Alors même que l’institution pénitentiaire "fait l’objet d’une remise en cause permanente sur sa capacité à respecter l’État de droit et les droits de l’homme", écrit l’OIP, le nombre de détenus atteint des niveaux historiques et les plans de construction de nouvelles prisons se succèdent.
Au 1er Mars 2012, le nombre moyen de personnes incarcérées était de 66.445, soit une hausse annuelle de 6%, alors que le nombre de places comptabilisées par l’administration est passé lui à 57.213 soit un accroissement de 8.9% depuis 2009 selon le Ministère de la Justice.
Dans ce contexte de surpopulation, les conditions de détention restent indignes dans de nombreux établissements, déplore le rapport de l’OIP.
Il était donc impératif de placer en priorité le système carcéral dans la campagne présidentielle de 2012, et ça les candidats l’ont bien compris.
Candidat à l’élection présidentielle de 2012, François Bayrou, président du Modem, avait déjà éludé cette question à l’occasion de la campagne de 2007. Et bien aujourd’hui il la remet au goût du jour. Il propose en effet une grande loi pénitentiaire dans laquelle il souhaite « réhumaniser les lieux d’emprisonnement, réfléchir à d’autres alternatives de détention, notamment pour les jeunes, faciliter les aménagements de peine, faciliter la réinsertion des détenus dans la société et renforcer les moyens affectés au suivi socio-judiciaire pour prévenir toute récidive ». Une loi qui est donc destinée à “faire de la place“ dans les prisons.
Pour “faire de la place“ justement, la majorité présidentielle préfère au contraire en créer. Ainsi le Parlement a récemment entériné la création de 24 000 places de prison pour les cinq prochaines années, afin de ramener, selon le gouvernement, le nombre de peines “en attente d’exécution“ à 35 000 en 2017 contre 87 000 fin 2011. Dans cette optique, il est également prévu de créer 6000 postes de surveillants de prison. Le coût total de ce projet atteint les 3,5 milliards d’euros, selon le rapporteur UMP, Jean-Paul Garraud.
François Hollande, candidat du parti socialiste (PS) s’est d’ores et déjà offusqué de ce “projet électoraliste répressif, et élaboré sans concertation avec les professionnels de la justice“. En effet, la gauche reproche au gouvernement de tout miser sur “l’enfermement”, alors que François Hollande souhaite lui lutter contre la délinquance. Le candidat propose en outre de doubler le nombre de centres éducatifs fermés pour les mineurs condamnés par la justice en les portant de 40 à 80 durant son “éventuel“ quinquennat. Ce qui permettrait d’améliorer les conditions des détenus majeurs, tout en sécurisant la détention des mineurs. Une mesure qui devrait coûter près de 100 millions d’euros.
Il est vrai que dans de nombreux établissements français, “il n’existe pas de quartiers " mineurs " véritablement isolés des autres détenus majeurs. Ainsi, à la maison d’arrêt de Loos par exemple, les mineurs sont regroupés dans le bâtiment de la petite section, au premier étage, coincés entre le quartier disciplinaire au rez-de-chaussée et le quartier d’isolement au deuxième. Il n’existe pas de séparation entre les deux derniers étages. Seules 16 cellules sont mises à la disposition des mineurs, alors que leur nombre s’est élevé à 26 en moyenne sur l’année 2010 “ révèle un rapport de la commission d’enquête du Sénat. D’une manière générale, les conditions d’encellulement individuel des mineurs sont loin d’être respectées, faute de cellules en nombre.
Marine Le Pen, quant à elle, souhaiterait sanctionner davantage les délinquants. L’adage “enfermer plus pour réprimer plus“ peut schématiser ce qu’aimerait faire la candidate du Front National. Dans son programme, il est prévu de créer 40 000 places de prisons supplémentaires, soit 20 000 de plus de ce que préconise le gouvernement. Soit un coût estimé à 5 milliards d’euros.
Quoi qu’il en soit, la question des prisons en France n’est pas nouvelle tant les conditions de détention sont catastrophiques depuis des années. Les multiples condamnations de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur le fondement de l’article 3 de la Convention relatif à la prohibition de la torture, des traitements inhumains et dégradants démontre une situation très préoccupante. En atteste notamment l’Arrêt Payet contre France du 20 janvier 2011 qui avait condamné la France « pour les conditions de détention de M. Payet en quartier disciplinaire (saleté, vétusté, inondations, absence de lumière suffisante pour lire ou écrire) ». En outre, le rapport de l’OIP montre que les motifs de condamnation concernent surtout la surface des cellules (10 à 12 m2 partagées par trois détenus, Rouen, 2008), les dispositifs d’aération obstrués ou défectueux (Nanterre, 2011), l’absence de cloisonnement des toilettes dans des cellules partagées à plusieurs (Bois d’Arcy, 2011)…
Une situation déplorable et inhumaine que le futur président de la république devra étudier en urgence.