de
neptune75
le Lun 13 Mar 2006 16:07
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Profession: Avocat
Bonjour,
Il existe bel et bien une passerelle entre les deux métiers. Ne croyez pas que les anciens inspecteurs des impôts actuellement en cabinet d'avocats ont dû se coltiner un an d'I.E.J. (d'ailleurs inutile pour les autres étant donnée la nullité de la préparation) et un an de C.R.F.P.A. (inutile pour les mêmes raisons).
Si le barreau a une seule qualité c'est celle de permettre à des gens, quelle que soit leur origine, d'entrer dans la profession à patir du moment où il peuvent apporter quelque chose de positif aux justiciables (et plus largement aux clients).
On peut d'ailleurs regretter que la réciproque n'est pas vraie : les avocats tentés par le service public sont obligés de passer le sacro-saint concours. Même s'ils ont 5-10 ans d'expérience, rien n'y fait. Même s'ils ont un diplôme (le C.A.P.A.) qui n'est pas donné à tout le monde (l'accès au CRFPA n'est pas un concours mais il faut quand même y arriver : écrit sélectif ; grand oral devant des magistrats de cour d'appel, de tribunal administratif etc...), ils doivent repartir de zéro. Vous me direz que cela concerne une minorité d'avocats ? et bien justement ! les personnes concernées devraient bénéficier d'un traitement de faveur pour entrer dans l'administration à un poste digne de leur valeur. Cela ne remettrait pas en cause le principe de l'accès par concours puisque la majorité devrait encore en passer par là.
Au passage, la magistrature admet également des gens qui ne sont pas issus du premier concours (le must du concours d'entrée à l'E.N.M.) : les salariés qui ont travaillé huit ans dans un service juridique d'une entreprise bénéficient d'un concours allégé. De même pour les fonctionnaires. Quant aux avocats, ils ne bénéficient, ni plus, ni moins, que d'une intégration directe à l'E.N.M., sans le moindre concours, pourvu qu'ils aient 4 ou 5 ans d'exercice (on ne compte plus le nombre de procureurs ou de juges du siège qui sont d'anciens avocats). Le site internet de l'E.N.M. donne toutes les informations sur ces différentes modalités d'accès.
Pourquoi le reste de l'administration est-elle si sourde à certaines vocations ?
Deux sortes d'avocats peuvent être intéressés de rentrer dans l'administration publique sans avoir à passer le concours : les avocats qui, sur le tard, décident de se mettre au service de l'Etat pour de nobles raisons. Ces derniers justifieraient un accès direct à la fonction publique par leur expérience. Seconde catégorie de personnes intéressées, les avocats qui, au bout de 1-2 ou trois ans après leur sortie du C.R.F.P.A. n'ont trouvé aucun cabinet voulant les prendre. Bien souvent, les compétences et les qualités de ces quelques malheureux ne sont absolument pas en question. Non, ils ne sont pris nulle part pour des raisons inavouables.
Je suis particulièrement concerné : j'ai prêté serment à la cour d'appel de Rennes en janvier 2005. Déjà un an. Je dois me résoudre à la triste réalité : je n'ai pas d'avenir dans la profession d'avocat. Durant cette année, j'ai couru à travers toute la France. Résultat des courses, les avocats que j'ai rencontrés sont tous plus faux les uns que les autres. La compétence et les qualités humaines qui sont les idées maîtresses de la profession d'avocat ne représentent plus pour la majorité des avocats en exercice, hélas, les impératifs qui doivent guider jour après jour l'exercice du métier. Apparence ... superficialité ...
Voyant cela, j'ai passé les concours d'agent des impôts et de contrôleur des impôts en fin d'année. Malheureusement, n'étant pas prêt pour celui d'inspecteur, j'ai dû l'écarter. Vu le déroulement de mes épreuves, au pire je devrai repasser ces concours, au mieux je serai ...agent des impôts en juin prochain. Quelle promotion sociale pour quelqu'un qui a en plus de sa maîtrise de droit : deux troisième cycle et le C.A.P.A.
Je trouve cela écoeurant. Pendant que certains bénéficient de passe-droits leur permettant d'entrer facilement par la grande porte dans l'administration, moi qui suis diplômé et ai fait du travail exemplaire durant mes stages de troisième cycle et de C.A.P.A., je suis laissé de côté par mes "confrères" et mon pays me traite comme un paria.
Est-il judicieux de devenir avocat quand on est inspecteur des impôts ? Faut-il franchir le pas ? Deux approches : dans l'approche personnelle, cette réorientation professionnelle a du bon et du moins bon. Du bon : la rémunération est sans commune mesure. Quand un avocat règle le divorce d'un gros entrepreneur du coin, avec tous les problèmes fiscaux que cela implique, les honoraires sont très juteux. Du moins bon ensuite : je ne ferai preuve d'aucun mépris et croirai volontiers qu'un inspecteur des impôts travaille plus de 35 h par semaine. Mais, y-a-t-il beaucoup d'inspecteurs des impôts qui travaillent le samedi et/ou le dimanche (parfois le samedi et le dimanche, parfois plusieurs week-ends d'affilés) ? Je n'étonnerai personne en disant que la vie d'avocat (tant judiciaire que conseil) bouffe la vie personnelle.
Ensuite, il y a l'approche environnementale : les personnes avec lesquelles on travaille, le milieu dans lequel on évolue etc... La profession d'avocat regroupe des gens dont l'individualité est exacerbée à l'extrême (la redondance est voulue). Pour cotoyer depuis trois ans ces personnes, j'en sais quelque chose. Plus encore, ma recherche de travail dans ce milieu me permet de faire état d'une réalité qui est loin d'être idyllique. Mon opinion est objective sur ce point, elle se base sur des faits avérés.
Le barreau est une fiction : ajoutez 10-20-50-200 avocats, il en ressort toujours une juxtaposition d'autant d'individualités. L'avocat ne fait pas cause commune avec son client pour gagner et, ainsi, le satisfaire, il le fait pour être sans cesse en conflit avec son "confrère". La profession d'avocat est un monde de coups bas dans lequel la mesquinerie est la marque de fabrique de la majorité des intervenants. Impartial, je me garde bien de généraliser.
La confraternité ? un bien grand mot qui devient rapidement inintelligible quand vous voulez bénéficier de sa protection. C'est du chacun pour soi. Bref, la confraternité c'est un bon sujet d'examen de sortie du C.R.F.P.A., rien de plus, hélas...
Ces deux constatations viennent de ma triste expérience. Tentant désepérément d'intégrer un barreau depuis plus d'un an, je n'ai reçu l'appui d'aucun avocat. Je ne suis pas un mendiant, simplement quand vous constatez que vos C.V. et lettres de motivations attérissent systématiquement au fond d'un tiroir ou sont affichés dans un couloir obscur, fréquenté seulement par les souris, vous vous posez des questions. Quand vous contactez à de multiples reprises le bâtonnier afin qu'il vous tienne au courant des postes qui se libèrent et que ce dernier vous envoie ballader, vous vous posez encore plus de questions (pour ma part, j'ai contacté deux fois le bâtonnier par courrier : aucune réponse. Je lui ai téléphoné : refus de rendez-vous, il ne daigna même pas me parler au téléphone). Quand, enfin, plusieurs avocats de cabinets différents vous contactent pour vous dire qu'ils sont intéressés par votre candidature alors qu'ils ont déjà fait le choix de leur nouveau collaborateur, le doute n'est plus permis, les questions laissent la place à une certitude : il y a quelque chose de pourri chez ces gens-là.
A la vérité, une majorité (grande ou petite, c'est la question) des personnes occupant la fonction d'avocat ne peut être heureuse que si elle instaure un rapport déloyal de force entre elle et les autres (les clients de leur "confrères", leurs "confrères" et les gens qui entrent (ou tentent d'entrer) dans la profession.
Alors, oui, c'est une belle profession, mais elle est quotidiennement salie par des individus qui ne respectent rien.
Attention donc aux inspecteurs des impôts qui veulent franchir le pas : demain, vous serez dans l'arène avec vos nouveaux "confrères". Vous serez leur égal --rien de plus-- et ne serez plus protégés par l'Etat par l'intermédiaire de l'administration. La déférence qu'ils avaient pour vous (eu égard à votre fonction d'inspecteur) fera place à la confraternité, triste contre réalité expliquée ci-dessus.
Quiconque désire entrer dans la profession ne peut faire l'économie d'une profonde réflexion avant de l'intégrer.