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Directions juridiques : comment concevoir votre cartographie des risques juridiques ?
Parution : vendredi 2 octobre 2015
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L’environnement juridique est devenu une préoccupation majeure au sein des entreprises. Les process en matière de gestion des risques se sont largement développés au regard de la judiciarisation de la société. Un risque juridique mal géré peut nuire considérablement à l’entreprise sur le plan financier, pénal et porter atteinte à sa réputation.
La mise en place d’une cartographie des risques juridiques apparaît comme une solution indispensable pour traiter et anticiper ces dangers.
La rédaction du Village de la justice vous invite à découvrir ce dossier afin d’apprendre comment concevoir une cartographie des risques juridiques (sujet de l’article ci-après) et apprendre à l’utiliser (2ème article).

Qu’est ce que la cartographie des risques juridiques ?

Franck Verdun [1] nous explique que la cartographie des risques juridiques «  constitue un outil de traitement de l’information juridique qui permet de hiérarchiser les impacts et les enjeux ».

Franck Verdun, Avocat associé au sein du cabinet Verdun Verniole

Ce dispositif est issu de l’identification et la gestion des risques mais aussi des solutions mises en place pour y faire face. Il permet de représenter les menaces juridiques, les identifier et surtout de les classer en fonction de plusieurs types de critères. La gravité et la fréquence sont fréquemment retenues, mais d’autres critères comme la typologie de risques impactant une ressource ou les niveaux de risques susceptibles d’impacter toute l’organisation de l’entreprise dans son cœur de métier, peuvent également être intégrés.
Il s’agit donc d’une méthode qui permet, en identifiant et en évaluant les risques, de mettre en place des solutions pour les supprimer ou, a minima, les contrôler et les diminuer.

Quelle est l’utilité de la cartographie des risques ?

La cartographie des risques juridiques a plusieurs utilités :
- elle constitue une source d’opportunités pour l’entreprise elle-même. Par exemple, une bonne gestion des contrats représente un avantage concurrentiel fort ;
- elle permet à la direction juridique de revoir son organisation et ses priorités en vérifiant qu’elle dispose des ressources et compétences pour gérer les risques juridiques majeurs ;
- Elle facilite la communication de la direction juridique vis-à-vis de la direction générale en faisant apparaître les risques et opportunités juridiques qui peuvent impacter la stratégie choisie.

Selon Franck Verdun, la cartographie revêt une autre utilité : « elle offre de définir qui est propriétaire du risque juridique dans l’entreprise (direction juridique ou directions opérationnelles) selon la nature du risque (par exemple, la rédaction de contrats conformes est de la responsabilité des juristes, l’utilisation conforme des contrats est de la responsabilité des opérationnels). Cette distinction permet de déterminer les sujets qui peuvent être délégués aux opérationnels accompagnés de plans d’actions préventifs en fonction de l’importance des dossiers et la gravité potentielle des risques associés. Ces plans d’actions peuvent se traduire par des outils digitaux adaptés (logiciels d’aide à la rédaction de contrat) ».

Philippe Valendru, Directeur Juridique et membre du Comité des Risques du Groupe DAHER

Fort de son expérience, Philippe Valendru, [2], nous précise que « cet exercice qui peut être perçu comme un excès de bureaucratie et de transparence est en fait un outil moderne de management qui permet de désacraliser cette notion de risque aux yeux des opérationnels, conforter la Direction Juridique dans son rôle opérationnel et enfin contribuer à la normalisation des pratiques de l’entreprise ».

Quel sont les pré-requis à la mise en place d’une cartographie des risques juridiques ?

La réalisation d’une cartographie nécessite du temps et mobilise des ressources humaines au sein de l’entreprise. Il est nécessaire d’emporter l’adhésion des directions opérationnelles. En effet, l’objectif n’est pas de limiter la conception de ce dispositif à la seule fonction juridique, mais bien d’associer les entités fonctionnelles. Le soutien de la direction générale est donc indispensable.

Il convient également d’obtenir l’adhésion des membres de la direction juridique. Cela peut paraître évident de prime abord puisque la mise en place de la cartographie va leur permettre de valoriser leurs interventions et de concentrer leur travail sur les enjeux stratégiques de l’entreprise. Toutefois, l’exercice requiert du temps et une réelle implication des juristes qui, pris dans l’urgence des demandes du quotidien, n’ont pas forcément le temps pour s’impliquer pleinement dans ce projet. Il revient donc au directeur juridique de « vendre » cet exercice au sein même de son équipe afin que celle-ci prenne conscience de ses bénéfices. Franck Verdun souligne que « sous cet aspect, l’exercice de la cartographie est une aide précieuse au changement car elle permet aux juristes de faire le constat partagé des enjeux de la direction juridique et d’accepter l’évolution de leur fonction et de leur expertise ».

L’identification et l’évaluation des risques.

Il est essentiel de pouvoir mesurer le niveau de gravité maximum d’un risque et ceci quelle que soit la probabilité qu’il puisse survenir.

Cette tâche, très importante, doit remplir deux objectifs : évaluer d’une part les conséquences de la survenance du risque et, d’autre part, la probabilité qu’il puisse se réaliser. Les juristes sont souvent assimilés à des personnes imaginant les scénarios les plus noirs. Cela est généralement perçu comme un défaut, mais dans la conception d’une cartographie des risques juridiques, cela s’avère être une force. Il est essentiel de pouvoir mesurer le niveau de gravité maximum d’un risque et ceci quelle que soit la probabilité qu’il puisse survenir.

Franck Verdun nous précise qu’ « après avoir identifié les risques juridiques propres à l’activité de l’entreprise (identification qui peut s’effectuer par interviews des juristes, analyse des décisions de justice ou observations des administrations de contrôle, notamment), ceux-ci sont « scorés » au travers d’un référentiel propre à l’entreprise et qui permet d’évaluer leur gravité. De même, la fréquence ou possibilité d’occurrence, peut être estimé eu égard à la maîtrise estimée du risque, et l’existence de précédents dans l’entreprise ou la concurrence. »

L’évaluation de l’impact d’un risque dépend de l’activité, de la stratégie et de l’image de l’entreprise. A titre d’exemple, un risque réputationnel, s’il est toujours dommageable, ne sera pas apprécié de la même façon par une entreprise dont le commerce auprès du grand public est l’activité principale que par une entreprise technologique de niche inconnue du plus grand nombre.

Rédaction du Village de la justice

[1Avocat Associé du cabinet Verdun Verniole et auteur des ouvrages « La gestion des risques juridiques » Editions de l’Organisation et « Le management stratégique des risques juridiques » Lexis Nexis.

[2Directeur Juridique et membre du Comité des Risques du Groupe DAHER.