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Femmes et Droit, la parole mise en avant.
Parution : vendredi 6 mars 2020
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Droits des femmes et femmes de droit. Jeudi 5 mars 2020 à la Maison du Barreau s’est tenu, pour parler de la Journée internationale des droits des femmes qui a eu lieu le 8 mars 2020, un colloque centré sur « La coopération interprofessionnelle pour un meilleur accès au droit et à la justice : l’exemple d’actrices du droit ». A cette occasion, six professionnels sont intervenus pour discuter de la place des femmes notamment dans l’avocature et la magistrature, mais aussi des stratégies communes à mettre en place pour aider les femmes victimes de violence.

Devant une audience composée quasi exclusivement de femmes, les intervenants professionnels, des avocates, une magistrate, et deux dirigeants d’association, ont pris la parole un à un pour évoquer la thématique du jour. Ils sont d’abord revenus sur la féminisation des principales professions du droit et le discours commun qui est construit autour par certains hommes pour dire « c’est fait » ; ou encore l’utilisation d’adverbes comme « mécaniquement », « logiquement », « mathématiquement » pour signifier la certitude de l’évolution des professions vers une plus grande féminisation et une plus grande égalité Femme/Homme, alors qu’il s’agit plutôt d’une « invisibilisation » des femmes.

Avoir des femmes engagées, compétentes et avec une vision aux postes de responsabilité.

Gwenola Joly-Coz, la présidente du Tribunal judiciaire de Pontoise (et l’une des trois seules femmes à diriger un tribunal judiciaire en France, sur les douze qu’en compte la France), est également revenue sur son expérience en tant que chef de cabinet au secrétariat à l’égalité entre Femmes et Hommes et notamment de son changement de lecture sur les quotas (elle les soutient désormais). Elle a rappelé la nécessité d’avoir aux postes de responsabilité des femmes engagées, compétentes et avec une vision, et non simplement des femmes car elles le sont. De cette manière, elle estime que les sujets intéressant les femmes seront ainsi plus aisément mis en avant au sein des institutions.

De même, comme le rappelait Anne-Laure Casado, membre du Conseil de l’Ordre, chez les avocats, bien qu’il y ait une majorité de femmes, le décalage avec les hommes se construit encore et toujours au niveau des rémunérations, corrélativement avec la présence aux postes d’associés. Un écart qui s’accentue aussi quand le niveau de diplôme s’accroit. Une problématique dont le Barreau de Paris s’était déjà emparé lors des Assises de l’égalité.

C’est là que l’interprofessionnalité et la coopération entre les professions doit jouer un rôle car une formation commune des avocats et des magistrats sur la thématique des violences faites aux femmes peut et doit permettre de combattre mieux encore ce fléau, comme tant d’autres.

Une interprofessionnalité qui passera par une meilleure représentation féminine dans les professions.

Or une telle politique de collaboration ne pourrait se faire qu’en agissant dès le départ sur la représentation féminine de ces professions du droit. C’est ce que se sont évertués à faire remarquer les intervenants qui ont pointé du doigt la dichotomie entre les réactions par rapport aux pourcentages lorsqu’il s’agit d’une majorité d’hommes ou d’une majorité de femmes. Pour appuyer ce propos, la présidente du Tribunal judiciaire de Pontoise a raconté une anecdote sur le baptême des salles du tribunal des Batignolles, et notamment le fait qu’aucune d’entre elles n’avait reçu le nom d’une femme de droit. Une anomalie qu’elle a expliqué par le fait qu’avant 1946, qui correspond à l’émergence de la première magistrate Charlotte Béquignon Lagarde (également première femme agrégée de droit), la justice n’était rendue que par des hommes. Elle est allée plus loin en soulignant « le changement conceptuel qui consiste à dire que quand il y a trop de femmes cela devient un problème, alors qu’à l’époque où seuls les hommes étaient magistrats, on n’y voyait aucune anomalie. »

A partir de là, l’ordonnance de protection a servi aux intervenants pour illustrer ce besoin de « coopération interprofessionnelle ». Il s’est agi de parler des politiques de juridiction et de la place des femmes dans leur définition. La présidente du Tribunal judiciaire de Pontoise a souhaité revenir sur le sujet : « je défends l’idée que l’indépendance ce n’est pas l’isolement et qu’il faut des politiques juridictionnelles. » De même, « le turn over des magistrats est une autre difficulté. Il faut donc écrire au sein des juridictions nos processus de fonctionnement, nos modus operandi sur les ordonnances de protection, ce qui permet de travailler ensemble. »

L’Association Droits d’urgence, représentée par Jérôme Giusti et Gwenaelle Thomas-Maire, a enfin pu présenter ses actions en faveur des femmes victimes de violences et notamment la plateforme Droit direct qui permet de mettre en relation les victimes avec les professionnels habilités à les recevoir. Celle-ci fonctionne grâce à un chatbot qui, grâce à différentes étapes précisant le profil de la victime, peut la rediriger vers le professionnel le plus proche.

Pour en finir avec ce fléau, la question est bien de former les professionnels du droit dans une culture commune.

C’est Clotilde Lepetit, avocate au Conseil de l’Ordre qui s’est chargée de conclure ce colloque. Elle a rappelé la nécessité de « se parler entre professionnels », et de généraliser les outils. Enfin, elle a souligné l’aberration des violences conjugales qui se déroulent dans le foyer : « le foyer est le tout début de la cellule de la société, c’est là que l’éducation des enfants à la violence se fait. Dans le mot foyer également, il y a le mot « feu » car c’est un endroit où l’on est censé pouvoir se réchauffer sans avoir peur. Or on finit par avoir peur d’aller porter plainte car cela signifierait que l’on trahirait le sens de la famille. » Pour en finir avec ce fléau, finalement, « la question est bien de former les professionnels du droit dans une culture commune. Et pour cela, est mise en place une liste spécifique à l’Aide Juridictionnelle relative aux violences conjugales qui renforcera les formations. »

Simon Brenot Rédaction du Village de la Justice

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