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Députés et avocats unis pour faire entendre leurs voix sur la réforme de la carte judiciaire !
Parution : vendredi 23 février 2018
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Alors qu’un projet de réforme de la carte judiciaire est annoncé pour la mi-mars 2018, députés et avocats s’inquiètent de ne pas en connaitre la teneur exacte. Intéressant fortement les territoires et donc les intérêts défendus par les députés,
Marc le Fur, Vice-Président de l’Assemblée nationale, a décidé de lancer une initiative sans précédent. En réunissant les 7 groupes de l’Assemblée et les représentants de la profession d’avocat, il souhaite engager un rapport de force avec la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.

Une méthode contestée et un flou autour de la réforme de la carte judiciaire...

Personne ne connait précisément le projet du ministère de la Justice concernant la carte judiciaire. « Il faut demander à y avoir accès, s’est exprimée Marie-Aimée Peyron, Bâtonnier de Paris, lors de la réunion organisée par Marc Le Fur à l’Assemblée nationale le mercredi 21 février 2018. Il faut que nous puissions effectivement travailler de manière constructive et être force de propositions. Encore faut-il savoir sur quelles bases nous travaillons et réaliser le cas échéant les études d’impact qui sont indispensables en la matière ».

C’est pourquoi, Marc Le Fur a décidé de solliciter un échange avec la garde des Sceaux en créant un groupe informel composé des représentants des 7 groupes parlementaires de l’Assemblée. Y seront associées les institutions représentatives des avocats qui entendent rester unies, comme en témoigne le vote de l’assemblée générale du CNB des 16 et 17 février sur les chantiers de la justice.

De gauche à droite : Marc Le Fur, Vice-Président de l’Assemblée nationale - Jérôme Gavaudan, Président de la Conférence des bâtonniers - Marie-Aimée Peyron, Bâtonnier de Paris et Jean-Paul Mattéi, député des Pyrénées Atlantiques.

Chacun se rappelle la douloureuse réforme de la carte judiciaire par Rachida Dati, alors garde des Sceaux, intervenue sans concertation il y a 10 ans, « qui est encore très présente chez tous les acteurs de la justice. Il ne faut pas réitérer les erreurs du passé, a affirmé Sacha Houlié, député de Poitiers. « Le manque de transparence quand il s’agit de justice est un comble, pour Eric Woerth, Président de la commission des finances. Il peut y avoir des fantasmes et les propos ne rassurent pas quand on ne sait pas ce qu’il y a derrière ».

Or si la méthode adoptée pour travailler sur les rapports relatifs aux 5 chantiers de la justice, qui ont aujourd’hui été restitués, n’est pas contestée, l’imprécision et l’incertitude qui s’en suivent n’est pas tolérable. Jérôme Gavaudan, Président de la Conférence des bâtonniers, à la veille de la journée de mobilisation des avocats le 15 février 2018, a tenu à rappeler au ministère que « le dialogue n’est pas rompu, nous continuons à travailler et à être force de propositions mais nous exigeons que vous nous fassiez part, vous, de vos projets. Cette démarche que vous initiez Monsieur le député est une démarche positive ».

Suppression et spécialisation des juridictions en vue : une réforme déjà largement critiquée !

Si rien n’est acté pour le moment tout laisse à penser que la garde des Sceaux entend supprimer et spécialiser certaines juridictions. Pour les TGI qui deviendraient les tribunaux judiciaires, il semblerait que la volonté soit d’en avoir un par département. Or, il y a 57 départements où il y en a 2 ou plus et 38 où il y en a un seul.
Pour les cours d’appel qui sont au nombre de 36 actuellement, la situation est tout aussi inquiétante. Il semblerait que la ministre soit dans une logique de confusion des ressorts de cour d’appel et des 13 grandes régions et de spécialisation. Il y aurait une cour d’appel par région qui chapoterait les autres cours d’appel qui deviendraient spécialisées.
Cette réorganisation poserait de sérieux problèmes, en particulier pour celles qui sont à cheval sur plusieurs régions (Pau, Agen, Nîmes, Poitiers, Bourges, Dijon, Versailles...). Au-delà de l’accès au droit- question fondamentale dans une démocratie- c’est tout un écosystème qui se crée en lien avec ces juridictions, c’est toute l’organisation de la justice et de ces territoires qui seraient remises en cause.

Alors qu’elle a toujours démenti vouloir une telle réorganisation, « elle a commandé un rapport rédigé par Messieurs Raimbourg et Houillon, deux avocats, anciens députés qui font des propositions assez explicites, rappelle Marc Le Fur. Nous nous appuyons aussi sur certains de ses propos et on nous promet un texte courant mars. Et il ne faut pas se réveiller quand les choses sont terminées ».

Jean Gavaudan ajoute que « son discours a évolué. A la convention nationale des avocats en octobre 2017, le discours était ambigu. Le Premier ministre a annoncé l’absence de suppression de site. Madame Belloubet a ensuite dit qu’il n’y aurait pas de suppression de juridiction. A l’assemblée générale de la conférence des bâtonniers elle a indiqué qu’il n’avait jamais été question de sites… ».

Il devient donc urgent de savoir ce qu’il en est de cette future carte judiciaire. Il ne s’agit pas de s’opposer à toute réforme. La productivité en matière judiciaire, loin de ne passer que par cette carte, est aussi liée à la simplification des procédures, à la numérisation… Il y a une réelle volonté de modernisation de la justice et de nombreuses propositions sont faites par la profession d’avocat pour y contribuer. Reste à savoir si la garde des Sceaux sera ouverte au dialogue…

Crédit photo Village de la justice.

Laurine Tavitian Rédaction du Village de la Justice