Le droit français de la procédure disciplinaire, visé aux articles L. 1332-2 et suivants du Code du travail, fait le choix de l’encadrement légal dans des délais et de la forme (pas de poursuite disciplinaire au delà d’un délai de 2 mois après la découverte des faits par l’employeur ; convocation avec des mentions obligatoires à un entretien préalable, notification de la sanction dans un délai compris entre 2 jours ouvrables et 1 mois après l’entretien).
Le droit du travail anglais a une approche différente car la loi ne prescrit aucune procédure disciplinaire obligatoire ! Très brièvement, le gouvernement travailliste de Tony Blair avait imposé une procédure légale en 2004 avant de l’abandonner lui-même cinq ans plus tard en 2009. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant qu’un employeur anglais peut aujourd’hui faire n’importe quoi.
Lorsqu’un employeur britannique découvre des faits possiblement fautifs du salarié, les outils essentiels vers lesquels il doit se tourner sont : le contrat de travail du salarié (qui prévoit éventuellement une procédure à suivre), le règlement intérieur ’Employee Handbook’ (qui prévoit très certainement la procédure ainsi que l’échelle des sanctions) ainsi que la charte de bonne conduite ’Disciplinary and Grievance Procedure’ édictée par un organisme public ACAS (the Advisory, Conciliation and Arbitration Service).
En substance, la procédure disciplinaire anglaise se déroule presque invariablement suivant les étapes suivantes (qui ne prescrivent aucun délai ni aucune forme) :
lors de la découverte des faits fautifs, l’employeur doit procéder aussi rapidement que possible à une enquête interne, qui est généralement confiée à un cadre indépendant (c’est à dire non lié à l’affaire litigieuse) de l’entreprise ;
lors de cette enquête, il est conseillé d’entendre le salarié pour qu’il puisse donner un éclairage sur les éléments découverts ;
si le cadre indépendant estime que les faits sont susceptibles de poursuites, il doit saisir la commission disciplinaire de l’entreprise (qui est généralement crée ad hoc) et à laquelle il ne fait pas partie ;
le salarié est invité à s’expliquer devant cette commission de discipline ; il peut être accompagné par un délégué syndical ou bien un collègue de travail ; l’employeur anglais doit joindre à sa convocation les informations essentielles révélées par l’enquête (à charge et éventuellement à décharge) ainsi que la teneur des témoignages rassemblés ;
après l’entretien préalable et au vu des explications du salarié, il appartient à l’employeur de prononcer ou non une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement (en tenant compte de l’échelle des sanctions de l’Employee Handbook)
le salarié doit disposer un droit de recours interne ’appeal’ contre la décision prononcée.
Si la procédure indiquée ci-dessus n’est pas suivie, il existe des fortes chances que la sanction ou le licenciement disciplinaire prononcés seront jugés par les tribunaux (’Employment Tribunal’) comme injuste ’unfair’ avec des dommages intérêts à la clé.
Il convient de relever une grande sévérité du droit du travail anglais : même si le licenciement consécutif à une procédure disciplinaire irrégulière est considéré comme injuste, le Tribunal anglais peut décider de n’allouer au salarié aucun dommage intérêt s’il estime qu’au vu des fautes du salarié, l’employeur aurait été fondé à licencier le salarié s’il avait suivi une procédure régulière....C’est le principe du Polkey reduction.
Il ne fait donc pas forcément bon vivre pour les salariés anglais qui commettent des fautes pouvant entraîner leur licenciement.