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La clause d’interêts d’un prêt ayant pour base 360 jours et non 365 jours. Par Dominique Ducourtioux, Avocat.
Parution : lundi 2 mai 2016
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Un nombre infini de prêts contient une clause selon laquelle les intérêts sont calculés sur la base d’une année bancaire de 360 jours et non sur la base d’une année civile de 365 jours.
Cette irrégularité est appréciée diversement par la jurisprudence.

1°) Les intérêts d’un prêt consenti à un non professionnel doivent être calculés sur l’année civile de 365 jours

Par un arrêt du 19 juin 2013 ( Cass.Civ. 1ère, Bulletin I n°132 ), la Cour de cassation a appliqué à l’intérêt conventionnel des prêts accordés à des non professionnels la méthode de calcul prescrite par l’article R 313-1 du Code de la consommation pour le taux effectif global ( TEG ).

Cet arrêt énonce :

« Vu l’article 1907alinéa 2 du code civil, ensemble les articles L.313-1, L 313-2 et R 313-1 du code de la consommation ;
Attendu qu’en application combinée de ces textes, le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal, être calculé sur la base de l’année civile. »

Selon cet attendu de principe, un prêt ayant des intérêts calculés sur une durée inférieure à 365 jours, est irrégulier, et le taux conventionnel stipulé dans le prêt est alors remplacé par l’intérêt légal.
Autrement dit, en cas de substitution de l’intérêt légal à l’intérêt conventionnel, il en résulte un manque à gagner pour le banquier et, en revanche, un avantage substantiel pour l’emprunteur, qui pourrait obtenir la restitution des intérêts trop payés.

2°) Les intérêts opposés des consommateurs et des banquiers

Or, un nombre infini de contrats de prêt contient une clause selon laquelle les intérêts sont calculés sur la base d’une année bancaire de 360 jours ou sur la base d’un mois de 30 jours. Les emprunteurs ont bien compris l’avantage qu’ils pouvaient tirer de cette irrégularité, et les banques, pour leur part, ont mesuré le risque qu’une telle clause leur faisait courir.

Les emprunteurs ont ainsi engagé des actions afin de voir réduire les intérêts à payer, voire à obtenir le remboursement de ceux déjà payés.
Les banques ont entendu se prémunir du résultat néfaste de ces actions, en faisant appel à des experts afin de démontrer que nonobstant l’irrégularité formelle de la clause, la méthode de calcul adoptée par les banques était neutre pour les emprunteurs, à savoir que les intérêts payés étaient conformes à ceux calculés sur une année de 365 jours.

En clair, à défaut de préjudice, les emprunteurs ne pouvaient pas obtenir la nullité de la clause.

3°) Le traitement judiciaire de cette opposition

La jurisprudence s’est jusqu’à présent montrée divisée.

a) Certaines juridictions sanctionnent l’absence de clarté de la clause

Certaines juridictions ont estimé que la clause selon laquelle les intérêts étaient calculés sur 360 jours était nulle, et que cette nullité ne pouvait pas être couverte par la preuve que les intérêts payés étaient les mêmes que s’ils avaient été calculés sur 365 jours.

Ainsi, la cour d’appel d’Orléans a jugé le 5 février 2015 :

« Attendu que le second moyen de déchéance du droit du prêteur aux intérêts, tiré du caractère erroné du TEG est, quant à lui, fondé ;
Attendu en effet qu’en application des articles L 313-1, L 313-2 et R 313-1 du Code de la consommation, le taux effectif global déterminé comme il est dit au premier de ces textes doit être mentionné dans tout écrit constatant un prêt immobilier, et le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l’année civile ( cf. Cass 1ère 19/06/2013 ) ;
Que néanmoins, chacun des deux contrats stipule que la base des intérêts est assise non pas sur l’année civile, mais selon la technique du diviseur 360 dite de l’année lombarde. »

Plus explicitement encore, la cour d’appel de Versailles a clairement estimé le 2 avril 2015, que l’irrégularité de la base de calcul mentionnée dans le prêt entraînait la nullité de ladite clause et, par conséquent, la substitution de l’intérêt légal à l’intérêt conventionnel :

« Un taux d’intérêt n’étant pas calculé sur une année civile s’il est expressément calculé sur 360 jours, comme tel est le cas en l’espèce, force est de constater par simple application des textes en vigueur, que le taux d’intérêt annuel nominal contractuel n’est pas valablement stipulé au contrat de prêt immobilier.
En conséquence, au vu de l’absence de stipulation écrite claire du taux d’intérêt annuel, non conforme aux dispositions de l’article L 313-1 du Code de la consommation, il est fait droit à la demande de nullité de la stipulation d’intérêts. »

Cet arrêt a été remarqué par la doctrine et a fait l’objet de commentaires, dont celui de Benjamin Blanc sur Village de la Justice.

b) D’autres juridictions exigent de rapporter la preuve que la clause a une incidence effective sur les intérêts

D’autres juridictions ont, en revanche, considéré que l’irrégularité formelle de la clause n’était pas suffisante, et qu’il appartenait à l’emprunteur de démontrer que le mode de calcul appliqué par la banque était de nature à lui faire payer des intérêts supérieurs à ceux qui auraient été calculés sur une année de 365 jours.

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a ainsi jugé le 19 avril 2016 que :

« La nullité de la stipulation des intérêts conventionnels est fondée sur une inexactitude du taux, en ce que les intérêts ont été stipulés sur 360 jours et non pas sur 365 jours.
Le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans un prêt consenti à un consommateur ou un non professionnel doit, comme le TEG, être calculé sur la base de l’année civile de 365 jours.
Il est exact que les prêts litigieux mentionnent par écrit une base annuelle de 360 jours.
Cependant il appartient au demandeur, en application du droit commun, d’apporter la preuve que le calcul a été inexact et que dans cette hypothèse l’erreur de calcul a une incidence supérieure à la décimale ( Cass Civ 26 Nov 2014 ).
En l’espèce le demandeur procède à un calcul, non pas repris à partir des tableaux d’amortissement, mais théorique, alors que la banque justifie d’une part, par un rapport confié à un tiers et produit aux débats, donc parfaitement discutable et contradictoire et, d’autre part, par un calcul à partir des tableaux d’amortissement, que de fait le TEG appliqué l’a été sur une année civile complète. »

La protection des intérêts du consommateur consisterait à favoriser la solution retenue par la cour d’appel de Versailles, en considérant que les termes de la clause ne peuvent être contredits par la présentation de calculs qui viendraient démontrer que les intérêts seraient conformes aux prescriptions du TEG.

L’intérêt du banquier est de faire supporter au consommateur la charge de la preuve que les intérêts appliqués selon la clause litigieuse ont entraîné une erreur en sa défaveur. C’est la solution retenue par le jugement de Strasbourg précité.

Le débat demeure encore ouvert, jusqu’au jour où la Cour de cassation y mettra un terme, en se prononçant pour l’un ou pour l’autre.

Dominique Ducourtioux Avocat. Barreau de Strasbourg