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Le rôle de l’avocat depuis la réforme de la procédure du droit d’asile politique. Par Benjamin Brame, Avocat.
Parution : mercredi 14 octobre 2015
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La loi relative à la réforme de la procédure du droit d’asile a été promulguée le 29 juillet 2015, après avoir été adoptée définitivement par l’Assemblée Nationale le 15 juillet 2015.

Le rôle de l’avocat dans la procédure de demande d’asile demande encore à être précisé, voir renforcé, mais il faut dès à présent reconnaître qu’il n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui.

La présence de l’avocat dès l’entretien OFPRA

Depuis la réforme, l’article L. 723-6 alinéa 8 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) dispose que le demandeur d’asile peut se présenter à l’entretien mené par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) accompagné soit d’un avocat, soit d’un représentant agréé d’une association habilitée par décision du directeur général de l’Office.

Alors que la présence d’un conseil n’était possible jusqu’alors qu’au moment de l’introduction d’un recours contre le rejet d’une demande d’asile devant la Cour Nationale du droit d’Asile (CNDA).

Délai pour prévenir l’OFPRA de la présence de l’avocat à l’entretien

En effet, sous prétexte annoncé de faciliter la préparation et l’organisation de l’entretien, l’avocat ou le représentant de l’association souhaitant accompagner un demandeur à l’entretien doit prévenir au préalable l’Office de sa présence au moins 7 jours avant celui-ci en procédure normale et 4 jours avant en procédure prioritaire, par courriel à l’adresse mentionnée sur la convocation.

Mais le texte précise bien que ceci s’applique « dans la mesure du possible » ; quid donc des avocats n’étant pas dans la possibilité matérielle de pouvoir prévenir de leur venue dans les délais impartis ? La pratique nous répondra.

Enfin, à l’évidence cette modalité ne concerne pas les demandes d’asiles présentées en rétention et à la frontière.

Il y a donc fort à parier que cette mesure devrait changer ou se moduler par la suite, suivant le principe d’égalité des demandeurs devant la loi, impliquant une procédure de demande similaire pour tous.

L’impossibilité de demander un report d’entretien

Ici, nous touchons précisément les limites de cette avancée que constitue la présence d’un conseil lors de l’entretien OFPRA.

En effet, l’article L.723-6 du CESEDA précise que l’absence d’un avocat ou d’un représentant d’une association n’empêche pas que l’entretien soit mené avec le demandeur.

Il faut ici comprendre que la demande de report d’un entretien à l’initiative d’un avocat ou d’un représentant d’une association ne pourra donc pas être acceptée.

L’avocat joue désormais un rôle de « témoin privilégié »

Depuis la réforme, l’article L. 723-6 alinéa 8 du CESEDA prévoit que l’officier de protection qui mène l’entretien sollicite ensuite les observations de l’avocat ou du représentant d’une association présent.

Ces observations seront ensuite consignées par l’officier dans la transcription de l’entretien.

En revanche, l’avocat ne peut donc pas prendre la parole de sa propre initiative au cours de l’entretien.

De plus l’avocat ne peut pas s’entretenir avec le demandeur d’asile pendant l’entretien.

Par conséquent, le rôle de l’avocat lors de l’entretien de l’OFPRA peut être comparé à celui qu’il endosse lors de la garde à vue en droit pénal.

En effet, sa présence, bien que discrète, constitue malgré tout une avancée majeure car enfin le demandeur d’asile n’est plus seul devant l’officier de l’OFPRA.

Les entretiens gagnent donc en qualité par la simple présence d’un témoin, et de surcroît ce « témoin privilégié » se transformera en défenseur, ensuite, si le dossier est rejeté par l’Office et que le demandeur décide d’attaquer cette décision devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Et il est important ici de souligner que dans la grande majorité des dossiers l’avocat est obligé de pointer du doigt dans son recours devant la CNDA les défauts du compte rendu d’entretien de l’OFPRA.

Par conséquent, dorénavant, l’avocat pourra attester lui-même des manquements qui auraient selon lui faussé la qualité de l’entretien, et de plus il pourra témoigner si des erreurs de transcription sont présentes dans le compte rendu, cette fois-ci en utilisant sa propre expérience du jour de l’entretien et non uniquement en se référant aux allégations de son client.

Le rôle de l’avocat en matière de procédure d’asile était donc déjà très important mais devient aujourd’hui essentiel, et selon moi, aura vocation a devenir central après les mois et années à venir dans l’application quotidienne de cette réforme.

En effet, avant cette réforme la majorité des clients n’allaient consulter un avocat qu’après un rejet de leur demande d’asile par l’OFPRA afin de préparer leur recours devant la CNDA. Depuis la promulgation de la loi du 29 juillet 2015, il semble désormais très utile qu’un demandeur puisse prendre conseil auprès d’un avocat ou d’une association agréée par l’Office dès le dépôt de sa demande d’asile, mais surtout avant son entretien à l’OFPRA.

(pour en savoir plus sur le rôle de l’avocat devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), lire : L’avocat et l’asile politique. Par Benjamin Brame, Avocat.)

Maître Benjamin Brame Avocat au Barreau de Paris Droit des Contentieux Publics & Droit des Étrangers Site Web : http://www.brame-avocat.com [Email->contact@brame-avocat.com]

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