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Procès Monique Olivier : incidence de la reconnaissance des faits ou des dénégations sur le déroulé de l’audience criminelle. Par Martine Bouccara, Avocate.
Parution : jeudi 30 novembre 2023
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Mercredi 29 novembre 2023, c’est presque incidemment que le Président de la Cour d’Assises demande à Madame Monique Olivier si elle reconnaît les faits – trois faits en l’espèce – qui lui sont reprochés ?
Et c’est avec autant de simplicité qu’elle dit oui.
Au point que le Président se sente tenu de lui répéter les noms des trois victimes et c’est toujours oui pour Madame Olivier qui avait bien compris dès la première fois.
Cette reconnaissance rapide des faits, dès le deuxième jour du procès, a-t-elle une importance sur le déroulé de l’audience ? (I) Sur le verdict ? (II) C’est ce que nous allons voir dans cet article.

I) Faits reconnus ou pas ? Incidences sur l’audience de la Cour d’Assises.

Des mois en amont des procès, le Parquet organise la durée de l’audience criminelle à venir. On appelle cela l’audiencement de l’affaire.

Pour fixer une durée d’audience, plusieurs paramètres entrent en jeu, et c’est loin d’être une science exacte. Vous allez comprendre pourquoi.

Dans l’affaire Monique Olivier, jugée à Nanterre, on aura pris en compte le nombre de victimes, trois en l’espèce. C’est classique, et assez évident.

Il faut consacrer un temps décent et égal à chacune des familles, tant dans l’exposé des faits que dans les auditions des proches constitués parties civiles, dont la douleur doit pouvoir s’exprimer devant les juges et les jurés à l’audience publique.

Ensuite, il faut évaluer la durée des témoignages prévus et des exposés des experts judiciaires cités pour l’audience.
Voilà, qui n’est pas facile, car après chaque passage à la barre, la personne entendue peut être questionnée par le Président, ses assesseurs, les avocats des parties civiles, le Ministère Public et la défense.
Or, comme chacun sait, il y a des avocats plus intervenants que d’autres et bien sûr ce n’est pas un reproche de ma part. Cela rend juste les prévisions de durée d’audience mathématiquement quasi imprévisibles.

Il faut aussi prévoir que lors du déroulement de l’audience, de nouvelles questions peuvent se poser et faire l’objet de mesures complémentaires ordonnées par le Président de la Cour d’Assises lui-même.
Et cela peut devenir rapidement chronophage lorsque les avocats font aussi des demandes en tant que telles parfaitement légitimes si elles aident à la manifestation de la vérité.
Voilà, comment lors de mon exercice professionnel, j’ai souvent eu à prévenir ma famille que je serai absente le samedi car, il fallait finir un procès en cours censé se finir le vendredi, étant donné que le lundi suivant, une autre affaire et de nouveaux jurés allaient se présenter. Nous n’avons pas le choix.
Tout ceci n’est rien à côté de la question des faits reconnus ou niés. Nous y voilà !

On pourrait penser que si les faits sont reconnus, les discussions seront moins longues et qu’un audiencement court pourrait suffire.
Hélas, ce n’est pas si simple et ce, pour deux raisons :

Vous l’avez compris, même si Madame Olivier reconnaît tous les faits et que les professionnels connaissent par cœur le dossier, les jurés vont délibérer sur cette affaire. Il faut qu’ils aient entendu comme hier les éléments de personnalité de l’accusée, comme aujourd’hui les enquêteurs etc.

Pour vous faire une confidence, il a pu m’arriver de rentrer plus tôt que prévu chez moi, si les faits reconnus sont examinés en intégralité et finalement assez rapidement. Mais, c’est arrivé très rarement.

En définitive, vous l’aurez compris, la durée de l’audience, qui doit être prévue, est tout sauf une sinécure à calibrer, et on ne le sait pas assez.

II) Faits reconnus ou pas : incidences sur le verdict ?

Lorsqu’un accusé ou une accusée avoue avoir commis les faits qui lui sont reprochés, cela occasionne une forme de soulagement en général.
J’ai vu certains accusés, ce n’est pas le cas de Madame Olivier, donner une certaine théâtralité à leurs aveux et des Présidents de Cour d’assises demandant à la greffière de prendre acte desdits aveux.

Quelle que soit la forme de l’aveu, on comprend qu’on va échapper à un aléa qui est la déclaration de culpabilité.
Mais on n’est pas encore au bout du chemin judiciaire. Ce serait trop simple !

Sur la culpabilité, il faudra se poser la question de la qualification juridique des faits reconnus. Pourquoi ? Parce que dans notre système, on doit caractériser juridiquement les faits commis.
Voici un exemple que je donne à mes étudiants :
L’accusé déclare à l’audience avoir tué la victime. Cela ne suffira pas.
A-t-il commis un meurtre (homicide volontaire), un assassinat (meurtre avec préméditation) ou la mort de la victime est-elle le résultat de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ?

Dit comme ça, on voit bien que le fait d’avoir tué recouvre des réalités bien différentes dont il faut tenir compte dans le verdict puisque la Loi les distingue et que les peines encourues sont très différentes.

La question de la qualification des faits n’est donc pas du juridisme.
Et il arrive que l’audience elle-même fasse apparaître des questions de requalification nécessaires.
C’est tout le mérite que de pouvoir encore et toujours – il n’est jamais trop tard – ajuster les qualifications données aux faits poursuivis. Cela arrive très souvent. C’est une des vertus de l’oralité des débats.

La partie sur laquelle je serai très brève pour conclure mon propos, est celle de l’impact sur la Cour en son entier des aveux des accusés sur le quantum des peines prononcées.
Mon avis est que chaque procès est différent, chaque accusé est un individu unique, dont la personnalité compte aussi dans notre système.
Seul l’avenir dira ce qu’il en sera pour Madame Olivier, et elle seule, et pour les faits qui lui sont reprochés, à elle et à personne d’autre.

NDLR : Vous pouvez suivre les épisodes du podcast de Martine Bouccara dédié au procès de Monique Olivier ici.

Martine Bouccara, Avocate pénaliste française Honoraire, Avocate au Barreau de New-York, Diplômée de Criminologie de l'Université de New-York CUNY.

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