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Les nouvelles générations, l’espoir pour l’égalité homme/femme ?
Parution : jeudi 23 mars 2017
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L’avenir laisserait-il enfin présager la fin des inégalités qui touchent les femmes ? Une problématique qui concerne largement la profession d’avocat, et importante pour la vice-batonnière de Paris Dominique Attias. A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, était donc organisé un cycle de conférence et d’ateliers le 8 mars, avec comme thématique « Femmes, moteurs de changements ». Grâce à des témoignages de pratiques au sein d’entreprises ou de start-up, l’idée est de démontrer que oui, les femmes sont des atouts pour les entreprises et pour la société – à condition qu’on leur laisse de la place. Et les nouveaux modèles économiques pourraient être l’opportunité qu’elles attendaient.

« Là où tant d’hommes ont échoué, une femme peut réussir »

Cette citation de Talleyrand, choisie pour illustrer cette journée de conférences, en a peut-être outré certains. Elle représente pourtant bien le message que souhaitait envoyer la vice-batonnière de Paris : oui, les femmes font aussi bien, voire mieux, quand elles accèdent à des postes encore majoritairement occupés par leurs homologues masculins.
Car le premier constat, lors de l’ouverture de la première conférence intitulée « Elles agissent pour plus de performance responsable », est encourageant : la parité progresse. « Peu à peu, nous accédons à des domaines où l’on ne nous attendait pas » souligne Dominique Attias, rappelant que pour la troisième fois, une femme (Marie-Aimée Peyron) a été élue bâtonnière de Paris, et que la Cour pénale internationale est présidée depuis 2015 par Silvia Fernandez de Gurmendi. Les femmes sont aujourd’hui 30% dans les conseils d’administration des entreprises françaises, faisant de la France « la meilleure élève de l’Union européenne dans ce domaine ». Mais une marge de progression est encore permise. « Il est regrettable que les établissements publics ne suivent pas, ou qu’aucune société du CAC 40 ne soit dirigée par une femme » déplore la vice-bâtonnière.

Dominique Attias

Les chiffres sont mis en avant pour essayer de convaincre que les femmes ne sont pas un poids pour l’entreprise. Elles participent à sa performance et à son éthique : « Plus il y a de femmes dans les instances décisionnaires, plus les entreprises sont performantes, confirme Lysianne Baudu, journaliste et animatrice de la table ronde. Et plus il y a de femmes dans les instances dirigeantes, moins il y a de corruption ou de fraudes. »
L’on peut regretter qu’il faille encore convaincre les entreprises avec des arguments économiques, alors que droits, égalités et donc absence de discrimination devraient être les uniques justifications. Mais certaines ont commencé avant les autres à prendre des mesures et tenter de rétablir « l’égalité des chances » explique Jean-Laurent Poitou, senior manager chez Accenture. « Pourquoi pensons-nous que c’est important ? Parce que nous avons besoin de talent. Si nous nous privons de la moitié des effectifs formés, nous nous privons de la moitié des talents. » Ces initiatives participent aussi à la bonne image de l’entreprise – pour le recrutement comme auprès des clients, « qui sont de plus en plus des clientes » souligne Jean-Laurent Poitou. A l’heure où les exigences d’éthique sont de plus en plus fortes pour les entreprises, des mesures favorisant la parité « montre que nous avons des valeurs autres que la finance et le business ». David Layani, dirigeant de la société Onepoint, a quant à lui veillé dès le début à cette absence de discrimination. « Chaque société doit refléter la société en général, et ne peut pas se priver de compétence pour des questions de genre » affirme-t-il.

Nouvelles entreprises et nouvelles générations, promesses d’égalité ?

La question de la compétence doit en effet passer au premier plan, en écartant les freins supposés et attribués aux femmes lors d’une embauche ou pour son évolution au sein d’une société - le premier étant bien sûr, la maternité. Une valeur qui serait essentielle dans les start-up qui émergent aujourd’hui, selon Vivianne de Beaufort, professeure de droit européen à l’ESSEC : « C’est un monde dont il faut s’inspirer, dans lequel seule compte la compétence. » Cette nouvelle génération entrepreneuriale aurait ainsi dans son ADN l’instauration d’une véritable mixité et s’éloignerait donc de ces discriminations volontaires ou intégrées. « Ils sont beaucoup plus libres que nous, ils recherchent la complémentarité de chacun et ne sont pas dans la compétition. »

David Layani, Christiane Feral-Schuhl, Marie-Aimée Peyron, Vivianne de Beaufort, Jean-Laurent Poitou, et Eva Sadoun

Si la confiance dans ces nouveaux modèles est belle, n’est-elle pas trop optimiste ? On peut en effet y apporter des nuances en regardant les secteurs neufs, comme celui des technologies. « Les femmes sont les grandes absentes des domaines liés aux nouvelles technologies, rappelle Dominique Attias. Avec les minorités ethniques, elles sont encore moins représentées que dans les autres domaines d’activité. »

Mais face à ces problématiques, la vice-bâtonnière rappelle qu’une réponse doit être apportée bien en amont, c’est-à-dire à l’école : « Il existe encore trop de stéréotypes filles/garçons, qui influencent la formation pédagogique et l’orientation. C’est dès le plus jeune âge qu’il faut changer l’image des uns et des autres ». Un constat confirmé par le récent rapport rendu par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes : « L’orientation des élèves enferme filles et garçons dans des trajectoires déjà tracées, au détriment de l’insertion professionnelle des filles : en Seconde générale, parmi les élèves ayant 10 de moyenne, 27% des filles et 41% des garçons en classe vont demander une Terminale S ». Il faut donc agir très tôt, pour effacer non seulement cette détermination précoce des orientations, mais également le phénomène d’auto-censure qui empêche parfois les femmes de se lancer, là où des hommes n’ont aucune hésitation. Un enjeu que partage Viviane de Beaufort : « C’est l’engagement qui crée l’innovation. Mon engagement, c’est celui de l’éducation et de la transmission. C’est notre devoir de préparer le terrain pour ces jeunes femmes et ces jeunes hommes. »

L’espoir est cependant permis en observant les engagements et les actions menées, notamment dans la profession d’avocat. L’expérience du Tumblr Paye ta robe en est un exemple : si les témoignages révèlent un sexisme ordinaire omniprésent, l’engouement et les réactions qu’ils suscitent prouvent aussi une volonté d’agir contre ces comportements. Il ne faut cependant pas se reposer sur ses espérances : les stéréotypes ont la peau dure, et se transmettent encore. La bataille n’est donc pas terminée, et la future bâtonnière Marie-Aimée Peyron, qui prendra la succession de Frédéric Sicard en 2018, ne compte pas renoncer : « Nous avons un vrai travail à réaliser pour mettre un terme à ces discriminations, et faire en sorte qu’une bâtonnière ne soit plus un événement. Il faut prévoir des aides, notamment avec la question des congés de maternité, mais aussi en sanctionnant ces discriminations ».

« Quel que soit le domaine, une femme doit en faire trois fois plus qu’un homme pour être considérée de la même façon » a ainsi rappelé la future bâtonnière. Peut-être que les sensibilisations, la progression des meilleures pratiques et mentalités, portées par ces fameuses nouvelles générations, permettront qu’une femme ait juste besoin d’en faire autant qu’un homme.

Clarisse Andry Rédaction du Village de la Justice Crédits photos : Barreau de Paris