.
Au final, je comprends pourquoi je voulais me barrer en fin de licence : parce que mes études n'ont rein à voir avec mon travail. C'est triste de dire ça, mais c'est ce que je me dis car je détestais ça, et maintenant j'adore.
Du coup, je me dis qu'il me faut un M2 pour espérer faire carrière. Mais vu que je suis bien là où je suis, je me fous pas de pression, je ne postule qu'à 2 M2, à Aix (IAE et IDA), parce que je ne veux pas bouger de la région et je me dis que si ça marche pas cette année, ça marchera peut-être l'année suivante. Je suis prise aux deux, un bonheur, mais je suis restée sur ma première envie, celui de droit des affaires internationales.
Le M2 se passe, j'ai dû enchaîner après un CDD super autonome sur un stage avec zéro autonomie. Difficile à vivre, mais enrichissant tout de même car je découvrais des aspects propres à la société et à l'industrie aéronautique. Je participe à un concours d'arbitrage international où j'apprends à me décoincer à l'oral, je plaide mon dossier soigneusement étudié face à des arbitres professionnels en anglais, et notre coach nous apprend comment utiliser notre langage physique qui constitue 80% de notre communication, une véritable arme pour convaincre.
A l'issue du M2, pendant mon stage, je rappelle ma manager, en lui disant que si jamais un poste était libre, je serais OK pour y retourner.
Mais pendant mon stage, je passe quand-même des entretiens dans le privé, pour des CDI. Quelle n'a pas été surprise de constater que des groupes de grande envergure m'avaient contactée pour des postes dans la région Je ne voulais pas aller à Paris, j'aimais trop le sud pour ça, et pourquoi aller à Paris quand des boîtes de la région m'appelaient ?
Je passe des entretiens ; un premier au téléphone avec un RH d'un grand groupe, qui est tellement douce et gentille, qui m'expose tout sur sa boîte, en me disant qu'ils envisagent quelqu'un d'expérimenté, mais que mon CV a attiré son attention. Je passe tous les tests qu'elle me fait passer en ligne sur ma personnalité. Chose drôle, j'ai été très honnête, et le compte-rendu reflétait à merveille ma personnalité, moi qui étais sceptique à proposer de ces tests... ! Malheureusement, le Directeur Juridique ne voudra finalement pas me recevoir, restant sur sa position d'un profil plus expérimenté ; effectivement, ils venaient d'acheter une société, et le Juriste en question serait l'interlocuteur privilégié de tous les salariés de cette société ; j'aurais pu le faire, mais pas aussi bien que quelqu'un qui avait plus de bouteille que moi, forcément.
Quelques temps après, je suis appelée par un autre groupe, 10 000 salariés. Cette fois-ci, c'est la Directrice Juridique qui m'appelle en personne, pas d'entretien RH. Elle m'invite à un entretien, ça tombe à pic, pendant la fermeture d’août du site où j'étais en stage... j'y vais. Le siège est beau, vitré, lumineux, ça a l'air neuf. Elle me présente la société, le poste, ça a l'air vraiment passionnant, à mi-chemin entre gestion de projet et juriste, un job très axé opérationnel, très concret. J'aime le concret. Elle a fait toutes ses études et sa carrière à Paris, dont 15-20 ans à la tête du service juridique de cette boîte très connue dans le nucléaire (j'ai fouiné pour trouver son profil LinkedIn avant l'entretien), et pourtant, elle s'est présentée en jeans et en baskets. Elle a l'air adorable, pédagogue et cool. Le courant passe tellement bien que je prie pour qu'elle me rappelle.
Les semaines passent. Mon ancienne manager m'appelle : un poste se libère, le même que celui que j'ai quitté pour faire mon M2. Je n'ai pas de nouvelle, donc j'accepte. A la fin de mon stage, j'y retourne ; pas de nouveauté du coup, mais la satisfaction d'avoir un salaire et aucun battement entre la fin de mon stage et
mon CDD.
Le premier jour de mon CDD, la Directrice Juridique qui m'avait reçue en entretien m'appelle. Elle voudrait me revoir, et me présenter à son N+1. Ca m'embête, je viens de commencer en CDD, mais je me dis après tout, c'est pour un CDI dans le privé, je serais stupide de refuser ! J'y vais. Je la revois, on discute à nouveau, je vois son N+1, ça se passe très bien, je me sens sûre de moi que la première fois. Mon concours d'arbitrage m'a appris à utiliser mon langage corporel et je me rends compte que je l'utilise sans même m'en rendre compte. J'utilise des arguments concrets, je donne des exemples. Je me montre punchy, pour montrer que je sais me défendre face à des clients internes de mauvaise humeur ou hostiles face aux juristes, ce qui est quand-même bien présent.
Je ressors contente, et j'espère vraiment être prise.
Les semaines passent de nouveau. Je me pose des questions, est-ce que je passe le CRFPA ? J'ai du temps, je suis pas overbookée. J'imprime les cours de l'IEJ que je parviens à dégoter, je mets tout ça dans un beau classeur.
Un après-midi, je prends ma pause café-clope avec une collègue, on en a marre, il fait beau, on voudrait aller à la plage. Mon téléphone sonne. Je reconnais le numéro. Je la regarde avec des gros yeux, je sais pas quoi faire. Va me prendre, va pas me prendre ? Je décroche. Elle m'annonce qu'elle a décidé de me prendre pour le poste. Je n'en reviens pas. Je suis tellement heureuse. Je ne sais pas quoi dire, à tel point que je me souviens distinctement avoir dit "je suis très ravie", merde, je viens de lui faire croire que je savais pas parler français, pour une juriste c'est emmerdant.
Voilà comment j'ai décroché mon premier CDI !
J'ai galéré au début, c'était extrêmement difficile. J'ai eu des hauts et des bas, mais j'apprends vite et j'aime ce que je fais. Je cherche ailleurs, parce que certaines choses me dérangent, notamment la rareté de l'international qui m'avait été survendu pendant mes entretiens. A côté de ça, ma manager est simplement géniale. Elle m'apprend tellement, elle est tellement juste, elle me fait confiance, m'a filé des dossiers géniaux elle m'a augmentée quand je lui ai dit que j'avais été un peu "trompée" sur le salaire quand je l'ai négocié.
Bref, tout ça pour dire :
- pendant l'entretien, ce que vous dites n'a d'importance que dans la façon dont vous le présentez ; appuyez vos arguments par des exemples concrets, et soyez sûr(e) de ce que vous dites. S'il y a bien une chose que j'ai pu vérifier, c'est que plus on paraît sûr de soi, plus vos auditeurs sont convaincus ;
- adaptez votre discours à votre interlocuteur ; le RH n'y connaît rien en droit, donc ne le bassinez pas avec les cours que vous avez suivis (sauf ceux qui sont visés dans l'annonce), mais plutôt du point de vue personnel, comment vous gérez les choses (parce vous savez les gérer)
- ne vous dévalorisez jamais. Quelqu'un m'a dit un jour qu'elle avait demandé à la RH qu'elle avait au téléphone si cedtte dernière considérait que l'année d'apprentissage qu'elle a fait peut être considérée comme de l'expérience professionnelle : mauvaise démarche, il faut imposer cette année comme de l'expérience professionnelle en montrant à votre interlocuteur ce qu'elle vous a apportée, pas en demandant si oui ou non c'est de l'expérience parce que vous étiez en stage ou en apprentissage...
- ne laissez le recruteur prendre la main que sur ce qu'il a à vous dire sur sa société et sur le poste ;
- ne vous fiez pas aux fiches de postes : vos missions évoluent en fonction de vous, c'est vous qui allez créer votre fiche de poste au fur et à mesure du temps que vous l'occuperez. Si un poste ne vous paraît pas "folichon", laissez parler le recruteur et déterminez le périmètre de manœuvre qu'il vous serait possible de mener ;
- le feeling avant tout. Il n'y a rien de pire que de se forcer à obtenir un poste alors que pendant l'entretien, le courant ne passait pas avec votre futur N+1. On quitte un mauvais manager, pas une mauvaise boîte. Un bon manager fera toute la différence.
Je terminerais en disant que la première expérience est très importante ; prendre n'importe quel poste n'est pas une bonne solution, même si elle est tentante. Le premier manager qu'on a va nous former au métier, aux bonnes pratiques, à adopter les bons réflexes. D'où l'importance de trouver un manager compétent, patient et à l'écoute, même si la boîte à elle seule ne paie pas de mine. Vous serez en mesure de jauger votre potentiel futur manager lors de l'entretien, quitte à l'interroger sur la gestion des dossiers avec son équipe (réunions de service ? point hebdo/mensuel sur les dossiers ? etc.).
Si le manager à lui seul n'a pas beaucoup de temps, il peut être très important de tomber sur une équipe à l'écoute, composée d'un ou deux seniors auxquels vous pourrez poser des questions, ou demander de vous relire si vous avez des doutes sur ce que vous écrivez, ou ne serait-ce que pour avoir un avis extérieur pour voir comment lui ferait dans une telle situation.
A mon avis, c'est mieux de tomber dans une équipe, plutôt que de devenir le juriste unique d'une entreprise pour sa toute première expérience.
A ceux qui cherchent leur premier job et qui auraient eu le courage de me lire jusqu'au bout, ne désespérez pas face aux refus ; gardez en tête que si vous n'avez pas eu ces jobs, c'est parce que vous ne correspondiez pas au profil, ni à l'équipe, ni à l'entreprise, et du coup, que ce n'est pas une perte !
N'hésitez pas aussi, face à un refus après un entretien, à interroger le recruteur pour savoir pour quels motifs ce dernier n'a pas retenu votre candidature ; cela peut vous apporter beaucoup pour les prochains entretiens que vous passerez, et beaucoup sont tout à fait enclins à vous expliquer pourquoi ils ne vous ont pas retenu.
Enfin, ne négligez aucune méthode de recherche. Utilisez les sites internet, les cabinets de recrutement, Pôle Emploi (oui oui, j'ai trouvé mon premier job là-dessus), les candidatures spontanées (il y a des entreprises qui fonctionnent beaucoup comme ça), le réseau, le réseau et le réseau. Certains ont cité l'AFJE, c'est tout bonnement excellent, de nombreux responsables juridiques assistent aux réunions : vos contributions orales aux ateliers organisés peuvent attirer leur attention ; par ailleurs, ces ateliers sont excellents pour anticiper sur votre futur job et prendre note des bonnes pratiques de professionnels expérimentés.
Et je rejoins ce que d'autres disent sur ce forum et ce qui me rassure : avoir 3 M2, ça ne sert à rien. Un seul, ça suffit, et à défaut de CDD/CDI, continuez avec des stages et/ou du bénévolat qui vous apporteront la pratique que les études ne nous apportent pas...
Bonne chance et plein de courage !