Page 1 sur 2

Juriste en cabinet ou en entreprise?

MessagePosté: Mar 18 Avr 2006 16:54
de Louis
Imaginez qu'un juriste qui travaille en cabinet se pose la question de savoir s'il serait plus interessé de travailler en entreprise, et inversement, qu'un juriste d'entreprise se demande s'il ne serait pas mieux en cabinet.

Je voudrais savoir quels sont pour vous les arguments qui militent en faveur de l'un ou de l'autre camp.

merci BEAUCOUP :D

ps: Si votre réponse est " les juristes font partie d'une seule et même famille" ou encore "tout dépend de la personnalité du juriste", ça ne me fera pas avancer.

MessagePosté: Mar 18 Avr 2006 17:07
de Hervé
Ben, je répondrais en plusieurs temps:

- tout d'abord, tout dépend de l'entreprise et du cabinet (et encore plus précisément de l'avocat auquel le juriste de cabinet est rattaché).

- concernant le poste en cabinet, l'inconvénient majeur et que sans CAPA, il n'y a pas de possibilité d'évolution de carrière. Le juriste sans CAPA sera toujours barré voire dépassé dans les perspectives d'évolution du cabinet par un titulaire du CAPA, même ddébutant. De ce fait, le poste peut être intéressant si l'avocat avec qui le juriste travaille délègue largement le travail et si les matières abordées sont intéressantes pour le juriste en question ou si elles sont suffisamment variées.

- concernant le post en entreprise, l'inconvénient majeur est de ne traiter les dossiers que d'un client et il faut aussi être très attentif au rattachement hiérarchique des juristes dans cette entreprise. Si le rattachement est autre qu'à la Direction générale, le risque est clair de voir la finance ou les ressources humaines prendre le dessus. Ensuite, si l'entreprise est trop importante, il y aura vraisemblablement des blcoages pour monter dans la hiérarchie et une dilution des responsabilités... Mais l'avantage ça peut être clairement de pouvoir suivre un dossier dès son apparition au stade précontentieux (voire même dès l'apparition des relations avec l'opposant) ou encore à la négociation de contrats dont on n'entend parler dans un cabinet qu'en cas de lities soit à un certain niveau, jamais... Hors des grands groupes, il y a en entreprise aussi un avantage (ou inconvénient) qui est une autonomie très importante et une part de management de tiers à l'entreprise assez importante.

Est-ce que ce genre de réponse est correct ? :wink:

MessagePosté: Mer 19 Avr 2006 14:41
de Louis
Parfaitement, merci pour cette réponse.

En vérité, je ne connais que des personnes qui travaillent en cabinet, donc je n'ai qu'une vision partielle du problème.

Bien entendu, je conçois abstraitement les inconvénients/avantages de chaque système mais sans les discerner précisemment;

En fait, j'aimerais bien qu'une personne heureuse de travailler en entreprise dise pourquoi elle l'est.

MessagePosté: Mer 19 Avr 2006 14:52
de Hervé
Alors je vais présenter ma candidature. :)

Je suis en entreprise et ça me plait pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, je précise d'emblée que je n'ai jamais eu l'envie d'aller plaider un dossier dans un quelconque tribunal malgré mon goût pour le droit. D'où la meilleure solution de travailler en entreprise pour moi.

Les points qui me plaisent dans le fait de travailler en entreprise sont:

- les relations hiérarchiques: dans mon cas personnel, j'ai toujours été raccroché directement à la direction générale des entreprises où j'ai travaillé avec donc un accès direct aux centres de décisions en qualité de conseil ou en qualité de participant aux décisions;

- les matières traitées: mon vécu est dans des équipes tout à fait restreintes et avec des fonctions généralsites. Cela m'a amené à traiter de problèmes très divers: recouvrement, responsabilité, assurance, contrats (français et internationaux), société... Et dans ces matières là, mes interlocuteurs sont toujours des personnes pertinentes (à défaut d'être compétentes) mais aussi variées: juristes internes voire directeurs juridiques des clients/fournisseurs, avocats, huissiers...

- l'autonomie: du fait des équipes restreintes dans lesquelles j'ai évolué, j'ai toujours eu une grande autonomie dans ma façon de travailler, de m'organiser. Les comptes que j'avais à rendre ne l'étaient qu'à l'égard du suiv des dossiers, par des points réguliers mais réciproques, qui ne portaient pas que sur mon activité et l'évolution de mes dossiers.

- la pluridisciplinarité: le fait d'être en entreprise en qualité de conseil, cherchant à intervenir le plus en amont possible m'a permis/contraint à remonter le fil de l'activité de l'entreprise partout où je suis passé, à m'imprégner d'une culture particulière de l'entreprise dans des métiers parfois extrêmement divers et surtout distincts du droit avec des interlocuteurs étant de parfaits profanes dans mon domaine, mais le plus souvent ouverts.

Bref, concrètement, je pense que pour quelqu'un qui ne voudrait pas plaider, le passage en entreprise me semble un point pas incontournable mais au moins important parce que ça permet de comprendre plus clairement les modes de fonctionnement des entreprises dans des dimensions différentes. Une TPE ne fonctionne pas pareil qu'une PME ou qu'un grand groupe... L'air de rien, c'est tout sauf innocent dans la manière d'aborder un dossier ensuite.

MessagePosté: Mer 19 Avr 2006 21:10
de Spassfr
Sincèrement je ne suis pas sûr que beaucoup de cabinets emploient des juristes sans CAPA:vu le nombre d'avocats qui sortent chaque année des cfpa j'ai l'impression que les cabinets ont un vivier dans lequel piocher, dans toutes les spécialités.

De plus je ne vois pas l'intérêt au regard des perspectives d'évolution. :?

MessagePosté: Jeu 20 Avr 2006 13:44
de Christo
Bonjour,
Hervé, je voulais simplement te dire que ton analyse du travail en cabinet est tout à fait pertinente !
Quant à la description de ton poste actuel, elle me sera très utile... Je la trouve très convaincante !

MessagePosté: Jeu 20 Avr 2006 14:01
de Hervé
Ben, Louis demadnait des éléments venant de personnes travaillant en entreprise et contentes d'y être... Voilà quoi...

Mais tout le monde n'a pas le même vécu et certains iront surment à l'encontre de ce que j'ai dit, à 100% éventuellement. Ca n'engage que moi et mon vécu tout ça.. Bon, je suis passé sur certains épisodes pas très agréables, mais comme ils dépendaient beaucoup d'éléments que je qualifierais de personnels, j'ai pensé que ça n'entrait pas en ligne de compte parce que ça peut se retrouver un peu partout...

MessagePosté: Jeu 20 Avr 2006 17:19
de Louis
merci Hervé, c'est exactement les réponses que j'attendais.

j'avais juste 2 autres petites questions:

Le juriste d'entreprise ne ressent-il pas une certaine frustration de ne pas aller au fond des choses lorsque ses avocats le font à sa place?

N'a-t-il pas l'impression parfois de n'être qu'une simple interface entre la direction de son entreprise et les avocats?

MessagePosté: Jeu 20 Avr 2006 18:00
de Hervé
Je ne ressens pas cette frustration.

En fait, j'ai le sentiment d'aller à fond dans mes dossiers, mais sans faire de procédure. Je connais en général mieux les faits, les contrats, le contexte (juridique, factuel, relationnel) du dossier que l'avocat.

Nos interventions sont complémentaires. Un avocat ne pourra jamais ssavoir ces choses là mieux que moi ou mon remplaçant ou un juriste d'entreprise quel qu'il soit parce qu'il s'agit de données qui nécessitent une connaissance plus étendue dans le temps du dossier que l'avocat ne peut l'avoir. En outre, je maîtrise du non dit dans le dossier que l'avocat n'aura pas ou qu'il ne pourra pas forcément percevoir, parce que c'est du non dit (par exemple sur le fait que nous aurions pu nous mettre en porte à faux voire en infraction contractuelle sur un point particulier).

Je suis plus qu'une simple interface et quand je le suis, ce n'est pas un problème. Je ne souhaite pas faire le travail d'un avocat dans son volet judiciaire et je suis le conseil juridique interne de la société. Donc je n'ai aucunement ce type de frustration.

MessagePosté: Ven 21 Avr 2006 10:14
de Chocobo
A propos du fait d'être une "interface", ça n'est pas vraiment un problème: une entreprise n'a généralement recours à un conseil extérieur que dans, quoi...0,001% des dossiers? Donc la concurrence n'existe pas vraiment. Qui plus est, c'est au juriste de choisir d'avoir recours éventuellement à un avocat et les limites de ce qui est demandé à l'avocat (en tous cas c'est comme ça que ça se passe dans mon entreprise), donc autant dire qu'il est assez facile de garder le total contrôle du dossier... :wink:

Autres éléments à prendre en considération:
-De meilleures possibilités d'évolutions à moyen et long terme, surtout cela va sans dire pour quelqu'un qui n'aurait pas le CAPA
-Une ouverture sur des corps de métiers et des disciplines assez éloignés du droit, du fait de la présence de gens aux cursus et spécialités très divers (alors qu'un cabinet est souvent une sorte de microcosme où ne cohabitent que des juristes, ce qui peut vite devenir pesant)
-Enfin (et cela n'engage que moi, mais enfin ça a été en tous cas confirmé par toutes mes expériences en entreprise et en cabinets), une ambiance généralement bien meilleure et plus détendue en entreprise

Inconvénient:
-Là encore ça n'engage que moi, mais je trouve que le juriste d'entreprise, du fait justement de cette ouverture sur plein de métiers différents, est parfois contraint de s'écarter un peu trop des problématiques juridiques...c'est le revers de la médaille. Quand on est amoureux du droit et du raisonnement en deux parties deux sous parties, cela peut être un peu frustrant :lol: . Surtout qu'il faut faire un effort de pédagogie important pour faire valoir ses arguments face à des interlocuteurs non-juristes pour qui toute cette avalanche de précautions juridiques semble souvent obscure, si ce n'est même totalement inutile :?