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L’indépendance de la Justice : utopie ou réalité ?
Parution : vendredi 16 mars 2012
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Le pouvoir exécutif s’immisce de plus en plus dans le fonctionnement de la justice. La formation des juges, la gestion de leurs carrières ou encore la composition du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) sont autant d’éléments soumis à l’appréciation de l’exécutif.
Or, les récentes affaires ayant impliqué des hauts responsables de la vie politique (procès Clearstream, affaire Woerth-Bettencourt, Courroye) contribuent à alimenter le débat sur l’indépendance de la justice, taxée de ne plus être complètement garantie, au regard de la séparation stricte des pouvoirs.

Suite de nos chroniques sur la place de la Justice dans les programmes des candidats à la présidentielle française.

L’indépendance de la justice est un principe commun à toute démocratie. C’est l’élément central du droit à un procès équitable, tel qu’il résulte de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

En France, l’indépendance de la justice est souvent pointée du doigt par la presse et l’opinion publique. C’est pourquoi les candidats à la présidentielle ont fait de cette question, l’une de leurs priorités dans le domaine de la Justice.

Dans une interview du 5 mars dernier, François Bayrou a estimé que “le pouvoir judiciaire n’avait jamais connu un malaise aussi profond“. Il a notamment souhaité que les carrières des magistrats du parquet ne dépendent plus de l’exécutif. Pour cela, il propose qu’un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) soit obligatoire pour toute nomination.
Le candidat du Modem à l’Elysée a également ajouté qu’il était nécessaire que le ministre de la justice soit nommé par le Parlement : "Il faudrait que le ministre de la justice ne soit plus un ministre ordinaire, qu’il soit un ministre dont la nomination soit soumise au Parlement, avec obligation qu’il obtienne une majorité de confirmation, une majorité plus large que la majorité habituelle", a-t-il dit. Ainsi selon le candidat centriste, le ministre de la justice serait "non plus celui du gouvernement mais celui de toute la Nation".

François Hollande, candidat du Parti Socialiste, Eva Joly, candidate d’Europe Ecologie Les Verts et Corinne Lepage, candidate de Cap21, militent pour que la justice devienne un pouvoir à part entière, indépendant du pouvoir politique. Ils comptent garantir son indépendance en modifiant les modes de nominations et de déroulement de carrière des magistrats du parquet via une réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Les trois candidats souhaitent que tous les magistrats soient nommés sur l’avis du CSM, qui fera aussi office de conseil de discipline des magistrats.

Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche, abonde dans ce sens : « Je garantirai l’indépendance de la justice et de tous les magistrats : les règles de nomination et de déroulement de carrière seront revues à cet effet ; je réformerai le Conseil supérieur de la magistrature. Je mettrai fin à la soumission des magistrats du parquet envers le gouvernement. Pour conforter les contre-pouvoirs, nous garantirons l’indépendance de la justice en mettant fin aux instructions individuelles, et en ne soumettant pas les carrières des magistrats au pouvoir politique » avait-il déclaré lors de son discours à Mérignac.

En revanche Marine Le Pen, candidate du Front National veut une neutralité de la magistrature la plus totale. Elle propose de supprimer le droit d’être syndiqué, la possibilité de s’engager politiquement ou d’être candidat, d’écrire ou de témoigner au sujet d’une quelconque affaire ayant trait à leur fonction.
La candidate voudrait établir en outre le principe de l’inamovibilité des membres du parquet, dans le but d’assurer leur indépendance. Le secret de l’instruction sera renforcé, puisqu’il sera interdit de citer le nom du juge en charge de l’affaire jusqu’à la fin de l’instruction.

Par ailleurs pour défendre son quinquennat et l’indépendance de la justice, le président sortant Nicolas Sarkozy a mis en avant le fait que ce soit lui qui ait mis fin à 65 années de présidence du Conseil supérieur de la magistrature par le président de la République (loi du 22 juillet 2010). Durant son mandat, Nicolas Sarkozy a étendu à la nomination des procureurs généraux, la consultation du CSM et fait valoir que les avis rendus par cette instance étaient "systématiquement suivis" par lui-même et par ses ministres de la Justice. Une manière de montrer que son gouvernement a œuvré pour cette indépendance.

Dans son programme présidentiel, il se rapproche de ses rivaux puisqu’il souhaite que le CSM soit amené à rendre un avis conforme, et non plus seulement consultatif, pour toutes les nominations au parquet.

L’élection présidentielle se rapproche et les candidats se montrent unanimes, la justice doit être réformée afin de limiter l’impact qu’a l’exécutif sur la justice et ce, dans le but de garantir la séparation stricte des pouvoirs.

Mehdi Kasby
La rédaction du Village de la justice