Dans un arrêt du 29 juin 2011 fébrilement attendu par l’ensemble des praticiens du droit du travail qui redoutaient une possible invalidation pure et simple du recours au forfait-jours (dont on imagine, il est vrai, les conséquences lourdes), la chambre sociale avait finalement opté pour une position reconnue raisonnable, consistant à valider le principe du recours au forfait-jours, tout en l’assortissant d’un certain nombre de garde-fous, au nom du "respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur".
La terminologie choisie à cette occasion par la chambre sociale est à la fois pleine de sens, et s’érige comme le prisme à travers lequel doit s’effectuer le contrôle des juges du fond :
"Attendu, encore, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires"
Les arrêts récemment rendus par la chambre sociale ne constituent qu’une mise en application de ce credo nouvellement affirmé.
Ainsi en est-il, en premier lieu, de l’arrêt rendu le 28 février 2012 aux termes duquel la Cour rappelle que si l’employeur applique un forfait-jours unilatéral sans avoir conclu de convention de forfait avec le salarié, il s’expose à devoir régler à celui-ci le paiement des heures supplémentaires effectivement travaillées.
La nouveauté (mais en est-ce vraiment une tant elle était déjà invoquée devant les juridictions du fond) est qu’en agissant de la sorte, l’employeur se rend également coupable de travail dissimulé (article L. 8223-1 du Code du travail), s’exposant ainsi, sur le plan civil et en cas de rupture du contrat de travail, à devoir régler au salarié une indemnité forfaitaire de six mois de salaires.
Si l’impérativité de la mise en place d’une convention individuelle de forfait avec le salarié est donc réaffirmée, elle ne constitue pour autant pas une condition suffisante pour exempter l’employeur de tout risque.
Ce dernier doit en effet notamment s’assurer :
que l’accord collectif mettant en place le forfait-jours permet de garantir le respect des durées maximales de travail, ainsi que les repos journaliers et hebdomadaires du salarié, et que ces dispositions sont, dans les faits, effectivement respectées : l’arrêt rendu le 28 mars 2012 en constitue une illustration récente ;
que sont précisées, le cas échéant par accord collectif, les modalités concrètes de décompte des journées et demi-journées travaillées et de repos ainsi que de contrôle et de suivi du forfait,
que le cadre avec lequel l’employeur conclut une convention de forfait-jours dispose, dans ses conditions effectives de travail, d’une large autonomie dans l’organisation et la gestion de son emploi du temps : ces deux dernières exigences ont été rappelées à l’occasion d’un arrêt récent du 21 mars 2012.
CONVENTION COLLECTIVE SYNTEC
La chambre sociale de la Cour de cassation a par ailleurs eu l’occasion de rappeler, dans un arrêt du 3 novembre 2011 que l’organisation du temps de travail des cadres soumis à la Convention collective des Bureaux d’études techniques (SYNTEC) sous la forme de forfait-jours demeure réservée :
aux mandataires sociaux,
ou aux cadres bénéficiant a minima d’une position 3.1 sur la grille de classification conventionnelle,
ou à ceux dont la rémunération annuelle est au moins égale à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit pour 2012, 2 x 36.372€).
Ainsi, l’employeur qui conclut une convention de forfait jours avec des salariés ne répondant pas à ces exigences (au cas d’espèce le positionnement sur la grille de classification était inapproprié) s’expose à ce que la convention de forfait soit déclarée nulle, et que ceux-ci lui réclament et obtiennent le paiement des heures supplémentaires effectuées.