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Les licenciements abusifs en droit anglais. Par Alain-Christian Monkam, Avocat.
Parution : vendredi 10 juillet 2015
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C’est une conception erronée que de croire que les employeurs anglais peuvent se débarrasser de leurs salariés "un coup de pied dans le derrière" et ce, sans aucune conséquence judiciaire. Les Employment Tribunals anglais, équivalent des conseils de prud’hommes français, sanctionnent les employeurs indélicats parfois très sévèrement.

Comme cela avait été décrit dans un précédent article, les licenciements en Angleterre doivent obéir à un minimum de procédure prévue dans plusieurs chartes de bonne conduite d’application nationale, notamment l’ACAS Code of practice on discplinary and grievance. Au surplus, la loi britannique section 98 (1) of Employment Rights Act 1996 délimite de façon très précise les cinq raisons pour lesquelles un licenciement peut être prononcé :

Si une entreprise installée en Angleterre prononce un licenciement pour une raison qui ne peut pas figurer dans la liste ci-dessus, le licenciement sera considéré abusif par les tribunaux c’est à dire unfair.

Par ailleurs, la loi anglaise fixe une longue liste de raisons pour lesquelles un licenciement serait considéré automatiquement abusif en droit anglais s’il apparaissait qu’il s’agissait du véritable motif de rupture du contrat de travail, par exemples : exercice de fonctions syndicales ou appartenance à un syndicat, exercice de fonctions liées à la protection de l’hygiène et la sécurité dans l’entreprise, lancement d’alerte whistleblowing, discrimination, action judiciaire par le salarié ou simple réclamation en vue du respect d’un droit, transfert d’entreprise, exercice des droits à congés parentaux y compris congé maternité etc.

Combien même un employeur anglais prononce un licenciement pour l’1 des 5 motifs précités potentiellement valables, l’Employment Tribunal doit néanmoins s’interroger sur le caractère raisonnable de la décision de licenciement : se situe-t-elle dans le ’band or rang of reasonable response’ ? A cet égard, l’Employment Tribunal procède à une appréciation casuistique en prenant en compte les faits de chaque espèce ainsi que les indications données par la jurisprudence des tribunaux supérieurs (Employment Appeal Tribunal, Court of Appeal, Supreme Court).

Si au terme de ce travail (qui mobilise généralement plusieurs jours d’audience avec défilé de témoins et plusieurs classeurs de pièces) le licenciement est reconnu abusif, l’Employment Tribunal passe à la phase de la réparation du licenciement abusif. Si elle est prévue par la loi, la réintégration est rarement prononcée en Angleterre pour des raisons évidentes de praticabilité. Il reste donc l’indemnisation financière. Tout d’abord et à l’instar de la loi Macron qui entend aujourd’hui plafonner l’indemnisation des conseils de prud’hommes français, les dommages intérêts pour licenciement abusif sont plafonnés en droit anglais depuis les premières lois britanniques sur le licenciement abusif des années 70 (notamment Trade Union & Labour Relations Act 1974 et Employment Protection Act 1975).

Le plafond des dommages intérêts anglais, révisé chaque année, est depuis 6 avril 2015 fixé à £92,585 (129.000 €) ou bien 12 mois de salaire si cette somme est plus basse.

Toutefois, il convient de faire trois rappels d’importance :

En pratique, en 2013/2014, le montant moyen des condamnations pour licenciement abusif en Angleterre a été de £11,813, c’est à dire €16.500.

En France, dans le cadre de diverses études réalisées pour le projet de loi Macron, on estime que la moyenne des condamnations prononcées par les Conseil de Prud’hommes est de 11 mois de salaire. Si on rapporte cette moyenne au salaire moyen brut français (salariés non-cadres : 1.541 €), on obtiendrait donc une moyenne de condamnation de 16.951 € pour les Conseils de Prud’hommes français, c’est à dire un montant pas très éloigné des condamnations prononcées par les Employment Tribunals anglais....

Alain-Christian Monkam Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris https://monkam.uk/
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