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Crise des banlieues et Libertés publiques

MessagePosté: Mar 08 Nov 2005 15:40
de WIPLIER
Bonjour à tous,

Comme il l'est annoncé dans tous les journaux (presse écrite, radio et télévisuelle), le Gouvernement vient de mettre en oeuvre l'état d'urgence. Sans discuter de l'opportunité d'une telle décision, il faut noter qu'elle est d'une portée CONSIDERABLE dans la perspective du Grand Oral.
::|
B-l

En effet, la loi du 3 avril 1955 instituant l'état d'urgence, modifié par l'ordonnance du 15 avril 1960, constitue le premier régime législatif de limitation des libertés publiques en temps de crise. Ce régime a donné lieu à une décision fondamentale du Conseil constitutionnel en date du 25 janvier 1985 (Etat d'urgence en Nouvelle Calédonie).

Dans le cadre des révisions pour le Grand Oral, cette actualité brûlante peut être le moyen pour le jury de donner un sujet portant exclusivement sur cette question ou d'interroger le candidat dans le cadre des petites questions.

C'est pourquoi, je pense qu'il nous faut nous ateler à la révision de l'ensemble des régimes de limitation des libertés publiques en temps de crise :

- articles 16 (circonstances exceptionnelles) et 36 (état de siège) de la Constitution

- loi de 1955 (état d'urgence), lois de circonstances avec notamment la loi de 1938, l'ordonnance de 1959, les lois Sarkozy relatives au terrorisme, le Plan Vigipirate

- régimes jurisprudentiels (théorie jurisprudentielle de l'urgence : arrêt du 11 octobre 1991, Min. de l'Int. c/ Abdelmoumen Diouri et arrêt TC 1902 Sté Immo. de St-Just ; théorie des circonstances exceptionnelles : arrêt Heyriès, arrêt Dames Dol et Laurent)

- régimes internationaux et conventionnels :
- Conventions (4) de Genève de 1949 (avec 2 protocoles de 1977) relatifs aux sorts des personnes (et donc des libertés) en temps de guerre
- CESDH (art. 15), Pacte international de 1966 (art. 4), Conv. américaine relative aux droits de l'Homme (art. 27) qui prévoient tous une clause dérogatoire similaire en cas de guerre, de danger public exceptionnel menaçant l'existence de la Nation. Il faut noter que ces trois conventions prévoient toutes un "noyau dur" de Libertés auxquelles tout Etat ne peut porter atteinte (essentiellement droit à la vie, intégrité de la personne...).


Enfin, en élargissant un peu le sujet de ce message, il faut noter une évolution fondamentale récente en matière de peine de mort. En effet, la CESDH (Protocole n°6 de 1983) permettait un dérogation à l'abolition de la peine de mort en cas de guerre ou de danger imminent de guerre.

Cependant, le Protocole n° 13 signé à Vilnius le 3 mai 2002 entend abolir définitivement la peine de mort, ceci même en cas de guerre.

Voilà pour ce long message... En espérant qu'il fournira un éclairage utile à certains. N'hésitez pas à si vous souhaitez de plus amples infos...

Bon courage à tous dans les révisions! :winkL:

merci!

MessagePosté: Mar 08 Nov 2005 23:25
de anti
Merci
Cela peut aussi servir dans la persepective du "concours" de sortie de l'ENM!
Surtout quand on n'est pas du tout publiciste et plongée dans le privé jusqu'au cou!
merci, donc, pour ces pistes...

alex on lune

MessagePosté: Mer 09 Nov 2005 0:21
de alex on lune
Merci "Wiplier"

La veille je m'étais justement interrogé sur quel régime exceptionnel le gouvernement pouvait prendre des mesures, et l'état d'urgence me semblait être le régime exclusif adapté à la situation.
Fort heureusement, la peine de mort n'entre pas dans le champ de tels régimes exceptionnels.
La question de la durée et des pouvoirs est cruciale.

Evolution...

MessagePosté: Lun 14 Nov 2005 15:33
de WIPLIER
Le Conseil des Ministres exceptionnel d'aujourd'hui a débouché sur l'adoption d'un projet de loi autorisant la prolongation de l'état d'urgence pour 3 mois.

Il faut noter que, contrairement au schéma de France 2 de ce midi, le Conseil des Ministres exceptionnel n'est pas une obligation découlant de la loi de 1955, mais simplement une conséquence logique tenant à la durée maximale de 12 jours (le Gouvernement ne pouvait attendre mercredi) et surtout il traduit une volonté politique de célérité et d'efficacité (que chacun appréciera...).

Sur le fond en effet, seule un loi peut prolonger l'état d'urgence (et non pas seulement une discussion à l'Assemblée Nationale...).

Voilà! Attendons ce que dira le Président de la République ce soir, cela pourra éventuellement permettre de nourrir notre Grand O!

Bon courage dans ces révisions.

MessagePosté: Mar 15 Nov 2005 0:50
de alex on lune
Pour être sûr de bien comprendre, ce n'est pas la loi de 1955 elle-même qu'on modifie, simplement, une autorisation parlementaire est nécessaire en vertu de ce texte ?
A quand des juristes dans les rédactions journalistiques ?!

état d'urgence / référé suspension rejeté

MessagePosté: Mar 15 Nov 2005 1:51
de michel
Bonjour,
Oui, Wiplier, je crois que votre interprétation est exacte.
J'apprends en outre, par une brève dans le Monde de ce soir, daté mardi 15 novembre, que le référé-suspension formé devant le Conseil d'Etat contre le décret instituant l'état d'urgence a été rejeté samedi 12 novembre, après que M. Genevoix, vice-président du Conseil d'Etat, ait demandé au Gouvernement des précisions sur les modalités de mise en oeuvre des expulsions des étrangers qui auraient gravement mis en danger la sécurité de l'Etat.
Cordialement.

MessagePosté: Mar 15 Nov 2005 11:47
de WIPLIER
Pour répondre à Alex on lune,

L'autorisation législative porte uniquement sur la durée de l'état d'urgence. En effet, afin d'assurer l'efficacité de cette mesure exceptionnelle, l'exécutif peut seul y recourir mais pour une durée qui ne peut excéder 12 jours.

Si le Gouvernement souhaite prolonger l'état d'urgence au-delà de cette période de 12 jours (cette solution vaut de la même manière pour l'état de siège prévu par l'article 36 de la Constitution de 1958), il ne peut le faire seul. Il faut en effet une loi votée par le Parlement (Ass. Nat. + Sénat) autorisant cette prolongation de l'état d'urgence.

Toujours dans la perspective du Grand O, il va falloir se tenir informé d'une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel qui sera chargé d'apprécier cette loi de prolongation au regard de la Constitution.

En effet, merci Michel :wink: car je ne l'avais pas vu, si le Conseil d'Etat est compétent pour contrôler la régularité du décret relatif à l'instauration de l'état d'urgence, le Conseil constitutionnel est compétent pour vérifier la constitutionnalité de la loi.

Quant au niveau du contrôle opéré par le Conseil constitutionnel, je pense qu'ici, plus encore que pour les autres lois, le Conseil constitutionnel se limitera à un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation afin de ne pas entrer dans le contrôle de l'opportunité de la mesure.



PS : parce que cela peut tomber, j'ai fait quelques recherches sur le CC.

Président actuel : Pierre Mazeaud.

Aucun ancien Président de la République n'y a jamais siégé (même si VGE a eu quelques velléités sur la question après avoir perdu son dernier mandat électif). Il ne faut pas souhaiter une telle entrée car cela ferait perdre au CC sa dimension apolitique. G. Lebreton propose d'ailleurs une réforme sur cette question.

Certaines lois ne font jamais l'objet d'un contrôle par le CC : les lois référendaires.

D'autres lois font toujours l'objet d'un contrôle par le CC : les lois organiques et les réglements d'assemblée.