L’image de notre profession n’est pas très bonne et ce n’est certainement pas la publicité collective, réservée à nos ordres, qui permettra de renverser la vapeur puisque celle-ci est pratiquement inexistante, à supposer qu’elle puisse être efficace. Il est vrai que nous sommes incapables de communiquer avec les gens. C’est le client qui vient vers l’avocat et non l’inverse. Nous pensons, à tort, qu’il ne faut pas nous abaisser à faire de la publicité pour faire connaître nos cabinets, nos compétences, nos services car nous sommes titulaires d’une profession libérale et non commerçants. Personnellement, je ne suis pas sûr que le client qui reçoit l’état de frais et honoraires de son conseil partage ce point de vue mais il est vrai que le justiciable est un profane qui ne comprend rien à la subitilité de ces choses …
Les avocats restent majoritairement opposés à la publicité, même les plus jeunes qui, par paresse ou ignorance, ont tendance à suivre les traditions rétogrades de la profession, sans se poser de questions. Personne ne s’offusque lorsque tel confrère montre avec insistance son sourire carnassier à la télévision, donne généreusement une interview interminable à un journaliste complaisant ou participe à des conférences qui ont moins pour but de communiquer une information utile à l’auditoire que de révéler au monde ébahi l’immense compétence de l’orateur. Rien à dire non plus si Me X participe activement à de multiples réunions de clubs huppés où il ne manque évidemment pas l’occasion de signaler avec un air faussement gêné qu’il est avocat … avant de distribuer ses cartes de visite.
Mais pas question, par contre, de recourir ouvertement à la publicité : ce ne serait pas digne de notre profession. Mettons fin à cette hypocrisie ! Les motivations des opposants à la publicité de l’Avocat sont impures : soit elles procèdent d’un étrange souci de dignité qui prend prétexte du désir d’indépendance (l’Avocat qui fait de la publicité dépendrait du client qui y répond) ou de l’appartenance à une classe sociale supérieure (l’Avocat n’est pas digne de s’abaisser à faire de la « réclame » pour attirer le client comme un marchand de parapluies), soit elle résulte simplement d’une grande paresse (l’interdiction de la publicité évite d’avoir à en faire). De telles attitudes sont blâmables, la paresse comme l’orgueil sont des pêchés capitaux
Nous ne pouvons plus nous contenter du « bouche à oreilles » qui ne profite qu’à ceux qui sont déjà connus pour des raisons qui ne sont pas toujours méritées. Nous devons nous remettre en question, nous positionner sur le marché du droit, réfléchir à notre image, faire preuve d’honnêteté quant à l’étendue exacte de notre (in)compétence. Faire de la publicité, se faire connaître, informer le public, ce n’est pas faire preuve de vulgarité, ni voler le client ou le dossier du confrère, mais répondre à l’attente des justiciables sans lesquels nous n’existerions même pas ! Cela nous oblige à identifier les besoins de droit qui ne sont pas satisfaits. La publicité, c’est partir à l’écoute de ses propres clients. C’est faire preuve d’humilité et se mettre au service des gens en leur proposant de nouveaux services susceptibles de répondre à leurs attentes.
Le justiciable a le droit de disposer de l’information qui lui permettra de choisir un avocat capable de lui fournir les services juridiques dont il a besoin. Or, sans publicité, il est impossible de trouver autrement que par le fruit du hasard le « bon » avocat alors qu’il y a une multitude de confrères brillants qui pourraient apporter une aide utile, mais qui ne sont pas suffisamment connus. Et ce n’est pas l’annuaire téléphonique (ou le copain du fils du voisin) qui le guidera vers l’avocat qui convient le mieux pour mener à bien son affaire !
Si nous voulons progresser, nous devons nous convaincre que l’avocat qui fait de la publicité n’est pas un délinquant indigne d’exercer notre profession, à moins de considérer que les avocats canadiens, américains, hollandais, danois … sont des « sous-confrères » qui n’ont pas compris à quel point nous sommes supérieurement nobles et intelligents, bien plus que ces vulgaires commerçants que nous aimerions néanmoins compter parmi nos clients. Cela ne signifie pas qu’il faut faire n’importe quoi car il est vrai que nous ne sommes pas de la poudre à lessiver. Il me paraît clair que les moyens utilisés pour rendre nos services accessibles au public ne peuvent déroger aux principes de probité, dignité et délicatesse qui restent les piliers de la profession. Nous ne pouvons faire naître de faux espoirs ou provoquer des attentes irréalistes car il en résulterait une méfiance accrue à l’égard des avocats. Les moyens utilisés ne peuvent affecter la qualité de nos services ou être de mauvais goût car ils porteraient atteinte à la réputation de toute la profession. En attendant, il n’y a aucune honte à vouloir développer son cabinet, même pour assurer son confort et celui de sa famille. Nous travaillons aussi pour gagner notre vie, comme les marchands de tapis qui méritent un profond respect.
