Village de la Justice www.village-justice.com

Les transferts d’entreprise en Angleterre. Par Alain-Christian Monkam, Avocat.
Parution : vendredi 3 juillet 2015
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Les-Transferts-entreprise,20021.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Compte tenu d’une économie particulièrement dynamique, il n’est pas rare de travailler en Angleterre dans une entreprise qui est subitement rachetée par une autre entreprise. Le lecteur ne sera pas surpris de constater que le droit anglais des transfert d’entreprise offre davantage de souplesse aux employeurs et aux salariés qu’en droit du travail français. L’objectif est le nouvel ensemble issu de l’acquisition puisse évoluer rapidement vers de nouvelles conditions de travail ainsi qu’une adaptation des effectifs.

1- Définition :

Transposant les directives européennes de 1977 et de 2001, la loi britannique, Transfer of Undertakings (Protection of Employment) Regulations 2006 ’TUPE’, définit le transfert d’entreprise de façon presque aussi barbare qu’en droit français.
Il y a TUPE (Transfer of Undertakings) dans l’une des deux situations suivantes :
- ou bien il est transféré une entité économique qui conserve son identité,
- ou bien il y a un changement de contractant dans une opération de prestation de service (’service provision change’).

Une entité économique est elle-même constituée par "an organised grouping of resources which has the objective of pursuing an economic activity, whether or not that activity is central or ancillary". Concrètement, la loi anglaise vise la plupart des opérations de business transfer ou d’externalisation de service.

2- Droits des salariés :

En cas de TUPE, les salariés britanniques transférés disposent de plusieurs droits :
- le salarié peut refuser d’être transféré ("object to the transfer") ; dans ce cas, il sera considéré comme démissionnaire et il ne pourra pas invoquer le licenciement abusif sauf s’il démontre un changement dans ses conditions de travail lui causant du tort ;
- à défaut de refuser le transfert, le salarié a automatiquement droit à la reprise de son contrat de travail par le cessionnaire (c’est à dire l’entreprise acheteuse) ainsi qu’au bénéfice des avantages individuels et collectifs y relatifs ; très exactement, tous les devoirs, droits et responsabilités de l’ancien patron à l’égard des salariés transférés passent au nouveau patron cessionnaire (ancienneté, préavis, clauses contractuelles, salaires, primes, accords et conventions collectives, usages, responsabilités contentieuses etc.) ;

3- Droits des représentants du personnel :

Au terme de la loi anglaise et des chartes de bonne conduite (ACAS Handling TUPE Transfers), le cédant (l’entreprise vendeuse) doit consulter les représentants du personnel aussi tôt que possible. Le cédant doit leur communiquer plusieurs informations, notamment : les raisons et la date du transfert, les conséquences économiques et sociales pour les salariés transférés ainsi que les mesures y relatives prises ou devant être prises. A défaut de consultation régulière, les salariés concernés ou impactés par le transfert ont individuellement droit à des dommages intérêts plafonnés à 13 semaines de salaires.

On relèvera que depuis le 31 janvier 2014, dans les entreprises de moins de 10 salariés, cette consultation peut avoir lieu directement avec les salariés quand il n’existe pas de syndicat reconnu dans l’entreprise.

Réciproquement, le cessionnaire doit consulter les représentants du personnel sur le transfert ainsi qu’indiquer les mesures prévues pour adapter et intégrer les effectifs à venir.

4- Droits du cessionnaire :

Depuis le 31 janvier 2014, la loi anglaise a étendu les prérogatives du cessionnaire.

Par principe, les modifications apportées aux contrats de travail transférés sont nulles si elles sont justifiées par le seul transfert. Toutefois, ces modifications peuvent être licitement apportées par le nouveau patron :

- ou si elles ne sont pas liées au transfert ;
- ou si elles sont justifiées par ’une raison économique, technique ou organisationnelle’ rendant nécessaire un changement dans les effectifs ;
- ou si la nécessité de modifier le lieu de travail du salarié justifie le changement ;
- ou s’il existe une clause dans le contrat de travail (par ex. mobilité) permettant de modifier les conditions de travail même si la raison principale de la modification est le transfert ;
- ou si la modification porte sur un élément du contrat de travail qui résulte de l’application d’une convention collective et que cette modification n’est pas opérée avant l’écoulement d’un délai d’un an et que globalement, le nouveau statut du salarié n’est pas moins favorable qu’avant.

De même, le licenciement d’un salarié transféré est automatiquement sans cause réelle et sérieuse, sauf si le cessionnaire justifie d’une ’raison économique, technique ou organisationnelle rendant nécessaire un changement dans les effectifs’ ;

Enfin, le cessionnaire anglais qui projette des licenciements économiques peut démarrer la consultation des représentants du personnel avant même le transfert et alors que ces représentants du personnel sont encore chez le cédant.

Cette nouvelle possibilité légale permet d’accélérer les délais d’un licenciement collectif projeté post-transfert. Cela illustre la philosophie ’ultra- libérale’ du droit du travail anglais des transferts d’entreprise.

Alain-Christian Monkam Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris https://monkam.uk/
Comentaires: