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Métiers du droit : se former pour se transformer ?
Parution : mercredi 9 octobre 2019
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En préparation du 4ème Village de la Legaltech qui se tiendra à Paris les 26 et 27 novembre 2019 [1], le Village de la Justice parcourt les grands enjeux placés au coeur du salon cette année.
Après notamment "Au fond, qu’est-ce qu’une vraie innovation en Direction juridique ?", nous abordons un troisième sujet du salon : l’accompagnement à la transformation par la formation notamment, est-elle prête… à nous suivre ?
Rencontre avec Sumi Saint Auguste, Directrice de l’Innovation Lab de Lefebvre Sarrut et Vice-Présidente d’Open Law* Le Droit Ouvert.

Village de la Justice : Quand on est pris dans le maelstrom actuel des évolutions des métiers du droit (formation, legaltech, concurrence, interprofessionnelle…), on peut estimer avoir un biais cognitif qui nous amène à penser que le mouvement de transformation est vif et dynamique… Mais est-ce vraiment le cas, n’est-ce pas un futur lointain ?

Sumi Saint Auguste :

"J’ai le sentiment que l’on vit effectivement une transformation très puissante…"

J’ai le sentiment que l’on vit effectivement une transformation très puissante qui opère à tous les étages et dans toutes les dimensions de l’exercice du droit, et pour tous les métiers. Cela faisant écho aux mutations à l’œuvre dans la société en général, dans le rapport au travail, dans la numérisation de nos activités quotidiennes.

L’opportunité est incroyable, nous sommes collectivement en train d’inventer les nouvelles façons d’exercer, et de nous former à cet exercice d’invention.

"Nous sommes collectivement en train d’inventer les nouvelles façons d’exercer."

Il y a d’ailleurs plus d’un levier activé actuellement pour réécrire nos métiers : nouveaux référentiels de compétences (notamment le nouveau dispositif d’auto-évaluation Pix+Droit, ancienne start-up d’Etat intégrée désormais au MESRI, ou encore au sein d’écoles d’avocats qui inventent de nouveaux parcours de formation), réforme de la formation professionnelle continue, recherche de trajectoires de vie professionnelle porteuses de sens, au-delà de la logique de carrière et métier...
Les jeunes générations ont d’ailleurs tout à fait intégré cette notion de quête de sens plutôt que de métier.

Sumi Saint Auguste conduit notamment les sujets liés à la formation au sein d’Open Law* Le Droit Ouvert.

Est-on bien formés et accompagnés pour cela ?

Tous ces questionnements mobilisent les organisations, avocats, notaires, juristes d’entreprises et toutes les professions, mais aussi les prestataires (organismes de formation), instances professionnelles...
Il y a de fait une inflation des innovations en matière de formation.

Il y le débat sur la mission de l’université qui devrait changer ou pas, c’est-à-dire se "contenter" -si l’on peut dire- ou pas de sa mission de formation technique au droit...

On pressent bien que le sujet des années à venir est la friction liée à la caducité des structures de formation initiale (l’université, pour simplifier), qui cherchent à garantir l’employabilité de leurs étudiants par une technicité juridique de qualité, mais pâtissent de schémas organisationnels lourds et peu mobiles pour s’adapter et introduire d’autres axes pédagogiques désormais cruciaux.

Mais les universitaires sont réactifs et inventifs : ainsi, des D.U. [2] sont proposés ici et là, car ils offrent une réelle autonomie et une liberté pédagogique dont des professeurs et maîtres de conférence avisés se sont emparés.

En parallèle, dans le circuit "normal" LMD [3], le dynamisme des licences professionnelles ou masters qui intègrent le numérique est aussi un levier déterminant dans cette rénovation des filières universitaires du droit .

Et du côté de la formation des professionnels ?

Le secteur de la formation continue a un temps d’avance car il est nativement organisé pour aller chercher l’adoption du marché (trouver des clients). C’est donc le besoin qui fait évoluer les offres.
Ce qui a le vent en poupe ici est le modèle intra [4], davantage sur-mesure et souple, visant à actualiser les compétences techniques... mais aussi les formations de type "développement professionnel".

Quelles méthodes doivent adopter les formations accompagnant la mutation des métiers ?

On voit bien que pour couvrir les soft skills [5] par exemple, des formats pédagogiques sont plus indiqués que d’autres, comme la mise en situation, plus adaptée à l’acquisition de nouvelles aptitudes en savoir-être.

C’est l’intuition que nous avons eue à Open Law d’ailleurs, en proposant une exploration autour de la gamification en septembre 2019 lors de la Legal Games week, en partenariat avec l’ERAGE et Ubisoft, qui proposait de découvrir des expériences d’apprentissage différentes.

"L’évolution de la formation vers des formats plus expérentiels va se développer".

L’évolution de la formation vers des formats plus expérentiels va se développer : la notion de formation au long de la vie appelle nécessairement de nouvelles modalités.

Le besoin en formation se transporte alors dans le continuum de la journée de travail et les réponses tentent ainsi de s’intégrer à l’environnement et au rythme de travail (réseau social, messagerie, espaces de collaboration en ligne...)

Et les attentes des étudiants, ont-elles déjà changé ?

J’ai le sentiment, partagé avec d’autres professionnels du secteur, qu’il y a encore une distorsion culturelle : les attentes des jeunes sont encore très centrées sur la posture et l’image statutaire du métier d’avocat par exemple.

Mais si demain on a de vrais changements dans les référentiels de formation et les régimes de formation, les jeunes professionnels du droit évolueront dans leur culture. Par ailleurs, quand je vois le dynamisme d’étudiants ou élèves-avocats qui s’essaient à l’entrepreneuriat avec un vrai talent et une vraie modernité, je suis confiante quant à la transformation de l’ensemble de la filière.


La formation et l’accompagnement seront au coeur des thèmes du prochain Village de legaltech, avec ce thème central : « Humain + Technologie = 3 ». Repenser l’articulation entre l’homme et la machine, humaniser la transformation numérique, voici le fil rouge qui nous attend tous en 2019 !
Au programme notamment, une conférence sur les mécanismes de l’apprentissage en droit, une conférence pour les étudiants en droit et jeunes professionnels, une cartographie des formations pour la transformation des professions du droit, la présentation du 1er référentiel "Sofskills et métiers du droit"... et un espace "Legalskills" avec des partenaires formateurs et accompagnateurs.
26 et 27 novembre 2019, programme détaillé et inscription ouverte à tous sur https://village-legaltech.fr .

Christophe ALBERT Rédaction du village

[1Co-organisé par OpenLaw et Le Village de la Justice.

[2NDLR : le Diplôme Universitaire sort des sentiers battus car il appartient à la catégorie des diplômes d’établissement et non des diplômes « d’État », est plus souple sur le programme et peut se suivre en formation initiale ou continue.

[3Licence Master Doctorat

[4Formation dans l’entreprise et non en centre de formation.

[5Les compétences comportementales, par opposition aux compétences techniques. Lire à ce sujet : "Enquête au pays des soft skills : quels enjeux pour le monde juridique ?".