Éditorial de ce numéro...

"Choisis un travail que tu aimes..." [1]

Bien plus que le simple choix d’un métier, la vocation est cette force mystérieuse qui pousse un(e) avocat(e) à agir pour le Droit et la Justice, un(e) ingénieur à bâtir des ponts ou un(e) artiste à (dé)peindre des mondes imaginaires. Plus encore, c’est lorsqu’on la découvre et qu’on l’embrasse, que le travail cesserait d’être une contrainte.

« Pour cette profession, on mettra du cœur à l’ouvrage. Pour elle, on fera des folies, on déplacera des montagnes, on fera preuve d’un investissement absolu, d’une dévotion dont seule la passion nous rend capable. (...) Le métier qu’on aime nous définit. On "adore" ce que l’on fait » [2].
Difficile de ne pas considérer que le métier d’avocat fait partie de ces professions. L’engagement est là.

Les métiers-vocation ou métiers-passion, c’est « aimer, d’amour inconditionnel, (...) son travail, lui dédier toute sa vitalité, tous ses espoirs, jusqu’à ce que... » [3]. La désillusion peut être au bout du chemin. Souffrance au travail, risques psycho-sociaux, suicide... L’autre versant, souvent négligé. Les avocats, engagés corps et âme dans leur métier, sont parfois confrontés à une pression insoutenable, à des attentes démesurées, ce qui peut affecter leur bien-être et leur santé mentale. Il est important d’adresser ces enjeux : la santé mentale est l’une des pierres angulaires d’un management responsable.

Ne sacralisons pas : une vocation peut bien sûr pleinement s’exprimer en dehors du cadre professionnel. Elle n’en reste pas moins considérée comme une clé de l’accomplissement personnel, de l’épanouissement professionnel, le moteur du succès et de la performance. N’y aurait-il pas d’ailleurs une tendance de nos organisations à rechercher ou «  solliciter l’engagement de chaque salarié, mobiliser son intelligence émotionnelle, ses affects, sa résilience et faire en sorte qu’il cherche à réaliser ses aspirations les plus personnelles ?  » [4].

Le lien entre l’engagement au travail et la vocation professionnelle est profond. Bien au-delà des chiffres et des objectifs, ils constituent une force intangible qui nourrit l’équilibre de toute entreprise, connectant les individus dans un ballet complexe d’émotions, de compréhension, de collaboration, au service de leur vocation.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la fin d’une relation professionnelle doit être abordée avec le même soin que son début : un processus d’offboarding bien orchestré préserve l’intégrité de l’individu et du collectif. Car le but est peut-être surtout le suivant : préserver cet équilibre, fragilisé par le départ d’un membre de l’équipe, afin de ne pas démotiver, démobiliser, désengager les équipes en place.

C’est précisément pour contribuer à illustrer l’impératif d’accorder une place centrale à cette gestion du facteur l’humain au sein des cabinets d’avocats que nous avons délibérément choisi, dans le dossier de la Rédaction, de traiter en agrégat ces trois enjeux, RPS - engagement - offboarding.

Certes, il incombe probablement aussi à chacun(e), le cas échéant, de s’interroger sur son éventuel rapport passionnel au travail et ses conséquences. À chacun(e), mêmement, de se souvenir qu’un métier, «  il n’est pas nécessaire de l’aimer, de lui confier ses aspirations personnelles, ses rêves. Il faut l’instrumentaliser : il doit assurer une vie matérielle, familiale et de loisirs, il doit l’accompagner et non être son but » [5]. La génération qui nous suit s’en serait-elle déjà pleinement saisi ?

A. Dorange
Rédactrice en chef

Au sommaire de ce numéro 101 :

LE DOSSIER "Risques psychosociaux au sein des cabinets d’avocats" :

▪ Les risques psychosociaux au sein des cabinets d’avocats : Quand la pression peut affecter l’équilibre psychologique des auxiliaires de justice...
Les cabinets d’avocat, souvent considérés comme des lieux de réussite et de prestige, peuvent aussi cacher une réalité plus sombre et souvent négligée : celle de risques psychosociaux qui pèsent sur la santé mentale des avocats. Derrière l’image d’une profession socialement très valorisée, se trouvent en effet des environnements professionnels extrêmement stressants, parfois toxiques. La pression constante, les exigences élevées et la culture compétitive peuvent avoir un impact dévastateur sur l’équilibre psychique et émotionnel.

▪ Interview : « Sentiment de bien-être au travail et engagement se renforcent mutuellement. » (Capitaine Antonin)

▪ Focus : Réussir l’offboarding des collaborateurs en cabinet d’avocats .
Alors que les cabinets d’avocats ont de plus en plus structuré l’accueil des collaborateurs, la sortie des collaborateurs l’est nettement moins. Pourtant, la taille moyenne des structures amplifie les enjeux de continuité d’activité, les cabinets éprouvent des difficultés accrues de recrutement, et le régime professionnel et déontologique de l’avocat génère des spécificités à intégrer dans la gestion de la sortie d’un collaborateur....

OUTILS ET SOLUTIONS POUR LES AVOCATS

▪ ChatGPT et autres intelligences artificielles génératives : qu’en pensent les avocats ?
Sommes-nous prêts à utiliser les IA génératives ? Pour quelle utilisation ? Les avocats ont répondu à notre enquête.

PRATIQUES PRO

▪ Coaching pour avocats : quelle offre de services ?
L’essor du coaching est indéniablement une tendance marquante au sein de notre petit monde juridique. L’offre de services connaît une forte croissance, particulièrement en ce qui concerne l’accompagnement des avocats. État des lieux !

▪ Les nouveaux outils de l’amiable judiciaire : audience de règlement et césure du procès.
Patrick Lingibé, avocat au barreau de la Guyane et vice-président de la Conférence des bâtonniers, présente les modifications apportées par le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023, qui institue deux mesures importantes en vue de favoriser le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire. Il livre également son sentiment sur la nouvelle procédure de césure du procès.

CAHIER DES PARTENAIRES

INNOVATION

▪ Les cabinets d’avocats face à l’évolution du paysage juridique des cryptomonnaies...
Les cryptomonnaies représentent un défi considérable, non seulement pour les autorités de régulation mais également pour les cabinets de conseil. En effet, certains gouvernements et bientôt l’Union Européenne ont introduit de nouvelles réglementations, pour partie issues de la finance traditionnelle, afin d’encadrer les cryptomonnaies et plus largement les actifs numériques. La réglementation étant complexe et en constante évolution, un besoin croissant est né pour des avocats spécialisés dans ce secteur d’activité.
Par ailleurs, c’est également une opportunité de diversifier ses moyens de paiement pour les avocats, notamment face à une clientèle spécialisée férue de cryptomonnaies...

AVOCATS ET SOCIÉTÉ

▪ Engagement sociétal : « Plus que jamais nous devons rester mobilisés ! » Interview de Vincent Nioré, Observatoire international des avocats en danger (OIAD).

▪ Associations : « Prévenir le suicide, c’est d’abord une affaire de proximité. »
L’association APESA Paris permet à tout chef d’entreprise parisien qui en éprouve le besoin de bénéficier d’une prise en charge psychologique, rapide, gratuite, confidentielle et à proximité de son domicile, par des psychologues spécialisés dans l’écoute et le traitement de la souffrance morale. L’accompagnement s’adresse aussi aux avocats, pour eux-mêmes en tant que chef d’entreprise, ou pour leur clientèle. Joëlle Lellouche, Présidente de l’association parisienne, nous en parle davantage.

▪ Culture : [Nouvelle parution] Un monde sans droit ?
Un monde sans droit est-il envisageable ? Question qui ferait un bon sujet de philosophie et à laquelle dans cet essai, Stéphane Braconnier, Président de l’Université Paris-Panthéon-Assas depuis décembre 2020, professeur de droit public économique, s’emploie à répondre grâce à son double regard d’universitaire et de patricien du droit.

REVUE DU WEB

▪ À lire sur www.village-justice.com
▪ Offres d’emploi.

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