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La « gamification », la tendance à suivre pour l’apprentissage du droit.
Parution : mercredi 31 juillet 2019
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Le droit étant une matière technique, en théorie comme en pratique, les conditions d’apprentissage font constamment l’objet d’une réflexion, notamment lorsqu’il s’agit de transmettre des connaissances juridiques à des non initiés. Comment faire en sorte que le droit apparaisse moins rébarbatif, pour encourager la formation ? Et surtout, comment s’assurer que les messages et les réflexes perdurent dans le temps ?

Une méthode semble aujourd’hui séduire : la « gamification » - anglicisme à la mode pour désigner la technique consistant à appliquer les codes liés au jeu à des domaines totalement extérieurs. Jeu et droit ne semblent effectivement pas faits pour être associés. Pourtant, sa mise en application apparait, dans la pratique, comme un bon moyen de le rendre plus accessible. Si le procédé n’est pas entièrement nouveau - le Village de la Justice ayant déjà répertorié des exemples concrets au fil du temps, il semble séduire de plus en plus le monde juridique.

Le concept de formation par le jeu n’est pas, en effet, une nouveauté. Les formats possibles sont très variés : quizz, jeux de simulation, jeux de société, « serious game » … Les possibilités sont infinies pour trouver celui qui sera le plus adapté à ses besoins et à ses moyens. Et les solutions ludiques s’adressent à tous les publics - étudiants, professionnels du droit ou salariés d’une entreprise.

La plateforme Lord of Law propose par exemple aux étudiants de première et deuxième année un jeu construit avec des niveaux de progression, des badges selon les points récoltés…facilitant ainsi les révisions et l’apprentissage des codes du droit et de ses matières. L’université Lyon 3 Jean Moulin a également créé un tribunal virtuel sur Second Life pour ses étudiants et master. Autre solution d’e-learning : la société Michelin a développé un jeu de formation et de sensibilisation à destination des salariés sur les risques liés au non-respect de la loi anti-trust.

Si les outils numériques facilitent la création de ces formats ludiques - et leur accessibilité, en permettant une formation à distance - cette « gamification » peut aussi se traduire par des jeux plus classiques, en face à face. A titre d’exemple, le jeu de société créé par la direction juridique d’Immochan France, et qui a remporté les deux Prix de l’innovation en management juridique en 2016. A destination des équipes opérationnelles, leurs jeux de plateau permettaient d’acquérir une culture juridique sur deux thématiques : le montage d’opération et le bail commercial.

Ou encore le projet présenté par l’une des équipes finalistes du Prix de cette année, la Conserverie la belle-iloise, qui a créé un escape game afin de former une centaine de collaborateurs au RGPD.

Les applications de cette « gamification » sont donc multiples, et présentent de nombreux avantages. En plus de briser l’image rébarbative du droit, les créateurs de telles solutions constatent que les notions inculquées par ce biais sont acquises durablement par les joueurs. Un enjeu important quand les règles de droit ne doivent plus rester la seule affaire des juristes. L’exemple du RGPD est très parlant : pour s’assurer que l’entreprise respecte le règlement, il est important que chaque salarié en comprenne les enjeux et modifie ses pratiques, pour garantir la conformité de l’entreprise.

Mais ces solutions ludiques ne transmettent pas que des notions de droit : elles permettent aussi d’apprendre de nouvelles méthodes de travail et de management, ainsi que le travail collaboratif, quand il s’agit de jeux en équipe. Le jeu devient alors un outil pour acquérir des soft skills aujourd’hui essentiels dans les nouvelles organisations.

Le fait de « faire » permet également de développer sa créativité et son agilité. Plus encore, elle « apprend à apprendre » : en adoptant de nouvelles règles de jeu, on accepte d’entrer dans un univers inconnu, et de s’y adapter. Une qualité indispensable dans les conditions actuelles, car le numérique nous oblige aujourd’hui à changer nos méthodes et nos comportements face à des transformations rapides et complexes. L’agilité d’apprentissage est alors un atout pour s’adapter à un environnement en perpétuel évolution, tout en restant autonome.

Le jeu aurait donc de beaux jours devant lui dans le monde du droit. L’association Open Law*le droit ouvert, en partenariat avec l’ERAGE, a d’ailleurs programmé une université d’été sur cette thématique, début septembre à Strasbourg. Les participants se pencheront, durant deux jours, sur le sujet de l’apprentissage du droit par le biais du jeu et de la gamification, et sur les applications concrètes qui ont pu être faites de ces méthodes jusqu’ici.

Alors, la gamification réussira-t-elle à rendre le droit fun ?

D’autres exemples de gamification :
- La société Dômes Pharma qui a créé un jeu sur le RGPD inspiré de l’émission télé "Burger Quizz" [1]

- Vincent Chauveau, Notaire, a quant lui créé un jeu de société, "Maka7" [2], sur l’héritage.

Clarisse Andry Rédaction du Village de la Justice © image Adobe et Village de la Justice

[2Voir le site du jeu.