Condamnation de l’État pour le non-remplacement de professeurs absents : quels en sont les fondements et incidences ?

Par Fleur Jourdan, Avocat.

3230 lectures 1re Parution: 3.75  /5

Explorer : # non-remplacement des professeurs # responsabilité de l'État # continuité pédagogique # indemnisation symbolique

Ce que vous allez lire ici :

L'objet de cet article est de revenir sur la condamnation de l'État pour sa "carence dans l'organisation du service public de l'enseignement", suite à des plaintes de parents d'élèves concernant des absences non remplacées d'enseignants. Le tribunal a jugé que l'État avait manqué à son obligation d'assurer l'enseignement, ce qui constitue une faute de nature à engager sa responsabilité. Le tribunal a fixé des critères pour évaluer le préjudice subi par les élèves, en considérant qu'une rupture continue d'enseignement d'une durée supérieure à trois semaines est préjudiciable et qu'une responsabilité de l'État peut être engagée lorsque les absences dépassent environ 15% du volume annuel total d'une matière obligatoire.
Description rédigée par l'IA du Village

Depuis des années la question du non-remplacement des enseignants absents ne cesse de s’aggraver et de faire débat. Cette question, polémique, a même été à l’origine de l’éviction d’une récente ministre de l’Éducation nationale.
Face à un sentiment d’inaction politique, les familles, organisées dans des associations et de collectifs de parents d’élèves, se sont donc tournées vers le juge pour enrayer cette situation.
L’engagement de la responsabilité de l’État en cas de non-remplacement d’enseignants absents repose sur une jurisprudence ancienne et bien établie [1].
Toutefois, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a pour la première fois condamné l’État sur ce fondement dans le cadre d’une action coordonnée de parents d’élèves.
TA Cergy-Pontoise, 3 avril 2024, décisions n°2211429, n°2301199, n°2217195, n°2301195.

-

Par plusieurs décisions rendues le 3 avril 2024 [2], le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l’État pour « carence dans l’organisation du service public de l’enseignement » dans des affaires concernant le rectorat de Versailles.
Ces décisions de justice font suite à la mobilisation d’un collectif de parents d’élèves dénonçant les heures de cours perdues par leurs enfants du fait d’absences non remplacées de leurs enseignants.

1. L’obligation d’assurer l’enseignement au fondement de la responsabilité de l’État.

Dans ces affaires, la juridiction sanctionne le manquement à l’obligation d’assurer l’enseignement scolaire, consacrée aux termes de l’article L122-1-1 du Code de l’éducation, et la continuité des apprentissages, prévue à l’article D. 321-1 de ce même code.

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s’est notamment fondé sur la décision rendue par le Conseil d’État le 27 janvier 1988, Ministre de l’éducation nationale contre Giraud, n° 64076, selon laquelle :

« la mission d’intérêt général d’enseignement (…) impose au ministre de l’éducation nationale l’obligation légale d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes (…) ».

Le juge administratif considère donc que le manquement à ces obligations « pendant une période appréciable », en l’absence de toute justification tirée des nécessités de l’organisation du service, est constitutif d’une « faute de nature à engager la responsabilité de l’État ».

2. L’appréciation par le juge du manquement à cette obligation.

Comment le juge administratif apprécie-t-il alors la « période appréciable » susceptible d’engager la responsabilité de l’État ?

Le rapporteur public a considéré qu’une « rupture continue d’enseignement sur une période supérieure à trois semaines » était préjudiciable pour les élèves et ouvrait droit à réparation.

S’agissant des absences de courte durée, il a établi le seuil au-delà duquel la responsabilité de l’État pouvait être engagée à environ « 15 % du volume annuel total d’une matière obligatoire ».

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a par exemple estimé que l’État avait commis une faute du fait du non-remplacement d’un enseignant pendant 16 jours, ce qui avait eu pour effet de priver l’élève concerné de l’intégralité des enseignements obligatoires qui devaient lui être dispensés sur cette période.

3. Une indemnisation symbolique.

Dans ces décisions, l’État a été condamné à indemniser les requérants des préjudices nés de la perte de chance de leurs enfants de réussir leur cursus scolaire en raison de la rupture de la continuité pédagogique, pour les collégiens, et du retard pris dans l’acquisition du socle commun de connaissances, pour les élèves de primaire.

Il convient de souligner que le juge administratif a considéré que les bons résultats obtenus par un élève malgré l’absence de son professeur n’étaient pas de nature à exonérer l’État de sa responsabilité.

Tous les requérants n’ont toutefois pas eu gain de cause. Le tribunal administratif a renvoyé trois affaires et rejeté une requête. Le ministère de l’Éducation nationale a annoncé qu’il envisageait de faire appel. D’autres tribunaux doivent statuer sur des requêtes similaires dans les prochains mois.

Si les sommes versées à titre de réparation dans ces affaires sont symboliques, il s’agit surtout pour les familles concernées de faire pression sur l’État. Le contentieux indemnitaire des heures non remplacées est devenu récurrent du fait de l’activisme d’associations et de collectifs de parents d’élèves.

Fleur Jourdan, Associée fondatrice,
Avocat au Barreau de Paris
Droit public et éthique des affaires
Fleurus Avocats
https://www.fleurusavocats.com/team

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

8 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1TA Cergy-Pontoise, 21 juill. 2017, M. et Mme Bollérot, n° 1508790 ; TA Lille, 26 juin 2019, n° 1702109 ; TA Nantes, 10 oct. 2019, n° 1608500 ; TA Montreuil, 13 oct. 2020, n° 2003767 ; TA Besançon, 23 fév. 2021, n° 2000557.

[2TA Cergy-Pontoise, 3 avril 2024, n°2211429, n°2301199, n°2217195, n°2301195.

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs